Société
Témoin - Chine hors-piste

Jenny et les patronnesses de Chongqing

Dîner en compagnie de Jenny à Chongqing. (Crédit : Gerald Kane).
Connue pour la beauté et le caractère bien trempé de ses femmes, Chongqing jouit d’une solide réputation en Chine en ce qui concerne la gente féminine. L’association des « patronnesses » en constitue d’ailleurs un exemple probant. Ses membres ont en effet bien vite fait de mettre au diapason le mari macho ou d’en divorcer après leur maternité pour s’offrir toute latitude de mener leur entreprise tambour battant et vivre leur vie de femme émancipée.
Ami de longue date d’une femme chef d’entreprise venue de Shenzhen qui a implanté sa société de pub et de design à Chongqing, j’ai pu être introduit dans ce cercle très fermé des patronnes de la mégapole. Entre réunions networking et soirées dégustations de vins français, certaines d’entre elles se sont confiées sur le quotidien de leur métier, leur statut dans la société, les défis et les rapports à leurs employés et à leurs familles.
J’ai ainsi pu retrouver l’une d’elle, Jenny, dans un café à la mode récemment ouvert dans le quartier de Jiangbei, dans un environnement partagé entre forêt tropicale et petites tables bistrot à la française. Je l’interroge : « Vous aimez cet endroit ? ». « Oui, répond-elle, je m’y sens détendue et j’y viens fréquemment pour travailler sur mon ordinateur à l’écart des incessantes sollicitations du bureau ».
Jenny est fonctionnaire de mairie avec un poste à responsabilité dans le secteur de l’urbanisme. Ses décisions impliquent parfois des enjeux considérables comme le choix de prestataires pour la construction d’infrastructures et la sélection d’entreprises de promotion immobilière pour tel ou tel projet. Son équipe est principalement masculine et Jenny m’exprime clairement sa préférence pour le travail avec des hommes car les femmes, selon elles, sont sources de problèmes notamment dans leur rapport à l’autorité, c’est-à-dire à elle !
Côté vie personnelle, son mari et son fils sont au Canada, « occupés à préparer sa retraite », dit-elle avec un petit rire entendu. Une situation personnelle particulière qui lui permet de se concentrer sur son travail sans contrainte mais aussi de vivre sa vie… En effet, Jenny aime bien sortir et il m’est arrivé plus d’une fois de la croiser en boîte de nuit, de la retrouver dans un bar ou à ces soirées entre amies où j’ai le privilège d’être invité.
Ce que lui apporte cette association ? « Se serrer les coudes entre amies du même monde, qui ont fait les mêmes choix, vivre leur vie et en cas de coup dur, se retrouver autour d’un verre ou à une exposition pour en discuter et trouver des solutions. Mais surtout : s’amuser et découvrir les plaisirs de la vie comme les hommes, voir mieux que les hommes », m’explique-t-elle de manière directe et avec une pointe de malice.
Jenny a 45 ans. Pour beaucoup de femmes chinoises, c’est une période pour prendre soin de sa famille, parfois même l’âge de s’occuper de son petit-fils ou sa petite fille pendant que son fils ou sa fille va travailler. Mais Jenny, elle n’est pas intéressée par ce genre de vie : « Je ne suis pas très maternelle, c’est mon mari qui s’occupait de cela avant que je lui propose de rejoindre un parent à Vancouver. Je les garde au chaud d’une certaine manière. »
La retraite des fonctionnaires peut se faire assez tôt en Chine aujourd’hui et Jenny envisage d’utiliser ses réseaux pour se mettre à son compte, avec l’aide des amies de l’association, on y revient toujours. « Et le Canada ? » j’ose demander. « Ce sera pour plus tard, je suis encore jeune », me répond cette femme moderne et libérée de Chongqing dans un grand fou rire espiègle…

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A propos de l'auteur
Gerald Kane travaille en Chine depuis 10 ans. Son métier l'amène à côtoyer toutes les tranches de la société des plus populaires aux élites. Il sillonne le pays des grandes villes aux régions les plus reculées. Sinophone, il s'est créé un vaste réseau d'amis lui permettant de rencontrer des parcours de vie hors des sentiers battus, qu'il souhaite partager dans son blog.
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