Economie
Analyse

Chine : le chômage des jeunes au plus haut, une bombe à retardement

Un jeune diplômé chinois "allongé immobile" en "style zombie" pour signifier le chômage qui guette dès l'entrée dans le monde du travail en Chine. (Source : Dao Insights)
Un jeune diplômé chinois "allongé immobile" en "style zombie" pour signifier le chômage qui guette dès l'entrée dans le monde du travail en Chine. (Source : Dao Insights)
Le chômage des jeunes en Chine est à son plus haut depuis des décennies, soit à 20,8 % pour les 16-24 ans, selon des chiffres officiels. Une bombe à retardement sociale qui, en réalité, touche toute la population. En parallèle, la croissance économique se trouve à bout de souffle et la fuite des investisseurs étrangers ne cesse d’augmenter.
Le chiffre officiel du chômage des jeunes d’avril est à l’évidence largement sous-estimé. Or il a grimpé de 0,4 point sur avril, ce qui marquait déjà un niveau inégalé depuis 2018, date de la première publication de ces statistiques. Il est à comparer à un taux de 16,4 % en Europe et 15 % en Asie-Pacifique.
Ce phénomène nouveau en Chine est doublement inquiétant pour le régime car avec lui, c’est toute une jeunesse – en particulier les jeunes diplômés – qui s’interroge sur son avenir. Aussi et surtout, s’estompe d’autant la seule légitimé dont peut réellement se targuer le pouvoir communiste : donner aux Chinois l’espoir d’un avenir meilleur.
Le proverbe est connu en Chine : « Aujourd’hui, la situation est bonne, elle sera encore meilleure demain » (今天好,明天会更好 – jintian hao, mingtian hui genghao). Or le voilà battu en brèche avec une économie qui donne de nombreux signes d’un essoufflement qui s’annonce durable : une croissance au plus bas depuis plus de quarante ans, des exportations et des importations qui reculent, une consommation intérieure en berne et une fuite qui semble massive des investisseurs étrangers.

« Style zombie »

Parmi les étudiants qui viennent d’être diplômés, nombreux ont été ceux qui n’ont pas trouvé d’emploi en dépit des dizaines de CV envoyés. Nombreux aussi ont été ceux qui expriment leur dépit et leur découragement en publiant sur les réseaux sociaux chinois des photos d’eux allongés et immobiles sur un banc ou sur le sol, cette position dite « tangping » (谭平) qui est aujourd’hui l’une des rares possibilités en Chine d’exprimer sa défiance sans s’exposer à une arrestation et des poursuites.
« Cette année, plus de photos de diplômés tout sourires qui brandissent leur diplôme et jettent dans les airs leurs couvre-chefs. Plus de parents fiers à leurs côtés, écrivent Vic Chiang, Lilian Yang et Lily Kuo dans le Washington Post. À la place, une cohorte [de diplômés] de la classe 2023 posent pour des photos d’eux où ils se montrent complètement épuisés. Étendus sur le sol, le visage dissimulé. Affalés ou pliés en deux sur des rambardes leur mains pendantes. Sur les réseaux sociaux, les voilà souvent accompagnés de légendes telles que « le style zombie » ou « allongés immobiles ». »
Au grand étonnement de ses camarades, Jian Wenxin, fraîchement diplômé, plutôt que de se lancer dans une recherche vaine d’un emploi qualifié répondant à ses attentes, a choisi de travailler dans la chaîne de café Starbucks dans sa ville de Shanghai, raconte le quotidien singapourien de langue chinoise Lianhe Zaobao. 11,6 millions d’étudiants chinois ont été diplômés cette année. La concurrence est devenue trop difficile. Les étudiants comme Jian Wenxin « viennent de sortir de l’épidémie de Covid-19 qui dure depuis trois ans et sont confrontés à la saison de recherche d’un emploi la plus difficile jamais vécue depuis longtemps » dans le pays, explique le journal. Ce nombre record de nouveaux diplômés doivent en outre rivaliser avec les anciens diplômés qui ont été retardés dans la recherche d’un premier emploi en raison de l’impact de la pandémie, ajoute le Lianhe Zaobao. La concurrence pour la recherche d’emploi est devenue de plus en plus féroce et même les étudiants des écoles supérieures et des universités les plus prestigieuses ressentent la pression. »
S’allonger et rester immobile « signifie que je veux choisir moi-même mon mode de vie, souligne Brenda Lu, une diplômée de 21 ans de l’Université de Nankin, citée par le Washington Post. Ce n’est pas que je m’allonge et que je ne fais rien, mais je m’en fiche de ce que font les autres dans un environnement qui ne me convient pas. » Pour elle, il s’agit d’une forme de protestation contre les attentes de la société ainsi que contre un système éducatif rigide. « Pendant les trois années de la pandémie, mes camarades de classe étaient confinés dans un dortoir à suivre des cours en ligne, comme s’ils étaient en prison. Beaucoup n’ont eu aucune vie sociale pendant trois ans et son aujourd’hui désespérés pour trouver une issue. La recherche d’un emploi cette année ne peut donc qu’être décrite comme particulièrement tragique. »
Rain Xu, 22 ans, diplômée de l’Université des Sciences de Hangzhou dans l’es de la Chine, est formelle. Pour elle, afficher volontairement un visage déprimé et fatigué et s’allonger dans un parc est un moyen d’exprimer son désespoir. Se montrer de la sorte « c’est montrer l’état d’esprit dans lequel se trouvent les étudiants des grandes écoles aujourd’hui » en Chine. Dans l’attente de trouver enfin un emploi qui lui convienne dans le domaine des arts numériques, elle a accepté bon gré mal gré un stage de secrétaire. « Il y a des licenciements et les salaires sont revus à la baisse », dit-elle, expliquant que ses amis acceptent des emplois payés l’équivalent de 300 euros par mois. « Les loyers à Hangzhou sont si élevés. Comment pouvez-vous vivre avec cela ? »
Dexter Yang, 22 ans, étudiant de l’université des Technologies dans la ville de Foshan dans la province méridionale du Guangdong, ne fait pas mystère de la perte de confiance dans l’avenir générée chez ses camarades par trois années de pandémie. « Je pense que la tendance actuelle montre à quel point la pandémie a touché les gens », dit-il, interviewé par le Washington Post alors qu’il est allongé sur le sol du campus de son université, le visage recouvert par son couvre-chef d’étudiant. Le message est simple : le marché du travail est déprimant. « Pour les nouveaux diplômés, il y a un coup porté à notre confiance, surtout lorsque l’on considère les licenciements dans les grandes entreprises. »

« Faux taux de chômage »

Pour Zhang Zhulin, journaliste d’origine chinoise à Courrier International, la situation dans ce domaine n’est pas prête de s’arranger, bien au contraire. Au point que nombreux sont les Chinois qui s’interrogent sur la réalité du vrai chômage dans leur pays et en viennent à douter des statistiques officielles en observant les ravages causés autour d’eux. Wang Minyuan, chercheur au Centre de Recherche sur la Réforme et le Développement de Pékin, fustigeait récemment sur le réseau social Wechat, l’équivalent chinois de Twitter, ce « faux taux de chômage des statistiques officielles » en jugeant que la situation de l’emploi s’est en réalité considérablement dégradée depuis la pandémie.
« Le monde économique, et en particulier les dirigeants chinois, compte sur la reprise rapide de l’économie après trois années de drastique politique sanitaire, reprise qui n’a pas vraiment eu lieu », explique Zhang Zhulin dans un tribune publiée récemment par Le Figaro. N’arrivent pas à « s’extirper de la boue désespérante du chômage, après avoir essuyé des licenciements, de nombreux refus de postes, des jeunes diplômés en lettres – comprenant des spécialisations en philosophie, droit, littérature, histoire […] confient qu’ils abandonnent les carrières intellectuelles et se tournent vers des activités manuelles. Les dirigeants chinois espèrent les persuader d’accepter une réalité différente, poursuit Zhang, auteur du livre La société de surveillance made in China (édition de l’Aube, 2023). Le 4 mai, Journée de la jeunesse en Chine, le président Xi Jinping a appelé les jeunes chinois à « chiku » [吃苦 : en baver dans la vie], en citant sa propre expérience de travail à la campagne pendant la Révolution culturelle chinoise, où plus de 16 millions de jeunes ont été envoyés dans des zones rurales par Mao Zedong. »
D’autres, sans diplôme, ne trouvant pas d’emploi stable, finissent par rejoindre les rangs des innombrables coursiers ou chauffeurs VTC, une solution alternative très mal payée avec des journées interminables de travail exténuant. Selon une enquête officielle publiée fin 2023 citée par Courrier International, 84 millions de Chinois seraient aujourd’hui chauffeurs de VTC ou livreurs et coursiers, une « uberisation » de la société chinoise qui en dit long sur la fragilisation du monde du travail en Chine qui était pourtant l’un des socles de la stabilité sociale dans le pays.
Quant aux plus âgés, leur sort se détériore aussi car passé le cap des 35 ans, pour ceux qui perdent leur emploi, il devient très difficile d’en trouver un nouveau. Le New York Times cite le cas de Sean Liang qui, à l’âge de 30 ans, a commencé à s’inquiéter de la « malédiction des 35 ans », une croyance qui se répand en Chine selon laquelle ce cap marque nécessairement l’entrée dans une période de précarité professionnelle. « Comme je suis sportif, je fais plus jeune que mon âge, confie-t-il au quotidien new-yorkais. Mais aux yeux de la société, les gens comme moi sont moins performants. »
Pour Mia Fan, interviewée par le South China Morning Post, les choses ont été plus compliquées. Licenciée en mai de son poste de gestionnaire dans le secteur financier à Hangzhou, elle fait semblant d’aller au travail tous les matins pour que ses beaux-parents ne s’aperçoivent pas qu’elle est au chômage. Mais en vérité, sitôt sortie, elle se rend chez Starbucks pour envoyer des CV. « Je ne veux pas les inquiéter. Et puis j’ai peur de laisser une mauvaise impression à ma fille si je reste à la maison toute la journée à ne rien faire. » Elle a candidaté à plus de 70 postes sur différents sites d’annonces, sans résultat probant. Certaines entreprises lui ont d’ailleurs répondu qu’elles recherchaient des personnes de moins de 35 ans. Un chasseur de têtes, Wang Chenxu, cité par le journal hongkongais, donne les raisons de cette « malédiction » : « À moins que les demandeurs d’emploi d’âge moyen aient un CV exceptionnel, les entreprises leur préfèreront toujours des employés plus jeunes, plus faciles à former et à faire progresser rapidement. »
Cette explosion du chômage des jeunes est d’autant plus grave que ses effets se font nécessairement sentir dans toute la société. Or ce sont précisément les jeunes qui doivent apporter à leurs aînés une aide financière lorsque ceux-ci atteignent l’âge de la retraite. Car le système de retraite est précaire et loin de ressembler à ses équivalents dans le monde occidental.
En Chine, les salariés et les employeurs cotisent à une assurance-maladie – dont le taux peut varier selon les régions et les industries. Une partie de ces recettes est placée sur un compte individuel et l’autre partie sur un compte collectif. Or le vieillissement de la population chinoise est si rapide que d’ici deux décennies, les Chinois en âge de prendre leur retraite seront plus nombreux que la totalité de la population des États-Unis. D’ici 2040, quelque 402 millions de Chinois, soit 28 % de la population totale, sera âgée de plus de 60 ans. Ce qui fait dire que les Chinois seront vieux avant d’être riches dans un pays très endetté où le gouvernement n’a guère les moyens de financer ce vieillissement accéléré de la population. « Cette tendance signifie la fin de l’avantage comparatif de la Chine en termes de main-d’œuvre bon marché et qualifiée ainsi que la progression d’un défi angoissant qui est celui des soins pour une population qui vieillit rapidement », soulignait récemment le magazine américain Foreign Policy.

Nouvelle loi anti-espionnage

En parallèle de cette situation, conséquence de la priorité donnée à la sécurité et à la stabilité politique, la Chine a serré la vis à l’égard des étrangers qui travaillent dans le pays. Depuis son entrée en vigueur le 1er juillet, une nouvelle loi anti-espionnage donne aux autorités une marge de manœuvre renforcée contre ce qu’elles considèrent comme des menaces sécuritaires. En vertu de la nouvelle loi, l’obtention non autorisée de « documents, données, matériels et objets liés à la sécurité et aux intérêts nationaux » peut désormais relever de l’espionnage.
Le régime chinois a souligné que des lois similaires existaient déjà ailleurs dans le monde et qu’il avait le droit de « protéger sa sécurité nationale », assurant en parallèle que l’État de droit serait respecté. Il reste que les milieux d’affaires étrangers, déjà rendus sceptiques sur les piètres performances économiques à venir de la Chine, sont de ce fait encore plus alarmés. Des perquisitions et des interrogatoires plus tôt cette année dans les locaux chinois des sociétés américaines d’audit Mintz Group et de conseil en stratégie Bain & Company avaient déjà semé un léger vent de panique dans le secteur.
« Comme souvent en Chine, la formulation de cette la loi est suffisamment vague pour pouvoir être interprétée de diverses façons et s’appliquera ainsi à tous les niveaux de la société et à tous les secteurs », a déclaré à l’AFP Jeremy Daum, chercheur au centre Paul Tsai China de la faculté de droit de Yale aux États-Unis. Elle va en outre avoir « un effet dissuasif sur les citoyens chinois qui ont des contacts avec des étrangers et des organisations étrangères », anticipe-t-il.
Ces changements « suscitent des inquiétudes légitimes quant à la conduite de certaines activités commerciales courantes, qui risquent désormais d’être considérées comme de l’espionnage, souligne Craig Allen, le président du conseil économique sino-américain (USCBC). Les discussions sur les secrets commerciaux, le partage de données, les études de marché, les procédures d’embauche et la collecte d’informations commerciales pourraient vraisemblablement entrer dans le champ d’application de la loi. D’autant plus qu’elle ne précise pas […] quels types de données, de documents et de matériels sont liés » à la sécurité nationale.
Les gouvernements étrangers n’ont pas officiellement fait part publiquement de leurs inquiétudes pour leurs ressortissants, à l’exception notable des États-Unis, dont les relations avec la Chine sont au plus bas depuis plus de quarante ans.
« Une grand partie des domaines où nous travaillons d’habitude ont été politisés, a estimé le 29 juin le président de la Chambre de commerce européenne à Pékin Jens Eskelund, cité par le journal japonais Nikkei Asia. D’une certaine façon, [le gouvernement chinois] fait usage de la sécurité et de la politisation idéologique comme s’ils étaient devenus interchangeables. » Même son de cloche dans la bouche du président de la Chambre de commerce américaine à Pékin Michael Hart : « Nous entendons que la Chine souhaite les investissements étrangers mais en même temps, nous entendons ce qui se passe avec ces entreprises qui sont victimes de raids [policiers]. » Récemment, la Chambre de commerce européenne a publié les résultats d’un sondage selon lequel près des deux tiers des entreprises européennes interrogées estiment que faire des affaires en Chine est devenu plus difficile dans des proportions jamais vues depuis près de dix ans.

Xi Jinping au « combat » contre « l’hégémonie occidentale »

Une autre loi encore, adoptée la semaine dernière, ne va pas manquer de semer davantage le trouble au sein de la communauté étrangère du monde des affaires en Chine. Cette loi apporte au maître de la Chine Xi Jinping un cadre législatif nouveau et très complet pour lui permettre de répondre aux sanctions économiques étrangères et pour lutter contre ce que Pékin nomme « l’hégémonie occidentale ».
Ramassée en six chapitres, la nouvelle loi sur les relations extérieures sert de base depuis le 1er juillet à l’ensemble de la politique étrangère de la deuxième puissance économique mondiale car elle « codifie les priorités de la politique étrangère chinoise et encadre les autres lois régissant différents aspects des relations extérieures », a résumé Moritz Rudolf, un spécialiste de la Yale Law School, cité par Les Echos.
Le texte chapeaute ainsi les précédentes législations sur les investissements étrangers, la lutte contre les sanctions internationales ou encore les ONG étrangères et permet, selon Pékin, de combler les vides juridiques qui affaiblissaient, jusqu’ici, le dispositif légal de ses réponses aux mesures de rétorsion prises par d’autres pays. S’il clarifie les pouvoirs des différentes institutions gouvernementales, le texte note que le pilotage des relations extérieures de Pékin relève désormais de la direction du Parti, et donc de son secrétaire général, Xi Jinping, qui n’a cessé, ces dernières années, de renforcer son emprise sur la conduite des affaires du pays.
« La loi sur les relations extérieures va permettre de mieux protéger la souveraineté, la sécurité nationale et les intérêts de la Chine en matière de développement afin de permettre la renaissance de la nation », a commenté Zhao Leji, le président du comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, courroie de transmission des directives venues de l’exécutif. Ces propos sont une allusion au « combat » de Xi Jinping visant officiellement à redonner au pays sa gloire et sa puissance passée en effaçant les humiliations imposées, selon lui, par les forces étrangères pendant les 100 ans qui ont précédé l’arrivée au pouvoir du Parti en 1949.
La loi n’introduit pas de dispositif détaillé et ne nomme précisément aucun pays cible. Mais elle explique que Pékin s’autorise désormais à prendre des « contre-mesures et des mesures restrictives » contre les actes qui mettent en danger la souveraineté, la sécurité et les intérêts de développement du pays ou qui violent les « normes fondamentales des relations internationales ». Selon les experts, le texte pourrait servir de base lors des prochaines campagnes de représailles contre des entreprises étrangères installées en Chine dont les pays d’origine auraient pris des mesures jugées hostiles à Pékin ou émis des commentaires jugés malveillants, sur des dossiers économiques mais également géopolitiques.
« Comparée au texte sur la sécurité nationale, la loi pointe la défense de « la dignité et de l’honneur national » qui sont des concepts encore plus insaisissables », a expliqué, dans une longue analyse sur Twitter, Henry Gao, un professeur de droit de la Singapore Management University. « Sur la base des pratiques passées, je dirais que chaque entreprise chinoise a désormais l’obligation de protester, dans toutes ses relations d’affaires, lorsque ses partenaires commerciaux étrangers font référence à Taïwan comme à un pays, ou se prononcent sur la situation au Xinjiang ou à Hong Kong », a prévenu le juriste, qui redoute une multiplication des différends.
Sur le front économique, le Bureau national des statistiques (BNS) a fait état le 30 juin d’un nouveau ralentissement de l’activité industrielle en juin pour le troisième mois consécutif associé à une contraction de la demande extérieur et intérieure. Le résultat de juin « reflète un certain nombre de déséquilibres et de faiblesses tels que : la contraction persistante de la demande extérieure et intérieure, un ralentissement accéléré de l’activité des petites entreprises et une pression qui subsiste sur l’économie privée », souligne Bruce Pang, chef économiste de la société de conseil Jones Lang LaSalle, cité par Reuters.
Ces résultats, auxquels s’ajoute un recul pour le cinquième mois consécutif des revenus des entreprises, « traduisent le besoin urgent d’un paquet plus puissant de mesures [de relance] pour parvenir aux objectifs de croissance annuelle », a-t-il expliqué. Le gouvernement chinois table sur une croissance du PIB d’environ 5 % en 2023 après un plancher record de 3 % en 2022. Mardi, le Premier ministre chinois Li Qiang avait réitéré l’engagement de Pékin à adopter rapidement des mesures de relance. Reuters, citant des sources informées, précise que ces mesures seront vraisemblablement annoncées prochainement pour compenser les inquiétudes nourries par une fuite des capitaux importante et l’endettement croissant de l’État. Cependant, si le gouvernement chinois va tenter de compenser la morosité économique ambiante, ces mesures « seront loin de ressembler au bazooka financier que certains espèrent » et probablement pas de nature à faire bouger la croissance de façon significative, estime un expert de la société ING cité par Reuters.
Aucun chiffre n’a été diffusé par les autorités chinoises sur la fuite des capitaux qui s’est vraisemblablement accélérée ces derniers mois. Mais un indicateur de ce phénomène est la montée très rapide des prix de l’immobilier à Singapour poussés à la hausse par l’afflux des capitaux venant de Chine populaire, selon des sources bien placées. Il est de notoriété publique désormais que Hong Kong ne jouant plus son rôle de plateforme financière sûre pour les Chinois les plus riches depuis sa reprise en main politique par Pékin, ces derniers ont choisi Singapour comme nouvelle terre d’élection.
Les fortes turbulences économiques que traverse la Chine depuis plus de deux ans semblent éloigner d’autant la perspective aujourd’hui plus incertaine que jamais pour le pays de devenir la première économie du monde dans un avenir prévisible. Tout ceci fait dire au magazine américain Foreign Affairs que le plan de Xi Jinping pour redonner vie à l’économie chinoise sur la base de la relance de la consommation intérieure « est condamné à échouer ».
Par Pierre-Antoine Donnet

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A propos de l'auteur
Ancien journaliste à l'AFP, Pierre-Antoine Donnet est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages consacrés à la Chine, au Japon, au Tibet, à l'Inde et aux grands défis asiatiques. En 2020, cet ancien correspondant à Pékin a publié "Le leadership mondial en question, L'affrontement entre la Chine et les États-Unis" aux Éditions de l'Aube. Il est aussi l'auteur de "Tibet mort ou vif", paru chez Gallimard en 1990 et réédité en 2019 dans une version mise à jour et augmentée. Après "Chine, le grand prédateur", paru en 2021 aux Éditions de l'Aube, il a dirigé fin 2022 l'ouvrage collectif "Le Dossier chinois" (Cherche Midi). Début 2023, il signe "Confucius aujourd'hui, un héritage universaliste", publié aux éditions de l'Aube. Son dernier livre, "Chine, l'empire des illusions", est paru en janvier 2024 (Saint-Simon).