Culture
Série - L'Asie dessinée

BD : les mystères de Hong Kong

Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)
Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)
Monumental roman graphique, La trilogie de la Citadelle évoque l’univers foisonnant et inquiétant du Hong Kong d’il y a un siècle. Une histoire complexe servie par des dessins somptueux.
Double-cliquez sur les galeries photos pour les voir en plein écran. Retrouvez ici tous les articles de notre série « L’Asie dessinée ».
*La trilogie de la Citadelle, Tome 1 : L’escalier vers les nuages bleus, scénario d’Anne Opotowsky et dessin d’Aya Morton, 294 pages, Urban China, 25 euros. Tome 2 : Rives d’automne, scénario d’Anne Opotowsky et dessin d’Angie Hoffmeister, 464 pages, Urban China, 29 euros.
Souvent fascinant, parfois irritant, toujours déroutant : le roman graphique La trilogie de la citadelle, dont deux des trois volumes viennent d’être publiés en France*, est une œuvre qui ne laisse pas indifférent. Ce monumental ouvrage – environ 1100 pages pour les trois tomes – se promène quelque part entre l’enquête policière, le reportage historique et la rêverie nonchalante, pour faire revivre le Hong Kong de la première moitié du siècle dernier. Avec un récit touffu, complexe et parsemé de pages d’une fulgurante beauté.
La toile de fond est donc la Hong Kong coloniale vers 1925 pour le premier tome et dix ans plus tard pour le deuxième. Une partie importante de l’action se déroule dans la Citadelle de Kowloon, sorte de petit quartier hors-la-loi où s’entassent criminels, réprouvés et autres marginaux.
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Couverture de la bande dessinée "La trilogie de la Citadelle, Tome 1 : L'escalier vers les nuages bleus," scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Aya Morton, Urban China, 294 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 1 : L'escalier vers les nuages bleus," scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Aya Morton, Urban China, 294 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 1 : L'escalier vers les nuages bleus," scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Aya Morton, Urban China, 294 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 1 : L'escalier vers les nuages bleus," scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Aya Morton, Urban China, 294 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 1 : L'escalier vers les nuages bleus," scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Aya Morton, Urban China, 294 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 1 : L'escalier vers les nuages bleus," scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Aya Morton, Urban China, 294 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 1 : L'escalier vers les nuages bleus," scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Aya Morton, Urban China, 294 pages. (Copyright : Urban China)

 
 
Dans ce décor pour le moins exotique évoluent de multiples personnages. A commencer par trois amis inséparables : Song, Yubo et Xi. Le premier, jeune homme plutôt réservé et rêveur, trouve un emploi à la Poste centrale, au service des « lettres mortes », celles qui n’ont pu être distribuées. Fasciné par les monceaux de lettres abandonnées, il se met en tête d’en distribuer un maximum. Un zèle qui n’est pas bien vu de ses collègues et qui l’amène à découvrir la Citadelle. Car il y a bien des années qu’aucun facteur n’est allé distribuer du courrier dans ce bas-fond si mal fréquenté… Ses amis Yubo et Xi font eux dans la magie et l’acrobatie, affectionnant particulièrement les spectacles de rue qui permettent de défier les autorités britanniques.
Tout un petit monde gravite autour d’eux. Il y a le père de Song, voleur et prisonnier, et sa mère, tireuse de cartes et diseuse de bonne aventure, ou encore le chef de service de Song à la Poste qui semble porter un intérêt très personnel à certaines des « lettres mortes ». Il y a les habitants de la Citadelle comme « l’homme aux œufs » qui veille à la porte d’entrée, se préoccupe du sort de ses habitants les plus dépourvus de défense et rêve d’y faire venir l’eau courante. On y trouve un musicien fabricant de pianos qui joue du Bach pour les habitants des bas-fonds – quand il ne se perd pas dans les fumées de l’opium. Ou encore une fabricante de jouets en bois qui semble mener une double vie bien inquiétante.
En dehors de la Citadelle, l’élégant Pierre Furnier est un homme d’affaires très occupé dont les activités englobent manifestement des domaines tout à fait répréhensibles. Au fil des pages apparaissent encore bien d’autres personnages comme un chef de gang ou un jeune homme trouvé jadis, tout enfant, sur un trottoir de Calcutta et qui cherche depuis désespérément à identifier ses parents.
Sur cette communauté composite pèse une menace qui se fait de plus en plus lourde au fil du temps : les disparitions de petits enfants se multiplient. S’il s’agit à l’évidence d’un racket organisé, les autorités ne veulent pas s’y intéresser, les petites victimes étant essentiellement des enfants de la Citadelle. Le récit, qui évoque parfois les grands romans de « mystères urbains » comme Les mystères de Paris d’Eugène Sue, tourne ainsi beaucoup autour de ces enlèvements, que certains personnages veulent à tout prix élucider alors que d’autres y sont directement impliqués. Mais ce n’est pas tout : de multiples histoires individuelles, de relations sentimentales ou autres, s’y mêlent également, les liens entre les nombreux personnages se multipliant et s’enchevêtrant de plus en plus avec l’avancée du récit.
Autant le dire tout de suite : la limpidité n’est pas la qualité première de cette histoire. Balloté entre les ellipses, les juxtapositions, les allusions que l’on ne peut comprendre que cent pages plus loin, le lecteur perd souvent le fil. Anne Opotowsky, la scénariste américaine, le revendique haut et fort en dernière page des deux premiers tomes : « Être clair n’est pas une vertu. La beauté réside dans les mystères. » Et le fait est que, mystère ou pas, la beauté ne manque pas dans La Trilogie de la Citadelle. Il y a ce monde fascinant de Hong Kong voici un siècle de cela, évoqué par d’innombrables détails de la vie quotidienne, moyens de transport, vêtements, alimentation ou logement. Et aussi bien sûr les décors surréalistes de la Citadelle avec ses labyrinthes et ses maisons construites dans les arbres. Il y a surtout le travail captivant des deux dessinatrices, l’américaine Aya Morton pour le premier tome, l’allemande Angie Hoffmeister pour le deuxième. Deux artistes aux styles différents mais « compatibles » qui ne donnent pas au lecteur l’impression de changer complètement d’univers. La première se distingue par des angles de vue ahurissants, comme des scènes de rue montrées à la verticale, et une utilisation subtile et parcimonieuse des couleurs : la plupart des pages sont en quasi bichromie, combinant par exemple un bleu pâle omniprésent avec des touches de jaune ou d’orange. La deuxième artiste pratique un dessin plus précis et dans une certaine mesure plus classique, mais livre elle aussi des cadrages surprenants et de splendides pleines pages.
Si l’on peut donc s’agacer parfois des circonvolutions des intrigues, le fait est que lorsque l’on ouvre ces deux gros volumes (reliés et imprimés sur beau papier), on est happé par ce torrent d’images et de sensations et on a le plus grand mal à les refermer avant d’avoir atteint le bout. La parution du troisième et dernier volume, prévue en France l’année prochaine, permettra peut-être de dénouer les fils des nombreuses intrigues entremêlées.
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Couverture de la bande dessinée "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)

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Extrait de la "La trilogie de la Citadelle, Tome 2 : Rives d'automne", scénario d'Anne Opotowsky et dessin d'Angie Hoffmeister, Urban China, 464 pages. (Copyright : Urban China)

 
 
*Je préfèrerais ne pas, scénario et dessin de Justin Wong, 144 pages, Rue de l’Echiquier, 19,90 euros.
Difficile de faire plus différent des livres précédents que Je préfèrerais ne pas*, BD pourtant située elle aussi à Hong Kong. On n’y retrouve ni le souffle de l’Histoire, ni une galerie de personnages extravagants : c’est bien au contraire du morne quotidien d’un habitant d’aujourd’hui qu’il s’agit. Plus précisément, Butt, la trentaine, se fait licencier de son entreprise et décide que le moment est bien choisi pour cesser complètement de travailler. A partir de là, il élabore un « programme d’inactivité », cherche à regrouper d’autres candidats à l’inaction totale et se lance dans des loisirs plutôt saugrenus comme imaginer une reconstruction intégrale de Hong Kong : déplacements de quartiers entiers pour les réorganiser de façon plus rationnelle, installation d’une bulle climatisée géante englobant toute la ville, etc. Autant de tentatives qui ne le mèneront pas bien loin… Le dessin 100% numérique du livre n’a évidemment rien à voir avec le travail des artistes des ouvrages précédents, avec une esthétique qui se veut résolument contemporaine.
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Couverture de la bande dessinée "Je préfèrerais ne pas", scénario et dessin de Justin Wong, Rue de l'Echiquier. (Copyright : Rue de l'Echiquier)

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Extrait de "Je préfèrerais ne pas", scénario et dessin de Justin Wong, Rue de l'Echiquier. (Copyright : Rue de l'Echiquier)

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Extrait de "Je préfèrerais ne pas", scénario et dessin de Justin Wong, Rue de l'Echiquier. (Copyright : Rue de l'Echiquier)

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Extrait de "Je préfèrerais ne pas", scénario et dessin de Justin Wong, Rue de l'Echiquier. (Copyright : Rue de l'Echiquier)

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Extrait de "Je préfèrerais ne pas", scénario et dessin de Justin Wong, Rue de l'Echiquier. (Copyright : Rue de l'Echiquier)

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Extrait de "Je préfèrerais ne pas", scénario et dessin de Justin Wong, Rue de l'Echiquier. (Copyright : Rue de l'Echiquier)

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Extrait de "Je préfèrerais ne pas", scénario et dessin de Justin Wong, Rue de l'Echiquier. (Copyright : Rue de l'Echiquier)

 
 

A voir aussi

La BD comme mode d’emploi : Cook Korean ! (scénario et dessin Robin Ha, 176 pages, Glénat, 15 euros) est un joli album dont l’ambition est de permettre à tout un chacun de cuisiner à la coréenne. Les pages mélangent bande dessinée et illustrations, donnant quelques explications bien utiles sur le contexte culturel qui permettent de comprendre les goûts gastronomiques coréens. L’essentiel du livre est constitué de recettes détaillées minutieusement décrites, censées être à la portée de tous !

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Couverture de la bande dessinée "Cook Korean !", scénario et dessin Robin Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de "Cook Korean !", scénario et dessin Robin Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de "Cook Korean !", scénario et dessin Robin Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de "Cook Korean !", scénario et dessin Robin Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de "Cook Korean !", scénario et dessin Robin Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

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Extrait de "Cook Korean !", scénario et dessin Robin Ha, Glénat. (Copyright : Glénat)

 
 

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A propos de l'auteur
Patrick de Jacquelot est journaliste. De 2008 à l’été 2015, il a été correspondant à New Delhi des quotidiens économiques La Tribune (pendant deux ans) et Les Echos (pendant cinq ans), couvrant des sujets comme l’économie, le business, la stratégie des entreprises françaises en Inde, la vie politique et diplomatique, etc. Il a également réalisé de nombreux reportages en Inde et dans les pays voisins comme le Bangladesh, le Sri Lanka ou le Bhoutan pour ces deux quotidiens ainsi que pour le trimestriel Chine Plus. Pour Asialyst, il écrit sur l’Inde et sa région, et tient une chronique ​​"L'Asie dessinée" consacrée aux bandes dessinées parlant de l’Asie.