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Malaisie : Tian Chua, un leader de Bersih en prison avant les élections de décembre

Tian Chua, vice-président du People's Justice Party (PKR) manifeste durant la fête du travail à Kuala Lumpur,le 1er mai 2014. (Credit : Joshua Paul/NurPhoto/via AFP)
Tian Chua, vice-président du People's Justice Party (PKR) manifeste durant la fête du travail à Kuala Lumpur,le 1er mai 2014. (Credit : Joshua Paul/NurPhoto/via AFP)
Tian Chua est en prison depuis le jeudi 29 septembre. Le leader malaisien, député et vice-président du principal parti d’opposition, le PKR, est familier de ce genre de traitement. Nous l’avions rencontré en décembre 2016, à l’issue de deux jours passés en prison. Il avait été inquiété pour sa participation à la manifestation Bersih 5, pourtant pacifique et que le gouvernement avait choisi de ne pas réprimer. Tian Chua est l’un des acteurs de ce mouvement qui réunit l’opposition politique et la société civile autour d’un slogan, « Bersih ! » (« clean »), qui appelle à la lutte contre la corruption et pour des élections propres et équitables. Les prochaines élections générales, prévues pour décembre 2017, pourraient être l’occasion de la première alternance dans le pays. Mais la coalition au pouvoir qui tient la Malaise sans partage depuis 1957, date de l’indépendance du pays, resserre son étau sur cette démocratie fragile.
La crise asiatique de 1997 avait été l’occasion il y a vingt ans de sérieux troubles politiques qui aujourd’hui encore sont sensibles dans la vie politique malaisienne. Le vice-Premier ministre Anwar Ibrahim, alors critique de la politique économique de Mahathir Mohamad, avait été limogé puis accusé de « sodomie ». Suite à une relaxe en 2012, Anwar est de nouveau derrière les barreaux pour cette accusation douteuse depuis février 2016. C’est autour de lui et de leaders comme Tian Chua, qui avait participé aux manifestations en faveur d’Anwar et de la libéralisation du régime et écopé à son tour de deux ans de prison, que s’est structurée l’opposition malaisienne. Le PKR, un parti multi-culturel et progressiste fondé en 1999, est devenu le pivot de l’opposition, désormais rejoint par un nouveau parti, le PBM de… l’ancien Premier ministre Mahathir.
L’Umno, le parti malais qui tient la coalition Barisan nasional, s’effrite lentement. Le gerrymandering, ou découpage partial de circonscriptions de taille très inégale, lui avait permis de préserver la majorité aux élections de 2013 malgré un vote populaire qui lui avait échappé. Aujourd’hui, le Premier ministre Najib Razak est inquiété par diverses accusations de corruption dont la plus grave est le scandale 1MDB (selon le département américain à la Justice, qui ne le nomme pas, il aurait puisé un milliard de dollars dans le fonds de développement des régions rurales du pays). Son leadership est sérieusement remis en cause, y compris au sein de l’Umno. Mais Najib ne semble pas vouloir renoncer au pouvoir et depuis le début de son mandat, il tente de museler ses opposants par des textes de lois liberticides et un harcèlement judiciaire contre des journalistes, des universitaires, des militants et des leaders de l’opposition.
Tian Chua a été condamné le mois dernier pour des faits qui remontent à 2012. Arrêté par la police à la suite d’une manifestation, il avait été emmené par la police dans une « zone d’accès restreint », violation qui lui est aujourd’hui reprochée. L’opposant, qui a refusé de faire appel et choisi de purger l’ensemble de sa peine, a fait parvenir une note à ses sympathisants : « C’est une lutte au bout de laquelle nous devons arriver pour pouvoir changer le système politique corrompu sous lequel nous vivons. » (« Tian Chua’s message from prison », Malaysiakini, 2 octobre 2017). Le député d’opposition Sim Tze Tzin et la présidente de Bersih Maria Chin Abdullah ont également été rattrapés par une accusation qui pesait contre eux depuis 2015 et venait d’être abandonnée ce 28 août. Des voltes-faces qui sont familières aux opposants malaisiens et contribuent au climat d’intimidation qui pèse sur eux.
Amnesty International s’inquiète dans un communiqué daté du 2 octobre des errements du gouvernement malaisien : « L’incarcération de Chua Tian Chang [Tian Chua, NDRL] intervient dans le contexte d’une vaste répression de la liberté d’expression et de la dissidence politique pacifique en Malaisie. » Un Premier ministre aux abois, une opposition plus résolue que jamais, un peuple qui ne semble plus vouloir accorder sa confiance aux élites traditionnelles, globalement jugées corrompues… l’alternance se dessine-t-elle enfin en Malaisie ?
A voir, « One Future », un film court de science-fiction avec Tian Chua :

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A propos de l'auteur
Aude Vidal s'intéresse depuis 2014 aux conflits sociaux et environnementaux en Malaisie. Elle est diplômée en anthropologie et collabore au site Visionscarto.net ainsi qu'à CQFD, L'Âge de faire et Mediapart.