Aviation durable
Chine : Tencent investit dans Lilium et son taxi aérien électrique
Le « BAT » chinois a encore frappé. Le « BAT » ? Oui, l’équivalent chinois du GAFA aux Etats-Unis, mais sous la forme d’un trio dominant des géants de la nouvelle économie : Baidu, Tencent et Alibaba. On parle ici de Tencent, le propriétaire de WeChat, qui a investi au début du mois 90 millions de dollars dans la start-up très convoitée Lilium, à l’origine de la création d’un taxi aérien électrique. Il rejoint ainsi Atomico (fonds d’investissement détenu par le co-créateur de Skype) et Obvious Ventures comme investisseurs dans cette innovation verte. Après un test réussi en avril dernier, cet avion est capable de décoller et d’atterrir verticalement, et révolutionnerait le transport urbain en réduisant son empreinte carbone. Créé par 4 diplômés de l’Université technique de Munich (TUM), le prototype en cours de création sera capable de déplacer 5 personnes à la fois.
Cette nouvelle technologie, dite AAV pour Autonomous Aerial Vehicle, fait son chemin en Asie, même si l’Allemagne reste leader. Singapour et Dubaï ont notamment investi dans ce nouveau mode de transport. Le ministre singapourien du Transport appuie notamment des entreprises de drone, et selon le Daily Mail, plusieurs prototypes ont déjà été mis en route (l’Hoversurf Scorpion, le Volocopter VC200). Volocopter travaille également avec Dubaï pour développer ce mode de transport, tout comme l’entreprise Uber aux États-Unis.
Cet investissement stratégique de Tencent montre la volonté de la Chine de ne pas être distancé dans cette nouvelle technologie, proche des innovations du secteur du drone, au sein duquel la Chine est très compétitive, à l’instar de son entreprise DJI. Le prototype chinois d’AAV, Ehang 104, avait été présenté au CES Vegas en 2016, comme le montre cette vidéo de Tech Insider. Cependant, l’Ehang 104 ne peut, pour le moment, abriter qu’une seule personne.
Par Alisée Pornet
Cette nouvelle technologie, dite AAV pour Autonomous Aerial Vehicle, fait son chemin en Asie, même si l’Allemagne reste leader. Singapour et Dubaï ont notamment investi dans ce nouveau mode de transport. Le ministre singapourien du Transport appuie notamment des entreprises de drone, et selon le Daily Mail, plusieurs prototypes ont déjà été mis en route (l’Hoversurf Scorpion, le Volocopter VC200). Volocopter travaille également avec Dubaï pour développer ce mode de transport, tout comme l’entreprise Uber aux États-Unis.
Cet investissement stratégique de Tencent montre la volonté de la Chine de ne pas être distancé dans cette nouvelle technologie, proche des innovations du secteur du drone, au sein duquel la Chine est très compétitive, à l’instar de son entreprise DJI. Le prototype chinois d’AAV, Ehang 104, avait été présenté au CES Vegas en 2016, comme le montre cette vidéo de Tech Insider. Cependant, l’Ehang 104 ne peut, pour le moment, abriter qu’une seule personne.
Par Alisée Pornet
Villes intelligentes
Comment la Chine crée des villes éponges pour lutter contre les inondations et la pollution
L’innovation ou l’asphyxie. C’est l’alternative de la Chine, tant la crise de l’environnement urbain est aigüe. Pour affronter le double défi titanesque de la croissance tentaculaire des villes chinoises et du dérèglement brutal du climat, Pékin a lancé un nouveau projet expérimental dans 30 centres urbains : la « ville éponge ». Est-ce le nouveau nom de la « smart city » ? Elle doit en tout cas être à la fois le remède à la pollution, aux inondations, aux chaleurs extrêmes ou à la sècheresse.
Mais en quoi consiste la « sponge city » ? Elle doit rassembler toutes les innovations à même de donner à la ville les vertus d’une forêt : des toitures ou façades végétalisées sur les gratte-ciel aux zones humides urbaines. Les cités-pilotes ont été chargées de multiplier les installations pour absorber, stocker, filtrer et purifier l’eau de pluie, afin de la retenir dans leur périmètre. Et au lieu de rejeter cette eau à travers les égouts ou les tunnels, il s’agit de la recycler pour reconstituer les nappes phréatiques, irriguer les jardins et les fermes urbaines, mais aussi pour les chasses d’eau des toilettes ou l’hygiène domestique en général. Les villes choisies, parmi lesquelles Pékin, Shanghai et Shenzhen, reçoivent des fonds et une aide pratique pour redessiner leurs zones urbaines en tenant compte du paramètre de l’eau. L’objectif semble une gageure : transformer 80% des agglomérations chinoises en « éponges » d’ici 2030.
Mais ces smart cities aux caractéristiques chinoises présentent aussi un bénéfice crucial face au changement climatique : celui de pouvoir « refroidir » la ville durant les vagues de chaleur. Et cela grâce aux arbres et à tout autre végétal qui absorbent l’eau puis la rejettent à travers l’évaporation.
Selon une étude parue dans la revue Water, le gouvernement chinois a débloqué pour chaque ville-pilote de 400 millions à 600 millions de yuans de crédits annuels (soit 51 à 76 millions d’euros) sur trois ans consécutifs. Les municipalités sont encouragées à lever des fonds à travers des partenariats public-privé ou d’autres entités financières. Linguang, l’un des quartiers du district de Pudong à Shanghai, a déjà investi 800 millions de yuans (plus de 100 millions d’euros) pour construire une zone de 79 km2 destinée à devenir la plus grande « ville éponge » au monde, et un modèle pour toutes les cités qui manquent d’infrastructures pour la gestion de l’eau. En particulier, le gouvernement local souhaite couvrir les trottoirs d’un revêtement perméable, plutôt que d’asphalte, afin de stocker l’eau de ruissellement pour permettre une évaporation à même de modérer la température urbaine. De son côté la municipalité de Shanghai a annoncé en 2016 la construction de 400 000 mètres carrés de toits verts. En espérant que ces annonces se traduiront dans les faits, contrairement aux éco-cités à Tianjin ou près du Paris de l’Orient, longtemps vantées mais jamais construites.
Mais en quoi consiste la « sponge city » ? Elle doit rassembler toutes les innovations à même de donner à la ville les vertus d’une forêt : des toitures ou façades végétalisées sur les gratte-ciel aux zones humides urbaines. Les cités-pilotes ont été chargées de multiplier les installations pour absorber, stocker, filtrer et purifier l’eau de pluie, afin de la retenir dans leur périmètre. Et au lieu de rejeter cette eau à travers les égouts ou les tunnels, il s’agit de la recycler pour reconstituer les nappes phréatiques, irriguer les jardins et les fermes urbaines, mais aussi pour les chasses d’eau des toilettes ou l’hygiène domestique en général. Les villes choisies, parmi lesquelles Pékin, Shanghai et Shenzhen, reçoivent des fonds et une aide pratique pour redessiner leurs zones urbaines en tenant compte du paramètre de l’eau. L’objectif semble une gageure : transformer 80% des agglomérations chinoises en « éponges » d’ici 2030.
Mais ces smart cities aux caractéristiques chinoises présentent aussi un bénéfice crucial face au changement climatique : celui de pouvoir « refroidir » la ville durant les vagues de chaleur. Et cela grâce aux arbres et à tout autre végétal qui absorbent l’eau puis la rejettent à travers l’évaporation.
Selon une étude parue dans la revue Water, le gouvernement chinois a débloqué pour chaque ville-pilote de 400 millions à 600 millions de yuans de crédits annuels (soit 51 à 76 millions d’euros) sur trois ans consécutifs. Les municipalités sont encouragées à lever des fonds à travers des partenariats public-privé ou d’autres entités financières. Linguang, l’un des quartiers du district de Pudong à Shanghai, a déjà investi 800 millions de yuans (plus de 100 millions d’euros) pour construire une zone de 79 km2 destinée à devenir la plus grande « ville éponge » au monde, et un modèle pour toutes les cités qui manquent d’infrastructures pour la gestion de l’eau. En particulier, le gouvernement local souhaite couvrir les trottoirs d’un revêtement perméable, plutôt que d’asphalte, afin de stocker l’eau de ruissellement pour permettre une évaporation à même de modérer la température urbaine. De son côté la municipalité de Shanghai a annoncé en 2016 la construction de 400 000 mètres carrés de toits verts. En espérant que ces annonces se traduiront dans les faits, contrairement aux éco-cités à Tianjin ou près du Paris de l’Orient, longtemps vantées mais jamais construites.
R&D renouvelables
Le Kazakhstan, leader des innovations vertes en Asie Centrale
Depuis quelques années, le Kazakhstan met l’Asie Centrale sur la carte de l’innovation. En marge de l’exposition 2017 « L’énergie du futur » à Astana, le gouvernement kazakh a voulu franchir un nouveau pas. Un centre de recherche et développement sur les technologies vertes et des projets d’investissements vont voir le jour. Un nouveau projet deux ans après l’inauguration du village écologique d’Arnasay dans la région d’Akmola. Arnasay est un pôle spécialisé dans l’innovation verte agricole (serres chaudes, agriculture bio solaire), notamment au sein de l’école de Viacheslavskaya (fours pyrolyse, lampes LED dans les salles de classes, capteurs solaires pour la production d’eau chaude).
Porté sur l’Asie Centrale, le nouveau centre R&D devra remplir les ambitions du gouvernement kazakh qui projette d’augmenter sa part de renouvelables dans le mix énergétique de 3% en 2020, de 10% en 2030 et de 50% en 2050. Dans le cadre de la création de ce centre, le Kazakhstan a signé un partenariat avec la Malaisie en juin dernier. L’agence gouvernementale GreenTech Malaysia s’engage notamment à aider au développement du centre R&D, ouvrant de nouvelles possibilités d’investissements dans le secteur des énergies renouvelables au Kazakhstan.
Par Alisée Pornet
Porté sur l’Asie Centrale, le nouveau centre R&D devra remplir les ambitions du gouvernement kazakh qui projette d’augmenter sa part de renouvelables dans le mix énergétique de 3% en 2020, de 10% en 2030 et de 50% en 2050. Dans le cadre de la création de ce centre, le Kazakhstan a signé un partenariat avec la Malaisie en juin dernier. L’agence gouvernementale GreenTech Malaysia s’engage notamment à aider au développement du centre R&D, ouvrant de nouvelles possibilités d’investissements dans le secteur des énergies renouvelables au Kazakhstan.
Par Alisée Pornet
Aéronefs intelligents
Chine : JD.com s'allie avec Nvidia pour déployer un million de drones logistiques en Chine d'ici 5 ans
C’est là où la Chine utilise encore la technologie américaine pour révolutionner son e-commerce. Mais pas seulement. Ces derniers années, JD.com a développé JDrone, un drone logistique créé dans son centre de recherche et développement JD X. Mais pour voir plus grand (comprendre : titanesque, à l’échelle chinoise), il faut bien sûr un système d’intelligence artificielle pas trop encombrant. C’est pourquoi le géant chinois a décidé de signer un partenariat avec l’entreprise américaine Nvidia qui fournira la plateforme Jetson pour doter du système de navigation intelligente les drones de JD. En employant les qualités de Jetson – faible énergie consommée, miniaturisation et vision longue portée -, les JDrones pourront voler à 100 km/h et livrer des colis de 30 kg, tandis que de futurs drones encore en période de tests pourront supporter jusqu’à 200 kg.
L’objectif de JD.com ? Déployer un million de drones dans le ciel chinois dans les cinq années à venir. En février dernier, la compagnie avait annoncé un contrat avec le gouvernement provincial du Shaanxi (Nord-Est) pour bâtir un réseau de livraison par drones, capable de livrer des tonnes de fret sur un périmètre de plus de 300 km. A travers ce gigantesque projet, JD compte réduire de 70% ses coûts logistiques, notamment sur le dernier kilomètre, celui séparant qui le dernier entrepôt de votre domicile.
Derrière JD, les grandes entreprises comme les startups chinoises de la logistique affutent également leurs drones. En juin dernier, SF Express a obtenu la première licence pour drone logistique en Chine de la part du gouvernement local de Guanzhou, une ville du Jiangxi au Sud-Est de la Chine. De son côté, la startup Ele.me a lancé son E7, un drone livreur de repas capable de porter 6 kg sur un périmètre de 20 km. Elle doit encore procéder à des tests, mais elle se rapproche de la cour des grands.
L’objectif de JD.com ? Déployer un million de drones dans le ciel chinois dans les cinq années à venir. En février dernier, la compagnie avait annoncé un contrat avec le gouvernement provincial du Shaanxi (Nord-Est) pour bâtir un réseau de livraison par drones, capable de livrer des tonnes de fret sur un périmètre de plus de 300 km. A travers ce gigantesque projet, JD compte réduire de 70% ses coûts logistiques, notamment sur le dernier kilomètre, celui séparant qui le dernier entrepôt de votre domicile.
Derrière JD, les grandes entreprises comme les startups chinoises de la logistique affutent également leurs drones. En juin dernier, SF Express a obtenu la première licence pour drone logistique en Chine de la part du gouvernement local de Guanzhou, une ville du Jiangxi au Sud-Est de la Chine. De son côté, la startup Ele.me a lancé son E7, un drone livreur de repas capable de porter 6 kg sur un périmètre de 20 km. Elle doit encore procéder à des tests, mais elle se rapproche de la cour des grands.
Big business
Chine : Le duopole de l'investissement par Alibaba et Tencent dangereux pour l'innovation
D’un coup, le monde se réveille et constate que la Chine est devenu un pays majeur pour l’innovation globale. Le South China Morning Post se demande désormais qui, entre l’Amérique et l’empire du milieu, a le plus de « licornes » – ces startups brutalement valorisées à des milliards de dollars. The Economist prévient à juste titre : le monde va bientôt sentir l’impact de la nouvelle génération d’entrepreneurs chinois. La Grande Muraille, ou Great Firewall of China, qui censure le Net, n’empêche-t-elle pas pourtant l’innovation ? Au contraire, réfute le quotidien hongkongais qui met l’accent sur un écosystème protégé de la concurrence internationale.
Cependant, toute prise de conscience nécessaire ne doit pas empêcher une prise de recul, elle aussi nécessaire. C’est ce que propose la Nikkei Asian Review. Une menace grandissante pèse sur l’innovation en Chine : un afflux massif d’argent de la part des deux géants nationaux du numérique, qui forment désormais un duopole dans l’investissement pour les startups : Alibaba, du très médiatique Jack Ma, et Tencent, le propriétaire de WeChat. Exemple avec Xie Guomin, citoyen hongkongais, créateur d’une bibliothèque musicale accessible en ligne : China Music. Ce dernier a passé plus de huit ans à obtenir les licences de milliers de chansons qu’il propose via une application sur le marché intérieur chinois. Or, malgré une position dominante sur le marché, il décide l’année dernière de fusionner à 50/50 avec un concurrent bien moins connu et surtout bien moins installé que lui. Pourquoi M. Xie a-t-il décidé de céder des parts de China Music à un rival, QQ Music, alors que sa société génère deux fois plus de profit et possède deux fois plus d’utilisateurs ? C’est que derrière QQ Music, se cache Tencent Holdings. Xie Guomin et ses associés ont vite compris qu’ils n’avaient pas le choix : une fois enclenché le renouvellement des licences si patiemment négociées, Tencent avec ses millions imposerait facilement ses droits sur les leurs.
Aujourd’hui, Alibaba et Tencent ont accès à des réservoirs de fonds sans limite grâce aux succès de leur capitalisation boursière qui leur a rapporté chacun plus de 400 milliards de dollars. Et ce n’est que le début !
Alors que les deux sociétés opéraient autrefois dans des sphères distinctes – les réseaux sociaux et les jeux pour Tencent, et le commerce en ligne pour Alibaba –, elles s’affrontent aujourd’hui sur le terrain des investissements. Avec pour résultat une concurrence frénétique en vue de la domination d’entreprises couvrant un prisme très large, de l’intelligence artificielle à la société du spectacle chère à Hollywood, de la logistique de pointe à la livraison de nourriture aux individus, en passant par la recherche génomique… Dans les faits, les deux mastodontes sont donc en train de muer, d’entreprises technologiques en fonds d’investissements.
Les deux compagnies ont ainsi investis des milliards ces dernières années en acquisitions. Quand Alibaba dépensait 4,7 milliards de dollars en 2014 pour acheter la société chinoise de navigateurs sur Internet UCWeb, Tencent investissait 8,6 milliards de dollars dans la société finlandaise de production de jeux vidéos Supercell – responsable notamment de l’incroyable succès du jeu « Clash of Clans » en 2016. Mais ces opérations ne sont que la face immergée de l’iceberg car derrière ces gigantesques opérations à plusieurs milliards, chaque jour les deux compagnies font des offres à tout un chacun. Ainsi, depuis 2013, Alibaba a dépensé plus d’1,73 milliards de dollars pour acquérir pas moins de 50 start-ups. De son côté, Tencent accordait plus de 780 millions au cours de la même période.
Parfois les deux compagnies investissent ensemble, mais le plus souvent, elles luttent l’une contre l’autre. A tel point qu’elles dessinent les contours de l’innovation en Chine en décidant qui soutenir ou non. Cette façon de faire est peut être excellente pour les nombreux actionnaires de Tencent ou d’Alibaba mais elle est nuisible aux autres compagnies d’investissement, souligne la Nikkei Asian Review. En effet, seul Soft Bank via son Fonds Vision doté de 100 milliards de dollars semble être en mesure de soutenir l’activité d’investissement des deux géants chinois. Mais la firme nipponne est loin d’avoir leur puissance de feu et leur effet d’entraînement. Car le duopole Alibaba-Tencent affecte des centaines de millions de vies.
Pour être juste, il faudrait lui ajouter Baidu, qui forme le troisième élément du « BAT », le GAFA chinois. A eux trois, ils ont créé des centaines de milliers d’emplois et réduit l’écart entre la Chine urbaine et rurale. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Seul le gouvernement central chinois semble avoir plus de pouvoir que Tencent et Alibaba. Ces derniers ont remplacé poste pour poste les grosses compagnies d’investissements américaines qui dominaient le marché chinois jusque-là. Mais un problème nouveau se pose face à l’appétit insatiable des deux ogres. Et il est résumé par le fondateur d’une start-up pékinois d’intelligence artificielle : « Si vous acceptez de l’argent de l’un d’entre eux [Tencent ou d’Alibaba], l’autre va chercher à vous tuer ! » Il est en effet courant pour Alibaba et Tencent d’investir dans plusieurs entreprises concurrentes et de tuer les plus faibles. Comment ne pas y voir un obstacle majeur à la survie de l’innovation en Chine ? Comment faire face à deux groupes bientôt monopolistique dans une culture du « Winner take it all » ?
Par Antoine Richard
Cependant, toute prise de conscience nécessaire ne doit pas empêcher une prise de recul, elle aussi nécessaire. C’est ce que propose la Nikkei Asian Review. Une menace grandissante pèse sur l’innovation en Chine : un afflux massif d’argent de la part des deux géants nationaux du numérique, qui forment désormais un duopole dans l’investissement pour les startups : Alibaba, du très médiatique Jack Ma, et Tencent, le propriétaire de WeChat. Exemple avec Xie Guomin, citoyen hongkongais, créateur d’une bibliothèque musicale accessible en ligne : China Music. Ce dernier a passé plus de huit ans à obtenir les licences de milliers de chansons qu’il propose via une application sur le marché intérieur chinois. Or, malgré une position dominante sur le marché, il décide l’année dernière de fusionner à 50/50 avec un concurrent bien moins connu et surtout bien moins installé que lui. Pourquoi M. Xie a-t-il décidé de céder des parts de China Music à un rival, QQ Music, alors que sa société génère deux fois plus de profit et possède deux fois plus d’utilisateurs ? C’est que derrière QQ Music, se cache Tencent Holdings. Xie Guomin et ses associés ont vite compris qu’ils n’avaient pas le choix : une fois enclenché le renouvellement des licences si patiemment négociées, Tencent avec ses millions imposerait facilement ses droits sur les leurs.
Aujourd’hui, Alibaba et Tencent ont accès à des réservoirs de fonds sans limite grâce aux succès de leur capitalisation boursière qui leur a rapporté chacun plus de 400 milliards de dollars. Et ce n’est que le début !
Alors que les deux sociétés opéraient autrefois dans des sphères distinctes – les réseaux sociaux et les jeux pour Tencent, et le commerce en ligne pour Alibaba –, elles s’affrontent aujourd’hui sur le terrain des investissements. Avec pour résultat une concurrence frénétique en vue de la domination d’entreprises couvrant un prisme très large, de l’intelligence artificielle à la société du spectacle chère à Hollywood, de la logistique de pointe à la livraison de nourriture aux individus, en passant par la recherche génomique… Dans les faits, les deux mastodontes sont donc en train de muer, d’entreprises technologiques en fonds d’investissements.
Les deux compagnies ont ainsi investis des milliards ces dernières années en acquisitions. Quand Alibaba dépensait 4,7 milliards de dollars en 2014 pour acheter la société chinoise de navigateurs sur Internet UCWeb, Tencent investissait 8,6 milliards de dollars dans la société finlandaise de production de jeux vidéos Supercell – responsable notamment de l’incroyable succès du jeu « Clash of Clans » en 2016. Mais ces opérations ne sont que la face immergée de l’iceberg car derrière ces gigantesques opérations à plusieurs milliards, chaque jour les deux compagnies font des offres à tout un chacun. Ainsi, depuis 2013, Alibaba a dépensé plus d’1,73 milliards de dollars pour acquérir pas moins de 50 start-ups. De son côté, Tencent accordait plus de 780 millions au cours de la même période.
Parfois les deux compagnies investissent ensemble, mais le plus souvent, elles luttent l’une contre l’autre. A tel point qu’elles dessinent les contours de l’innovation en Chine en décidant qui soutenir ou non. Cette façon de faire est peut être excellente pour les nombreux actionnaires de Tencent ou d’Alibaba mais elle est nuisible aux autres compagnies d’investissement, souligne la Nikkei Asian Review. En effet, seul Soft Bank via son Fonds Vision doté de 100 milliards de dollars semble être en mesure de soutenir l’activité d’investissement des deux géants chinois. Mais la firme nipponne est loin d’avoir leur puissance de feu et leur effet d’entraînement. Car le duopole Alibaba-Tencent affecte des centaines de millions de vies.
Pour être juste, il faudrait lui ajouter Baidu, qui forme le troisième élément du « BAT », le GAFA chinois. A eux trois, ils ont créé des centaines de milliers d’emplois et réduit l’écart entre la Chine urbaine et rurale. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Seul le gouvernement central chinois semble avoir plus de pouvoir que Tencent et Alibaba. Ces derniers ont remplacé poste pour poste les grosses compagnies d’investissements américaines qui dominaient le marché chinois jusque-là. Mais un problème nouveau se pose face à l’appétit insatiable des deux ogres. Et il est résumé par le fondateur d’une start-up pékinois d’intelligence artificielle : « Si vous acceptez de l’argent de l’un d’entre eux [Tencent ou d’Alibaba], l’autre va chercher à vous tuer ! » Il est en effet courant pour Alibaba et Tencent d’investir dans plusieurs entreprises concurrentes et de tuer les plus faibles. Comment ne pas y voir un obstacle majeur à la survie de l’innovation en Chine ? Comment faire face à deux groupes bientôt monopolistique dans une culture du « Winner take it all » ?
Par Antoine Richard
Agritech
Inde : Mahindra lance ses tracteurs sans conducteurs
Pendant que les Chinois et les Américains se battent pour mettre les premiers sur nos routes des voitures sans conducteur, un constructeur indien a choisi une autre voie : les champs de labour. Mahindra & Mahindra présente un tracteur autonome, sans agriculteur sur le siège, développé dans son centre de recherche à Chennai dans l’Etat du Tamil Nadu, à la pointe sud de l’Inde. Le véhicule peut être programmé pour des tâches spécifiques et télécommandé à grande distance. Équipe d’un GPS, de phares automatiques, l’engin est doté d’un monte-charge autonome et évitera les obstacles de lui-même, ce qui lui permet de passer d’une rangée à l’autre sans l’intervention humaine. Pour éviter qu’il ne traverse les limites du champ, le tracteur possédera un système de blocage lié à une barrière géographique. La machine permet ainsi de prémunir le cultivateur contre les dangers de l’intoxication aux insecticides et, par la même occasion, contre le mal de dos.
Mahindra & Mahindra compte commercialiser son tracteur sans pilote au premier semestre 2018, et affiche d’emblée son ambition de conquérir les marchés américains ou japonais. Cette technologie sera proposée dans des tracteurs de 100 à 200 chevaux.
L’Indien n’est pas sans concurrence. De grands constructeurs nippons et américains d’équipement agricoles travaillent aussi sur des tracteurs autonomes ou semi-autonomes. Le Japonais Kubota a commencé d’en vendre à l’essai en juin dernier, alors que ses compatriotes Yanmar et Iseki sont en train d’en développer. Aujourd’hui, Mahindra & Mahindra est le leader mondial sur le marché du tracteur avec 230 000 véhicules vendus sur l’année s’arrêtant à mars 2017. Ses tracteurs sans conducteurs devraient coûter moins cher que ceux de ses rivaux, même si leur prix n’a pas encore été révélé.
Mahindra & Mahindra compte commercialiser son tracteur sans pilote au premier semestre 2018, et affiche d’emblée son ambition de conquérir les marchés américains ou japonais. Cette technologie sera proposée dans des tracteurs de 100 à 200 chevaux.
L’Indien n’est pas sans concurrence. De grands constructeurs nippons et américains d’équipement agricoles travaillent aussi sur des tracteurs autonomes ou semi-autonomes. Le Japonais Kubota a commencé d’en vendre à l’essai en juin dernier, alors que ses compatriotes Yanmar et Iseki sont en train d’en développer. Aujourd’hui, Mahindra & Mahindra est le leader mondial sur le marché du tracteur avec 230 000 véhicules vendus sur l’année s’arrêtant à mars 2017. Ses tracteurs sans conducteurs devraient coûter moins cher que ceux de ses rivaux, même si leur prix n’a pas encore été révélé.
Génie génétique
Inde : Tata lance un projet d'éradication de la malaria en changeant l'ADN des moustiques porteurs
Il ne faut surtout pas exterminer les moustiques, même s’ils portent en eux une maladie aussi puissante que la malaria. A moins de bouleverser tout l’écosystème naturel. Tata Trusts, la branche philanthropique du géant indien Tata Group, a pris le problème en sens inverse : pourquoi ne pas modifier l’ADN de cet insecte à antennes rouges ? C’est ainsi que Tata Trusts compte éradiquer la malaria dans toute l’Inde, ni plus ni moins. Pour y parvenir, il s’agit donc d’utiliser au mieux l’édition génomique afin de manipuler le code génétique des moustiques.
Le groupe indien a prévu d’investir plus de 4 milliards et demie de roupies (près de 60 millions d’euros) dans les cinq prochaines années via une nouvelle entité basée à Bangalore : le Tata Institute of Genetics and Society, en coopération avec l’Université de Californie à San Diego et l’Institute for Stem Cell Biology and Regenrative Medicine (InStem) de Bangalore. Ratan Tata, fondateur du groupe et Pdg de Tata Trusts s’investira lui-même dans ce projet puisqu’il en sera l’un des administrateurs. Aujourd’hui, le centre de recherches à San Diego est déjà opérationnel, tandis que le nouvel institut de Bangalore doit être lancé à la fin 2017 ou au début de l’année prochaine.
Selon les travaux conjoints des universités de San Diego et d’Irvine, le moustique Anopheles stephensi, largement présent en Inde, peut être génétiquement modifié pour stopper la propagation du parasite psalmodium falciparum, que l’insecte porte en lui. Le futur institut de Tata aura pour objectif de développer des souches de moustique qui pourront servir à réduire substantiellement la transmission du palud grâce à un vecteur cible comprenant un gêne de remplacement, plutôt qu’une stratégique de l’élimination vectorielle.
Le projet d’éradication de la malaria s’inscrit dans un environnement sanitaire où les maladies portées par les moustiques se multiplient, avec en tête la dengue, le chikunguya et le virus zika. Selon le rapport de l’Organisation mondial de la Santé, l’Inde représente 6% des cas de malaria dans le monde, soit plus de 100 000 malades. Le ministère indien de la santé a pour objectif de débarrasser l’Inde de la malaria d’ici 2030.
Le groupe indien a prévu d’investir plus de 4 milliards et demie de roupies (près de 60 millions d’euros) dans les cinq prochaines années via une nouvelle entité basée à Bangalore : le Tata Institute of Genetics and Society, en coopération avec l’Université de Californie à San Diego et l’Institute for Stem Cell Biology and Regenrative Medicine (InStem) de Bangalore. Ratan Tata, fondateur du groupe et Pdg de Tata Trusts s’investira lui-même dans ce projet puisqu’il en sera l’un des administrateurs. Aujourd’hui, le centre de recherches à San Diego est déjà opérationnel, tandis que le nouvel institut de Bangalore doit être lancé à la fin 2017 ou au début de l’année prochaine.
Selon les travaux conjoints des universités de San Diego et d’Irvine, le moustique Anopheles stephensi, largement présent en Inde, peut être génétiquement modifié pour stopper la propagation du parasite psalmodium falciparum, que l’insecte porte en lui. Le futur institut de Tata aura pour objectif de développer des souches de moustique qui pourront servir à réduire substantiellement la transmission du palud grâce à un vecteur cible comprenant un gêne de remplacement, plutôt qu’une stratégique de l’élimination vectorielle.
Le projet d’éradication de la malaria s’inscrit dans un environnement sanitaire où les maladies portées par les moustiques se multiplient, avec en tête la dengue, le chikunguya et le virus zika. Selon le rapport de l’Organisation mondial de la Santé, l’Inde représente 6% des cas de malaria dans le monde, soit plus de 100 000 malades. Le ministère indien de la santé a pour objectif de débarrasser l’Inde de la malaria d’ici 2030.
Robotique médicale
Chine : un robot dentiste fixe un implant pour la première fois au monde
C’est peut-être une solution à la pénurie main-d’œuvre qualifiée en Chine. Pour la première fois dans le monde, un robot dentiste a posé un implant sans l’aide de l’homme. Une femme chinoise a ainsi reçu deux nouvelles dents dans une opération menée à Xi’an dans la province du Shaanxi au nord de la Chine. Les implants ont été posés dans une marge d’erreur comprise entre 0.2 et 0.3 mm, ce qui correspond aux normes de ce type d’intervention en chirurgie dentaire. Par ailleurs, les deux dents artificielles ont été créées par impression 3D. C’est l’aboutissement d’un projet de quatre ans, mené par l’hôpital de stomatologie affilié à la 4ème Université médicale de l’armée, en coopération avec l’institut de robotique de l’université Beihang (aéronautique et astronautique) de Pékin.
Selon une étude épidémiologique, environ 400 millions de patients ont besoin d’une nouvelle dent en Chine, mais le le nombre de dentistes qualifiés est très inférieur à cette demande. Près d’un million d’implants sont posés dans le pays chaque année. Le risque d’erreur est d’autant plus grand que ce type de chirurgie dentaire présente la difficulté d’opérer dans un espace réduit, la bouche, dont beaucoup de parties sont difficiles à voir pour un homme ou une femme. Mais heureusement pas pour un robot dentiste qui, lui, ne connaît pas l’expression « opérer en aveugle ».
Selon une étude épidémiologique, environ 400 millions de patients ont besoin d’une nouvelle dent en Chine, mais le le nombre de dentistes qualifiés est très inférieur à cette demande. Près d’un million d’implants sont posés dans le pays chaque année. Le risque d’erreur est d’autant plus grand que ce type de chirurgie dentaire présente la difficulté d’opérer dans un espace réduit, la bouche, dont beaucoup de parties sont difficiles à voir pour un homme ou une femme. Mais heureusement pas pour un robot dentiste qui, lui, ne connaît pas l’expression « opérer en aveugle ».
Medtech
Singapour : un nouveau système de mécanique de précision pour traiter les calculs rénaux
Risques de complications, expositions aux rayons X ou longue période de convalescence… Enlever des calculs rénaux, surtout lorsqu’ils sont volumineux, est une opération complexe. C’est justement pour la simplifier que des chercheurs de l’Institute of Technical Education (ITE) de Singapour ont créé un procédé issu de la médecine de précision : un dispositif robotique permettant un accès percutané au foie (Percutaneous-access-to-kidney-assist device, ou PAKAD). L’appareil vient remplacer la pose manuelle d’un long tube creux à travers la peau pour atteindre le calcul rénal avant d’introduire un endoscope – un instrument chirurgical – dans l’espace créé par le tube, afin de fragmenter et de retirer les cristaux du rein. Là où il faut l’intervention d’un chirurgien très expérimenté, le PAKAD permet automatiquement d’ajuster, de guider et de stabiliser le tube, toujours aligné avec le calcul rénal.
L’équipe de l’ITE a mené ce projet en coopération avec l’Hôpital universitaire national, l’Université National de Singapour et Invivo Medical Pte Ltd. Les travaux ont débuté en 2011 et le PAKAD devrait être commercialisé à la fin 2018. Les ventes pourraient atteindre 25 millions de dollars dans les cinq années à venir.
L’équipe de l’ITE a mené ce projet en coopération avec l’Hôpital universitaire national, l’Université National de Singapour et Invivo Medical Pte Ltd. Les travaux ont débuté en 2011 et le PAKAD devrait être commercialisé à la fin 2018. Les ventes pourraient atteindre 25 millions de dollars dans les cinq années à venir.
Par Joris Zylberman, Antoine Richard et Alisée Pornet.