Société

Philippines : après une deuxième attaque islamiste près de Marawi, le crainte de la contagion

Une patrouille des Forces armées philippines sur une route vers le village de Pigkawayan, situé à 160 kilomètres de Marawi, au sud de l'île de Mindanao, le 21 juin 2017. (Crédits : AFP PHOTO / STRINGER)
Une patrouille des Forces armées philippines sur une route vers le village de Pigkawayan, situé à 160 kilomètres de Marawi, au sud de l'île de Mindanao, le 21 juin 2017. (Crédits : AFP PHOTO / STRINGER)
La contagion islamiste tant crainte par Manille a-t-elle débuté ? Alors que l’armée philippine peine toujours à reprendre la ville de Marawi aux rebelles du groupe Maute affiliés à Daech, une attaque a été menée contre un camp militaire à une centaine de kilomètres de la ville. Si la situation semble désormais sous contrôle, elle montre que la reprise de la ville insurgée ne va pas de pair avec la pacification de l’île.
« C’est déjà réglé. L’ennemi s’est retiré. Ils ont échoué. » C’est par ces quelques mots que le général de brigade Restituto Padilla, porte-parole des Forces armées philippines, conclut l’incident qui a eu lieu aujourd’hui mercredi 21 juin dans un village du sud de l’archipel, indique le Straits Times. Quelques heures plus tôt, près de 300 hommes armés ont fait irruption dans la commune rurale de Pigkawayan distante de quelques 160 kilomètres de Marawi. Ils auraient attaqué un avant-poste de l’armée avant d’occuper une école désertée par ses étudiants. Le bilan des victimes n’est pas encore confirmé mais cinq attaquants auraient perdu la vie et cinq civils utilisés comme boucliers humains manquent toujours à l’appel, rapporte le Philippine Star.
Qui est à l’origine de cette nouvelle attaque ? D’après un rapport de police, cité par Channel News Asia, les assaillants seraient principalement affiliés aux Combattants Islamiques de Libération du Bangsamoro. Il s’agit d’une frange radicale du Front Moro Islamique de Libération, ayant fait sécession lorsque ce dernier a entamé des pourparlers de paix avec le gouvernement. Cette attaque peut constituer un appel à la poursuite de la lutte alors que la presse, dont le Philippine Star, a annoncé l’examen par le président Rodrigo Duterte d’une loi entérinant l’accord de paix entre Manille et le groupe Moro. Pour le général Padilla, il n’est pas exclu que cette attaque soit une manœuvre visant à détourner une partie des forces gouvernementales de Marawi, mais il ne s’agit en aucun cas d’une tentative d’ouverture d’un second front permanent sur l’île de Mindanao. « C’est un trop petit effort. Il s’agit juste d’une attaque de harcèlement. Il y en avait déjà avant l’incident de Marawi », cite le Straits Times.
Par ailleurs, les combats autour de Marawi sont entrés dans leurs cinquième semaine et ont désormais fait plus de 350 morts, rappelle le quotidien singapourien. Les troupes philippines mènent toujours un combat de rue, appuyées par des frappes aériennes et des véhicules blindés. Le général Padilla a déclaré hier mardi 20 juin lors d’une rencontre entre les états-major de la police et de l’armée qu’il espérait reprendre la ville avant l’Aïd el-Fitr les 25 et 26 juin prochains, rapporte le South China Morning Post. « Nous ne pouvons pas dire de manière catégorique quand nous pourrons y mettre fin car nous nous battons maison par maison, et il reste des engins explosifs qui menacent nos hommes. »
Les forces gouvernementales sont pressées de mener l’assaut final car elles craignent un afflux de nouveaux combattants musulmans après la fin du ramadan, explique le Straits Times. Lors d’une conférence de presse au palais de Malacañang, le porte-paroles de la présidence, Ernesto Abella, est revenu sur les craintes américaines de voir la région devenir un nouveau foyer du groupe État Islamique : « Notre position est que Marawi ne risque pas de devenir une nouvelle base de combattants de l’EI. L’armée philippine a d’ores et déjà empêché le groupe Maute d’établir une wilayat [province] à Marawi », cite le Philippine Star. Pour autant, la reprise de la ville ne signifie pas le retour de la paix à Mindanao. Rodrigo Duterte a d’ailleurs exprimé ses craintes de possibles représailles dans d’autres villes de la région et appelle la population à la prudence, selon le quotidien philippin. D’après l’avocat général des Philippines Jose Calida, cité par le Straits Times, le sud de l’archipel compterait pas moins de 20 groupes liés à l’EI en activité.
Par Émeric Des Closières

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