Corée du Sud : le plus dur commence
Une seconde aspiration est de réduire les inégalités économiques qui sont les plus importantes d’Asie-Pacifique selon le FMI, et de repenser le rôle des Chaebols. Si ces conglomérats industriels ont été au cœur du développement fulgurant du pays et ont grandement contribué au « miracle économique de la rivière Han » au point de parler désormais du pays comme de la « République de Samsung », ils sont de plus en plus critiqués. Onzième puissance économique mondiale et leader dans les TIC, la restructuration du tissu économique national et un rôle accru accordé aux PME demeurent parmi les promesses de l’ensemble des candidats, d’hier comme d’aujourd’hui.
Pour ce faire, une normalisation de la vie politique sud-coréenne et la proposition d’un nouveau modèle de société sont indispensables. Le parti conservateur Saenuri dont est issu Park Geun-hye se trouve en déliquescence. En plus de l’humiliation que représente la destitution de leur ancienne candidate, le Saenuri a perdu non seulement la majorité à l’Assemblée nationale mais surtout une trentaine de ses députés, qui ont fondé un nouveau parti. A l’inverse, la légitimité des formations de l’opposition apparaît renforcée. Cependant, elles ont aujourd’hui la lourde tâche de ne pas décevoir une population qui aspire au changement et dont les attentes sont immenses. Si Moon Jae-in, candidat malheureux en 2012, apparaît comme le grand favori de l’élection à venir, tout prochain président devra faire face à un environnement stratégique instable compliquant la réforme du pays.
La réponse à la menace nord-coréenne demeure évidemment en tête de l’agenda diplomatique sud-coréen. Si Moon a été un proche conseiller de l’ancien président Roh Moo-hyun, acteur d’un engagement économique et politique total de la Corée du Nord à travers la Sunshine Policy, il ne pourra pas répliquer cette politique. Alors que le jeune dirigeant nord-coréen a solidifié son pouvoir à Pyongyang et accéléré le développement du programme balistique et nucléaire national, les relations entre le Nord et le Sud se sont en parallèle profondément détériorées, conduisant à la fermeture du complexe industriel intercoréen de Kaesong en 2016. Sortir de cette impasse tout en garantissant la sécurité nationale et en rassurant la population sud-coréenne est une nécessité. Cependant, elle se heurte aux intérêts des puissances régionales, en témoigne la vive réaction de la Chine au déploiement du système américain anti-missiles THAAD par Séoul.
La gestion des relations entre Séoul et Washington d’une part, et entre Séoul et Pékin de l’autre, apparaît ainsi comme la seconde priorité diplomatique. La Corée du Sud connaît une double dépendance, sécuritaire vis-à-vis de son allié américain, et économique vis-à-vis de son partenaire chinois. Or, Séoul est de plus en plus otage des tensions croissantes entre Pékin et Washington, et le proverbe coréen présentant le pays comme « une crevette parmi les baleines » apparaît comme plus que jamais d’actualité. Parvenir à trouver un équilibre entre ces deux pays sans pour autant compromettre ni la sécurité nationale, ni le développement économique, sera un exercice difficile auquel les précédents présidents semblent avoir en partie échoué.
La France, dont l’élection présidentielle aura lieu quelques jours avant l’élection en Corée du Sud, fait face à de nombreux défis communs et traverse également une zone de turbulences politiques. Paris s’efforce depuis plusieurs d’années de mettre à l’honneur son partenariat global avec le pays en multipliant les initiatives bilatérales dans les domaines politique, économique, culturel et scientifique. Le résultat de ces élections sera, sans aucun doute, l’occasion pour nos deux pays de poursuivre sur la voie d’un approfondissement de cette relation, et de faire de la France le partenaire européen incontournable de la Corée du Sud.
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