La Chine et le retour en Asie centrale
Une histoire de voyageurs
La découverte de la Route de la Soie commence avec le voyage de Zhang Qian, ambassadeur de l’empereur de Chine qui se rend jusque dans la vallée de Ferghana (frontière ouzbèke-tadjike-kirghize). L’objectif initial de ce voyage était de nouer une alliance avec les peuples situés à l’ouest des ennemis Xiongnu (l’actuel Xinjiang) afin de prendre ces derniers à revers.
Le voyage est plein de péripéties car Zhang Qian est fait prisonnier par les Xiongnu. Il finit par revenir en Chine, sans être parvenu à créer de nouvelles alliances, mais avec des descriptions des nouvelles régions : la Bactriane, la Sogdiane, la vallée de Ferghana… Puis, lors d’autres voyages pour le compte de l’empereur, il arrive jusqu’à l’Indus. En plus de ses récits, Zhang Qian apporte de nouveaux biens, et en particulier les fameux chevaux de Ferghana très réputés. C’est à partir de ces voyages que la Chine commerce avec l’Asie centrale.
Le voyage de Xuanzang est tellement populaire qu’il inspire une histoire, La Pérégrination vers l’Ouest. Si cela ne vous parle pas, le récit fantastique qui en est tiré a influencé de nombreux films chinois comme Le Royaume interdit ou Le Roi Singe, et jusqu’au célèbre manga japonais Dragon Ball.
L’Asie centrale vient vers la Chine
Cela marque le passage de l’Asie centrale d’une sphère d’influence chinoise à une sphère d’influence arabo-musulmane. La Chine, quant à elle, se replie sur ses régions propres. Elle ne se redéveloppera ensuite que jusqu’au Gansu, au Turkestan oriental (Xinjiang) et au Tibet.
Il convient toutefois de rappeler que les cultures centrasiatiques se répandent, toutes proportions gardées, en Chine. Tout d’abord, le bouddhisme, religion originaire d’Inde, arrivera en Chine par le biais de l’Asie centrale. Le Kirghizstan était effectivement un centre important de cette religion, tout comme les royaumes ouïghours et l’Afghanistan où se trouvaient les immenses Bouddhas de Bamiyan (détruits par les Talibans en 1996).
L’Asie centrale, un enjeu pour la Chine d’aujourd’hui
Ces annexions ou restaurations d’autorité, selon le point de vue, se font difficilement. Notons que si le Tibet bénéficie d’une opinion internationale qui lui est plutôt favorable, ce n’est pas le cas de la région ouïghoure. Celle-ci devient dans les années 1990 un foyer de terrorisme pour Pékin, les activistes demandant l’indépendance ou au moins l’autonomie. La Chine mène effectivement une politique coloniale dans la région, de nombreux immigrants intérieurs se sont implantés dans le Xinjiang (nom chinois du Turkestan oriental) et la promotion culturelle des Ouïghours, sans même parler d’autonomie politique, est très limitée.
L’Asie centrale présente donc un double intérêt pour la Chine : un aspect sécuritaire et un aspect économique. Le second volet ne peut être pleinement exploité sans le premier. La Chine veut donc d’abord sécuriser ses frontières et se rapproche des régimes en place en proposant un traité de coopération en terme de sécurité, le Traité de Coopération de Shanghai.
Grâce à cet accord, la Chine peut plus facilement agir contre le nationalisme ouïghour dont les cadres doivent désormais fuir vers la Turquie. Il permet également de stabiliser les pays autant que possible, permettant de meilleurs échanges économiques.
Dans la continuité de ce traité, Pékin annonce, dans les années 2010, sa vision stratégique concernant ses voisins : la « nouvelle Route de la Soie ». Celle-ci comporte deux volets, un terrestre et un maritime, et prévoitun grand réseau de commerce devant permettre un acheminement de biens et matières premières en un temps record de la Chine à l’Europe.
Les cinq républiques centrasiatiques sont au cœur de ce projet, permettant à la Chine de mieux s’implanter économiquement, mais également d’étendre son influence politique. L’Asie centrale est ainsi devenu en quelques décennies un enjeu majeur pour la politique internationale chinoise.
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