Expo photo : "Offrandes" de Gao Bo, du Tibet à Pékin
Initiation tibétaine
Gao Bo a continué de se rendre fréquemment sur le toit du monde au cours des années 1980 et 90, capturant à sa manière les rites millénaires des moines et la vie quotidienne de ces montagnards, pas tant à des fins documentaires que pour nourrir sa quête existentielle. L’âme du pays traverse une grande partie de son œuvre comme en témoignent ses « Portraits Dualités », gigantesques portraits présentés sous forme de quadriptyques barrés de néons rouges repris dans « Offrande du Mandala ». Cette âme se retrouve dans « Précepte des Pierres », triptyque figurant un groupe de pèlerins, chaque pan comporte une pierre sacrée calligraphiée entremêlée de câbles d’acier et choisie par l’artiste pour représenter le poids de la religion qui devient un fardeau. Plus loin, une installation formée de milliers de visages imprimés sur des pierres, évoque les offrandes votives du bouddhisme tibétain. Les matériaux photographiques réalisés en vingt ans au Tibet sont autant de matière que Gao Bo réinterprète pour alimenter ses expérimentations plastiques et interroger des thèmes récurrents : l’apparition, la disparition, la nature immanente de l’être.
Vies antérieures
Une deuxième vie de photographe reporter commence dans le fracas de l’année 1989 lorsque Gaobo se rend en France après la répression de juin, prendre possession de l’œil d’Or gagné lors de la première édition de Visa pour Perpignan. On ne tarde pas à lui proposer le statut de réfugié politique et la nationalité française qu’il refuse. Il devient le premier photographe chinois signé par l’agence Vu et côtoie les grands comme William Klein ou Betthina Rheims.
« Je n’ai jamais voulu changer de nationalité, ni rien changer en moi. On m’a souvent demandé ce que je voulais être : j’ai répondu que le statut d’être humain, naturel et sauvage me convient. Je n’aspire à rien d’autre », ajoute Gao Bo dont les allers-retours fréquents entre Paris et Pékin ont malgré tout façonné la personnalité.
Gao a aussi eu une vie d’architecte au début des années 2000, après avoir réalisé une commande pour Leoh Ming Pei qui le familiarise avec le volume et la matière déclinés en trois dimensions. C’est au terme de cette rencontre qu’il construit l’atelier-maison de Pékin dans lequel il élabore toutes ses créations depuis.
« A l’époque, j’avais abandonné le monde de l’art en Chine dans lequel je ne me retrouvais plus du tout. C’était le moment où les artistes se ruaient vers le marché de l’art. Leurs ateliers étaient vides, même la moindre esquisse avait été vendue. Alors j’ai choisi de faire des maisons. Et jusqu’ici, elles sont toujours debout ! Les fonds accumulés pendant cette période m’ont permis de me consacrer à mon art en marge du marché et de prendre le temps de réfléchir. Cela m’a pris sept ans. »
Le Dao de la création
Dans les salles de la MEP dont on voudrait parfois pousser les murs, se succèdent les travaux de plus en plus plastiques de Gao Bo, preuve de son acharnement à faire disparaitre la prise de vue derrière l’écriture (automatique), l’enchevêtrement, la rature ou la brûlure. Ainsi dans la série « Disparition de la figure », où s’exposent seulement les traces calcinées de portraits de condamnés à mort. Ainsi dans ses installations en forme de mausolées, dédiés à Beckett ou à sa mère défunte.
A voir
« Offrandes » de Gao Bo, à la Maison européenne de la photographie, 5/7 rue de Fourcy, Paris 4e. Jusqu’au 9 avril 2017.
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