David Camroux : "La mort du roi de Thaïlande, un bon prétexte pour repousser les élections"
Contexte
Docteur en histoire politique, David Camroux est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de recherches internationales (CERI), où il participe au groupe de recherche « Migrations et relations internationales ». Auparavant, il a été directeur des études et de la recherche au Centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie modernes (CHEAM) de 1994 à 1998, directeur exécutif du Centre Asie-Europe de 1998 à 2004. Son expérience de rédacteur européen et correspondant fondateur à la Pacific Review de 1994 à 2008, puis de rédacteur en chef adjoint du Journal of Current Southeast Asian Affairs depuis 2009, le conduisent à intervenir dans les médias sur les questions liées à l’Asie-Pacifique. Il enseigne également dans les universités de Tokyo (Keio), Séoul (Yonsei) et Kuala Lumpur (Malaisie).
Outre ses activités de chercheur, David Camroux a été conseiller scientifique et évaluateur de programmes soutenus par la Commission européenne, au Vietnam de 2001 à 2004 et en Chine de 2004 à 2008, puis membre du conseil d’administration du projet PCRD 6, EU-NESCA de 2004 à 2008. Il siège désormais au conseil scientifique du réseau EsiA (European studies in Asia) de la Fondation Asie-Europe de Singapour.
Globalement, personne n’aime Vajiralongkorn. Le régent ne l’apprécie pas parce qu’il entache l’image de la monarchie avec ses histoires d’amour rocambolesques. Les militaires ne lui sont pas non plus favorables car il est connu pour être proche de Thaksin Shinawatra, le frère de l’ancienne Premier ministre Yingluck Shinawatra chassée du pouvoir lors du coup d’Etat de mai 2014. Mais pour autant, personne ne devrait s’opposer à son intronisation. La junte a toujours affirmé qu’elle le soutiendrait. D’abord parce qu’elle n’a pas le choix selon la Constitution, mais aussi parce qu’elle a l’impression qu’elle peut canaliser cet homme, qui finalement n’y connaît pas grand-chose en matière de gestion d’un pays.
De toute façon, personne d’autre ne pourrait prendre sa place sur le trône. Certains, notamment au sein du Conseil du roi préfèreraient Maha Chakri Sirindhorn, l’une des filles du roi, mais cela semble peu probable. D’autres aimeraient voir le petit-fils de Rama IX monter sur le trône mais des rumeurs courent qu’il aurait des problèmes de santé. Vajiralongkorn serait donc bel et bien le seul candidat viable au trône.
Au sein même de la monarchie, la question de la succession risque de diviser. En arrivant au pouvoir, le Prince va certainement vouloir se séparer de tous ses détracteurs actuels et rajeunir le Conseil. Et cela n’est pas bon pour la junte qui, pour l’instant, peut globalement s’appuyer sur lui. Par ailleurs, la grogne de la population se fera entendre si les élections sont repoussées. Or, il paraît peu probable qu’elles aient lieu fin 2017 comme prévu alors que cela correspondrait à peine à la fin de la période de deuil. Depuis le départ, Prayuth Chan-ocha cherche à repousser ces élections. La mort du roi Bhumibol est certainement le meilleur des prétextes. Une dernière question reste en suspens : le prince finira-t-il par tenter un retour de Thaksin Shinawatra au gouvernement ? Ce ne sera certainement pas sa volonté immédiate, mais c’est envisageable quand on sait les rapports qu’il entretient avec la junte actuelle.
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