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L'ASEAN, une priorité pour l'Indonésie ?

Le président indonésien Joko Widodo lors d'une session plénière sur la sécurité en Asie-Pacifique présidée par son homologue américain Barack Obama, dans le cadre d'un sommet ASEAN-Etats-Unis au Sunnylands estate, le 16 février 2016, à Rancho Mirage en Californie.
Le président indonésien Joko Widodo lors d'une session plénière sur la sécurité en Asie-Pacifique présidée par son homologue américain Barack Obama, dans le cadre d'un sommet ASEAN-Etats-Unis au Sunnylands estate, le 16 février 2016, à Rancho Mirage en Californie. (Crédits : Mandel Ngan / AFP)
L’Indonésie est un des cinq pays fondateurs de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est, l’ASEAN dans son sigle anglais. Représentant 40% de sa population et 35% de son produit intérieur brut (PIB), elle est souvent considérée comme le leader naturel de l’organisation. Le secrétariat de l’ASEAN se trouve d’ailleurs à Jakarta.
Cette perception a pu être remise en question lorsque la crise financière asiatique de 1997 avait mené à une grave crise économique, sociale et politique en Indonésie, et finalement à la démission du président Soeharto en 1998. L’Indonésie avait été le pays le plus durement touché par cette crise, qui s’était traduite par une chute de plus de 13% de son PIB. L’économie indonésienne s’est rétablie en 1999 et a retrouvé la croissance les années suivantes, devenant la 16ème mondiale. L’Indonésie est d’ailleurs membre du G20, seul pays d’Asie du Sud-Est dans le groupe.
L’inauguration en janvier 2016 à Jakarta d’une mission de l’Union européenne auprès de l’ASEAN peut être vue comme le signe que « l’Indonésie se transforme en capitale diplomatique de l’ASEAN ». Dès la fondation de l’ASEAN en 1967, le pays a joué un rôle moteur. Ce sont Adam Malik, alors ministre indonésien des Affaires étrangères, et son équipe qui furent chargés de la rédaction d’un « concept paper » (projet de document) définissant l’association, et de faire le tour des capitales d’Asie du Sud-Est (y compris Phnom Penh et Rangoun) pour en faire la promotion.

Pourtant, l’Indonésie n’a pas participé à la genèse de l’association. Ce sont en effet la Malaisie, membre du Commonwealth, et la Thaïlande et les Philippines, alliées des Etats-Unis dans le cadre de la SEATO (Southeast Asia Treaty Organization), qui créent en 1961 une Association of Southeast Asia (ASA). Pour l’Indonésie de Soekarno, dont les sympathies allaient vers le bloc socialiste, il était évidemment hors de question de rejoindre une telle association.

En 1962, les Philippines, qui se considèrent le successeur des sultans de Sulu (un archipel dans le sud du pays), proclament que la colonie britannique de Sabah dans le nord de Bornéo leur appartient. Peu après, le président philippin Diosdado Macapagal propose la formation d’une « Greater Malay Confederation » qui inclurait, aux côtés des Philippines, la Malaisie, Sabah, Sarawak et Singapour (deux autres colonies britanniques), et le protectorat anglais de Brunei. De son côté, la Malaisie se prépare à former une nouvelle fédération, la « Malaysia », en s’unissant à Sabah, Sarawak et Singapour, qui vont accéder à l’indépendance. Macapagal voit dans la Malaysia comme une création coloniale. Soekarno, qui s’oppose également à la création de la Malaysia, s’associe à l’idée philippine, qui prend le nom de « Maphilindo », acronyme formé à partir des noms « Malaisie », « Philippines » et « Indonésie ». La création de la Malaysia en 1963 rend caduc le projet de Maphilindo. Les Philippines rompent les relations diplomatiques avec la Malaisie. L’Indonésie se lance dans une politique agressive contre le nouvel Etat, la Konfrontasi.

En 1965, le « Mouvement du 30 Septembre » se traduit par l’assassinat de six généraux, que l’armée indonésienne impute au Parti communiste indonésien (PKI). Un certain général Soeharto prend la tête de la répression. Le PKI est interdit. Des centaines de milliers de personnes sont massacrées. En mars 1966, Soeharto se fait remettre les pleins pouvoirs par Soekarno. L’Indonésie rompt les relations diplomatiques avec la Chine, soupçonnée d’avoir soutenu le mouvement.

Le soutien indonésien au Vietnam

En avril-mai 1966, le ministre thaïlandais des Affaires étrangères prend l’initiative de réconcilier la Malaisie, d’une part avec l’Indonésie, d’autre part avec les Philippines. Naît alors l’idée d’une organisation pour la coopération régionale. Singapour, qui avait été expulsée de la fédération de Malaisie en août 1965, se joint au projet. Ce sont des diplomates thaïlandais qui préparerons le document fondateur de l’ASEAN, la Déclaration de Bangkok. L’Indonésie souhaitait associer au projet la Birmanie et le Cambodge. Ces deux pays déclinent l’offre. Seuls cinq pays seront donc fondateurs de l’ASEAN : l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande.

Dès le début, l’Indonésie se distingue des autres membres. En 1969, alors qu’est évoquée la possibilité d’inviter la République du Vietnam (nom officiel du Sud-Vietnam allié des Etats-Unis) à une réunion de l’association, l’Indonésie déclare que le Nord-Vietnam doit également être invité, ce que refusent les autres membres de l’association.

L’année 1975 voit la victoire des communistes au Cambodge, au Laos et au Vietnam. En 1976 se tient le premier sommet de l’ASEAN à Bali. Le Vietnam réunifié demande à pouvoir y assister avec le statut d’observateur. La fin du conflit indochinois laisse réapparaître un contentieux ancien entre Phnom Penh et Hanoï. En 1977, des escarmouches éclatent le long de la frontière entre les deux pays, la plupart provoquées par l’armée cambodgienne. Finalement en 1978, le Vietnam envahit le Cambodge. L’ASEAN condamne le pays d’Hô Chi Minh, à l’exception de l’Indonésie.

Bien que le régime de Soeharto ait débuté dans un massacre qui a fait plus de cinq cent mille morts soupçonnés de sympathies communistes, il éprouve de la sympathie pour le Vietnam. Dans les années 1980, l’armée indonésienne aime à rappeler que comme elle, le Vietnam à vaincu une puissance coloniale. Elle admire la résistance des Vietnamiens face aux Américains. En outre, pour l’Indonésie de Soeharto, la menace provient de la Chine, qu’il accuse, nous l’avons vu, d’avoir soutenu le « Mouvement du 30 Septembre ». Les années 1984 et 1985 sont marquées par les visites réciproques des ministres indonésiens et vietnamiens de la Défense puis des Affaires étrangères. Finalement en 1990, dans le nouveau contexte dont le point de départ symbolique est la chute du Mur de Berlin, les deux pays signent un accord de coopération économique, scientifique et technique. L’Indonésie est entrée dans une relation privilégiée avec le Vietnam. L’intégration de ce dernier à l’ASEAN aura finalement lieu en 1995.

« Tiers-mondisme » et non-alignement

L’Indonésie proclame son indépendance le 17 août 1945. Les Pays-Bas vont tenter de récupérer ce qu’ils considèrent toujours comme leur colonie. En 1947, le monde entre dans la Guerre froide. Dans un discours prononcé en 1948 et intitulé « Mendayung antara dua karang » (« Naviguer entre deux récifs »), le vice-président Mohammad Hatta expose les bases d’une diplomatie indonésienne qui doit être « bebas aktif », « indépendante et active. L’Union soviétique soutient la cause indonésienne aux Nations unies, et les Etats-Unis commencent à faire pression sur les Pays-Bas pour que ces derniers assouplissent leur position. L’Indonésie considère donc qu’elle n’a pas de raison de choisir son camp.

Sous la pression des Nations unies et des Etats-Unis, les Pays-Bas acceptent finalement de négocier avec la République d’Indonésie. La souveraineté sur le territoire des anciennes Indes néerlandaises est transférée aux Indonésiens en 1949, à l’exclusion de la Nouvelle-Guinée occidentale, dont le statut doit être réglée dans l’année qui suit.

L’Indonésie accueille en 1955 dans la ville de Bandung une conférence qu’elle organise conjointement avec la Birmanie, l’Inde, le Pakistan et le Sri Lanka, et à laquelle participent au total vingt-neuf pays d’Afrique et d’Asie. Un pays européen est pourtant représenté : la Yougoslavie. Les pays participants déclarent appartenir au « Tiers monde », une expression créée en 1952 par le démographe français Alfred Sauvy pour désigner l’ensemble des pays non-industrialisés qui se distinguent de l’Occident développé et du monde communiste, par référence au Tiers état de la Révolution française. Néanmoins deux pays communistes, la Chine et la Yougoslavie, et un pays industrialisé, le Japon, sont présents. A l’issue de la conférence, l’Indonésie apparaît comme susceptible de jouer un rôle sur la scène mondiale.

En 1961 à Belgrade, l’Egyptien Nasser, le Ghanéen Nkrumah, l’Indien Nehru, l’Indonésien Soekarno et le Yougoslave Tito fondent le Mouvement des non-alignés, qui entend défendre les intérêts des pays en voie de développement. On considère que le mouvement a son origine dans la conférence de Bandung. Mais en 1963, le Parti communiste indonésien (PKI) décide de s’aligner sur la Chine contre l’Union soviétique. Soekarno à son tour se rapproche de la Chine en 1964. Un an plus tard, Soekarno proclame la création d’un « axe Jakarta-Phnom Penh-Hanoi-Pékin-Pyongyang anti-impérialiste ». La répression du Mouvement du 30 Septembre met fin à cet alignement de l’Indonésie sur la Chine.

L’Indonésie ne s’aligne pas sur l’Occident pour autant. Au milieu des années 1980, Soeharto se lance dans une politique étrangère plus active. Il semble considérer que l’Indonésie est un leader du monde en voie de développement. Le pays accueille le 10ème sommet du mouvement en 1992, et en est le président de 1992 à 1995. Avec la fin de la Guerre froide, le mouvement met désormais l’accent sur les relations « Nord-Sud ». Sous Soeharto, l’Indonésie commémore le 40ème anniversaire de Bandung en 1995, puis le 50ème en 2005 sous la présidence de Susilo Bambang Yudhoyono et le 60ème en 2015 sous l’actuel président Joko Widodo.

L’Indonésie dans l’ASEAN : un rôle politique

Au sein de l’ASEAN, l’Indonésie est à l’origine de deux initiatives politiques importantes. En 1971, c’est l’adoption du principe d’une Zone for Peace, Freedom, and Neutrality (ZOPFAN) asiatique. En 1976, au premier sommet de l’ASEAN à Bali, les membres signent un Traité d’amitié et de coopération destiné à « promouvoir une paix perpétuelle, une amitié et une coopération éternelle entre [les] peuples » des pays signataires. L’importance de l’Indonésie dans l’association est aussi illustrée par le fait qu’elle co-préside avec la France la conférence de Paris sur le Cambodge en 1991.

La crise financière asiatique de 1997 va se traduire en Indonésie par une grave crise économique. La bourse de Jakarta et la rupiah dégringolent. Des « émeutes de la faim » éclatent un peu partout. Un mouvement de protestation gagne l’ensemble du pays. De violentes émeutes frappent Jakarta et amènent à la démission de Soeharto en mai 1998.

En 1999 se tiennent les premières élections parlementaires démocratiques depuis 1955. Le nouveau parlement élit comme président le respecté intellectuel musulman Abdurrahman Wahid et comme vice-présidente Megawati Soekarnoputri. Leur mandat est une période de réformes démocratiques et de stabilisation politique et économique. Grâce à un amendement de la constitution voté en 2002, l’élection présidentielle se fait désormais au suffrage direct.

Avec le président Susilo Bambang Yudhoyono élu en 2004, l’Indonésie renoue avec une diplomatie « bebas aktif ». En accord avec l’esprit de construction démocratique qui anime les gouvernements successifs depuis la démission de Soeharto, l’Indonésie propose en 2007 à l’ASEAN de créer un organisme pour les Droits de l’homme, et essuie une fin de non-recevoir. Elle parvient néanmoins à faire adopter en 2008 une charte de l’ASEAN qui inclut le respect des Droits de l’homme et des valeurs démocratiques, et en 2012 une ASEAN Declaration of Human Rights. Sur le plan politique, l’Indonésie semble de nouveau jouer un rôle moteur dans l’association.

L’Indonésie au sein de l’ASEAN : quelle place économique ?

L’Indonésie est la plus grande économie de l’ASEAN. Avec un PIB de près de 890 milliards de dollars en 2014, elle était au 16ème rang mondial. L’Indonésie est d’ailleurs le seul pays d’Asie du Sud-Est membre du G20. Mais en termes de PIB par habitant, avec un peu moins de 3 500 dollars en 2014, elle est en dessous de la moyenne de l’association (un peu plus de 4 000 dollars), derrière la Thaïlande (6 000 dollars), la Malaisie (11 300 dollars) et très loin derrière Singapour (56 000 dollars). L’Indonésie revient de loin : son PIB avait chuté de plus de 13% en 1998, conséquence de la crise financière asiatique de l’année précédente. Les deux mandats de Yudhoyono (2004-2009 et 2009-2014) ont en effet été marqués par le retour à une croissance soutenue qui repose principalement sur les exportations de matières premières et un marché intérieur caractérisé par des classes moyennes en plein essor.

La modestie relative de son économie n’empêche pas l’Indonésie d’être active dans ce domaine. A la suite de la signature d’un Agreement on ASEAN Preferential Trading Arrangements en 1977, dès le début des années 1980, elle prend l’initiative d’un élargissement de la couverture des postes concernés.

En 1992 au sommet de Singapour, les pays de l’ASEAN signent un accord pour la création d’une ASEAN Free Trade Area (AFTA). Mais l’Indonésie est consciente de ne pas jouer à armes égales avec les économies plus avancées de l’association. En novembre 2015, un haut fonctionnaire indonésien réaffirme l’opposition de son pays à l’idée des autres membres de transformer l’ASEAN en une union plus intégrée en 2025 en raison des différences économiques. Néanmoins quelques jours après, est signé un accord pour la création d’une ASEAN Economic Community (AEC).

Le 1er janvier 2015 a vu l’entrée en vigueur de l’ASEAN Single Aviation Market, également appelé « ASEAN Open Skies ». Cette politique doit permettre aux compagnies des pays membres de relier entre elles des destinations à l’intérieur de l’ASEAN dans le cadre d’un marché unique. En avril 2016, l’Indonésie a confirmé sa participation à l’ASEAN Open Skies mais en la limitant à cinq de ces principaux aéroports : Jakarta et Surabaya à Java, Denpasar à Bali, Medan à Sumatra et Makassar aux Célèbes. La prudence indonésienne se comprend : le trafic de Jakarta est certes le plus important de l’ASEAN, mais sa plus grande partie est constituée du marché intérieur. Le consultant en transport aérien britannique Skytrax a classé parmi les dix meilleures mondiales deux compagnies de l’ASEAN, Singapore Airlines 2ème et la compagnie nationale indonésienne Garuda 8ème : l’Indonésie n’est donc pas trop mal armée. Mais l’Open Skies illustre à l’extrême les raisons pour lesquelles une union plus intégrée sur le plan économique n’est guère attirante pour l’Indonésie : celle-ci a un important marché intérieur en plein essor alors que Singapour n’en a pas.

On peut généraliser la situation : l’Indonésie a le plus grand marché de l’ASEAN, mais ses industries ne sont pas les plus compétitives. L’Indonésie n’est pas un grand exportateur : elle exporte moins que Singapour, la Thaïlande et la Malaisie, alors que son PIB est supérieur. En plus, la part manufacturière de ses exportations est moindre que pour ses autres pays. Par ailleurs, son manque d’infrastructures et de ressources humaines lui font craindre de ne devenir qu’une consommatrice et importatrice, et de voir sa qualité de base de production disparaître. Dans un marché unique, l’Indonésie risquerait d’être cantonnée au rôle de producteur de matières premières, alors qu’elle mène une politique industrielle fondée sur une restriction croissante de ses exportations de matières premières et l’obligation d’investir dans des industries de transformation, le cas emblématique étant celui de l’industrie minière et l’investissement dans des fonderies.

Cela dit, les grands groupes industriels multinationaux semblent quant à eux voir de plus en plus l’Indonésie comme une base de production et d’exportation. Ainsi en 2012, L’Oréal a inauguré en Indonésie sa plus grande unité de production au monde, appelée à devenir le « centre de production pour l’Asie du Sud-Est ». En 2013, Toyota a inauguré une nouvelle usine qui porte sa capacité de production annuelle de 110 000 à 180 000 unités, destinée au marché intérieur et à l’exportation.

La mer de Chine du Sud

La question de la mer de Chine du Sud révèle des divisions au sein de l’ASEAN. En 1991, le ministre indonésien des Affaires étrangères Ali Alatas lançait une mise en garde du contre le fait que le différend des îles Spratleys ne devienne « la prochaine zone de conflit potentielle pour l’Asie du Sud-Est ». Deux ans plus tard, lors d’un séminaire en Indonésie autour de la question des Spratleys, la délégation chinoise présentait une carte illustrant ses « revendications historiques », qui incluaient une partie de la zone économique exclusive indonésienne. Avec le temps, les revendications chinoises sont devenues plus explicites. Ainsi en 2014, le ministère indonésien de la Défense indonésien annonçait que « la Chine [avait] revendiqué les eaux des Natuna comme étant ses eaux territoriales. Cette revendication arbitraire est liée aux différends existants sur les îles Spratleys et Paracels entre la Chine et les Philippines. » L’Indonésie ne semble pas se considérer solidaire d’un différend qui implique un autre membre de l’ASEAN.

Pourtant, malgré les protestations indonésiennes, telles la déclaration du chef des armées indonésiennes, le général Moeldoko, en 2014, la Chine semble devenir plus agressive. En mars 2016, un bateau du ministère indonésien de la Mer capture un bateau chinois qui pêchait illégalement dans la zone économique exclusive (ZEE) des Natuna, et le remorque à l’intérieur des eaux territoriales indonésiennes. Un garde-côtes chinois pénètre alors ces mêmes eaux territoriales et parvient à faire libérer le bateau de pêche, dont l’équipage a été amené à bord du bateau indonésien. Jakarta décide néanmoins de ne voir dans l’incident qu’une affaire de pêcherie et non de revendication territoriale chinoise. A peine deux mois plus tard, une frégate de la marine indonésienne capture un autre bateau chinois qui pêchait illégalement dans la ZEE des Natuna. Un garde-côte chinois présent s’approche du bâtiment indonésien et après un court dialogue, s’éloigne.

Deux autres membres de l’ASEAN, les Philippines et le Vietnam, qui revendiquent tous deux les Spratleys, des îlots en mer de Chine du Sud occupés unilatéralement par la Chine, envisagent d’organiser des patrouilles maritimes communes dans cette zone contestée. La Chine, de son côté, semble parvenir à créer une division au sein de l’ASEAN. Elle a ainsi réussi à formaliser un consensus avec Brunei (dont le territoire borde le sud de la mer de Chine du Sud), le Cambodge (dont les côtes ne donnent pas directement sur cette mer) et le Laos (qui n’a pas de façade maritime), selon lequel « les différends territoriaux sur certains îles, rochers et haut-fond en mer de Chine du Sud n’étaient pas un problème entre la Chine et l’Asean comme totalité« . L’Indonésie, de son côté, semble s’efforcer de nier l’impact des revendications chinoises sur son intégrité territoriale.

L’Indonésie entre ASEAN et ambitions internationales

Dans le domaine économique, on voit donc que l’Indonésie refuse une ASEAN plus intégrée qu’elle ne l’est actuellement. Sur le plan politique, ses initiatives reflètent un agenda où la démocratie et les droits de l’homme tiennent une place centrale.

L’Indonésie affiche par ailleurs sa fidélité au non-alignement : elle a célébré en grande pompe en 2015 le 60ème anniversaire de la conférence de Bandung. Cette volonté s’exprime concrètement dans le domaine de la Défense, déclarant en avril 2016 que des accords dans ce domaine avec la Russie et la Chine ne signifiaient pas un abandon de « ses alliés occidentaux ».

Consciente d’avoir le potentiel pour devenir la 7ème économie mondiale à l’horizon 2030, comme l’affirme un rapport de la firme McKinsey publié en 2012, l’Indonésie affirme désormais sa volonté de jouer un plus grand rôle dans les affaires mondiales. Le président Joko Widodo a été invité à l’Outreach Meeting du sommet du G7 au Japon en mai 2016. Il y a insisté sur la nécessité de résoudre les conflits internationaux de façon pacifique et sur la base du droit international. Il a également plaidé pour une implication des pays en voie de développement dans la formulation des politiques mondiales, en expliquant que les pays émergents effaçaient la dichotomie avec les pays développés. Pour l’heure, l’ASEAN ne semble pas être une priorité pour l’Indonésie.

Par Anda Djoehana Wiradikarta

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A propos de l'auteur
Anda Djoehana Wiradikarta est enseignant et chercheur en management interculturel au sein de l’équipe « Gestion et Société ». Depuis 2003, son terrain de recherche est l’Indonésie. Ingénieur de formation, il a auparavant travaillé 23 ans en entreprise, dont 6 ans expatrié par le groupe pétrolier français Total et 5 ans dans le groupe indonésien Medco.
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