Le mystère du Borobudur au coeur de la peinture de Sony Santosa
A Bali, au contraire, il fit la connaissance de nombreux artistes, dont quelques « gourous » qui l’éduquèrent à l’art. Notre ami se rendit surtout compte que l’art peut être un réel instrument de vie, et donc un moyen de la gagner. Ne sachant rien faire d’autre et n’ayant de toute façon pas trop le choix, Sony Santosa décida de s’immerger dans la peinture en apprenant d’abord les techniques de base. Sa vie, dit-il, se transforma alors en un véritable conte de fée, puisqu’il s’aperçut au fur et à mesure qu’il devenait capable de vivre de son art.
Certes, s’adapter à la vie et aux réglementations françaises fut difficile (comparée à la « liberté totale » qu’il avait à Bali), mais il y acquit l’esprit de « compétition » avec les autres artistes locaux, et notamment les plus célèbres d’entre eux. Il devint alors plus rigoureux dans son travail, jusqu’au jour où il éprouva le besoin de trouver un nouvel esprit, une nouvelle énergie.
Au décès de son épouse française, il décida de rentrer en Indonésie et choisit de s’installer près du sanctuaire de Borobudur, il y a une dizaine d’années. Après avoir vécu à Bali et à Nice, il lui fallait trouver un endroit empreint de « mystère » qui allait de nouveau « pimenter » sa vie.
A Borobudur, l’un des plus anciens témoins de la culture javanaise et indonésienne, il comprit qu’il avait l’opportunité d’explorer plus avant sa propre histoire artistique. Et puis le temple se trouve à quelques encablures de Yogyakarta, où une jeune et vive communauté artistique sévit, et par conséquent le stimule.
Au début, il peignait les autochtones qui vivent aux alentours de cette imposante « montagne » bouddhiste, et ce n’est que progressivement qu’il s’intéressa aux reliefs du temple lui-même. L’intérêt de cette étude et de ces reproductions est de mettre en exergue l’inamovibilité du comportement et des émotions de l’Homme au cours des siècles. Seuls les tenues vestimentaires évoluent, c’est-à-dire le superflu.
Dans sa propriété, située à une dizaine de minutes du sanctuaire, il a construit une dizaine de bungalows qui accueillent régulièrement des touristes de passage, et qui « achètent » son indépendance. Il expose en permanence ses œuvres dans sa grande galerie, et Sony a donc à présent la possibilité de se concentrer sur ce qui l’intéresse le plus au monde : la peinture et l’art !
On l’a compris, notre ami est un farouche partisan de l’art pour l’art, où la politique n’a pas sa place. Mais l’artiste, responsable de ses actes, doit avoir la liberté d’interpréter chaque objet, être ou paysage comme bon lui semble. Pour vivre, il lui faut certes vendre ses œuvres, mais d’une manière « humaine », m’explique-t-il : cela signifie qu’il n’oblige personne à les acheter.
En Indonésie, il y a certes une grande concurrence (de plus en plus de jeunes rêvent d’une vie d’artiste), mais pour Sony, le talent ne suffit pas. Il faut surtout une solide mentalité qui permette de durer et de proposer un travail « unique », qui correspond à une unique personnalité. C’est la raison pour laquelle Sony estime que nombreux sont ceux qui tombent facilement dans le piège de « l’art-business ». Un vrai artiste se donne entièrement à son art, corps et âme ! Réaliste, il admet en outre que certains jeunes artistes n’ont tout simplement pas encore trouvé leur voie.
Il est bien connu qu’en Asie, et surtout en Indonésie, la force mentale provient de l’esprit de communauté et d’entre-aide. Curieusement, Sony Santosa ne fait partie d’aucune d’entre elles, mais il aime à dire que sa propriété est ouverte à tous et à tout échange artistique voire intellectuel. Sony est de toute façon un vrai « rebelle », et se sent plus libre et plus « individu » en dehors de tous regroupements, quels qu’ils soient. Il respecte simplement la liberté de chacun d’apprécier (ou non) son travail.
Lorsqu’il peint, Sony tente à chaque fois d’atteindre l’excellence, non seulement pour attirer l’œil des amateurs d’art, mais également par rigueur personnelle (qu’il a donc acquise pendant sa « période niçoise »). Lorsqu’il peint, Sony tente également de raconter une histoire, et il a appris, au fil du temps, à ne pas trop se poser de questions. Jeune, il voulait être le meilleur, mais la vie lui a suggéré que le plus important était finalement de s’inscrire dans la durée et de surtout rendre sa famille heureuse.
Le but de son travail est évidemment de provoquer des émotions, de faire rêver, d’apporter un certain espoir. C’est ce qui le rend heureux, d’autant plus qu’il a gagné en stabilité et en équilibre de vie, quel que soit, d’ailleurs, le succès de son œuvre. Borobudur lui a apporté, d’une certaine façon, la sérénité, la sagesse. L’humain est certes plus fort que l’art (sa priorité reste la protection de sa famille), mais le mystère de Borobudur a définitivement transformé l’homme avec lequel je viens de passer une heure à discuter : un apôtre « zen » d’une vie où les sens prennent tout le leur !
Quelle leçon !
Pour approfondir
Retrouvez Sony Santosa sur les réseaux sociaux ici et là.
Références (en anglais et en indonésien) : le site du Borobudur Art space.
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