Cambodge : la splendeur perdue du temple de Preah Khan
A la fin des années 1990, le pillage était devenu incontrôlable. Pourtant, dans les villages alentours, personne n’a oublié qu’avant cette période sombre, Preah Khan abritait un véritable trésor. Les villageois du coin parlent encore de ces anneaux et bracelets en or découverts à quelques centimètres seulement de profondeur dans la terre, à Roanakse, dans le district de Sangkum Thmei…
Une taille et une situation exceptionnelles
Cet ensemble doit beaucoup de sa renaissance aux yeux du monde à cet archéologue canadien, aujourd’hui professeur assistant à l’université de l’Illinois à Chicago. En 2007, lors de sa première visite sur le site envahi de végétation, il est aussitôt fasciné. C’est lui qui, l’un des premiers, attira l’attention de ses confrères cambodgiens et étrangers sur ces monceaux de pierres étranglés de racines.
Sa thèse de doctorat, à l’époque, porte sur le réseau routier angkorien. Et notamment, la route de 100 kilomètres reliant Preah Khan à Angkor, la capitale de l’empire, aujourd’hui située dans la province de Siem Reap. « Des ‘temples étapes’, explique-t-il, furent édifiés d’un côté de la voie par le roi Suryavarman II au début du XIIème siècle, et de l’autre par Jayavarman VII aux XIIème et XIIIème siècles. »
Cette concentration exceptionnelle de temples retient l’attention de Hendrikson. « Aucune autre route angkorienne n’a suscité un tel intérêt, explique-t-il faisant aussitôt le lien avec Phnom Dek (littéralement la « montagne de fer », NDLR), à 27 kilomètres de là, zone parmi les plus riches en minerai de fer du Cambodge.
« L’essor de l’Empire khmer est étroitement lié à la production et au commerce du fer. » Pour bâtir de tels temples, ajoute Mitch Hendrikson, « il faut du fer, que ce soit pour les renforts métalliques entre les pierres, pour les outils agricoles ou de construction ou pour l’armement nécessaire à l’affirmation de la puissance d’un empire en pleine expansion. »
La haute technologie appliquée aux fouilles
En mars dernier, trois chercheurs du LAPA sont donc partis en mission de terrain à Phnom Dek et au Preah Khan avec Mitch Hendrickson, Phon Kaseka de l’Académie royale du Cambodge et une équipe archéologique du ministère de la Culture. « Au cours des dix jours qu’a duré son séjour, l’équipe a réalisé près de 900 analyses préliminaires sur autant d’échantillons, » explique Stéphanie Leroy, également archéo-métallurgiste.
Parmi les multiples points étudiés, les chercheurs se sont penchés sur l’origine des renforts métalliques utilisés dans les temples d’Angkor afin de déterminer s’ils provenaient de fer fondu à Phnom Dek ou s’ils avaient été été façonnés ultérieurement au Preah Khan. Les analyses physico-chimiques en cours ont déjà permis de montrer que le fer trouvé au Preah Khan est en fait de l’acier, un matériau d’une très grande qualité.
« C’est la première fois que ces nouvelles technologies, développées pour l’étude des monuments millénaires en Europe, sont utilisées de manière aussi intensive en Asie. » souligne Hendrikson.
Les multiples mystères du site
Sans oublier un autre mystère : des traces de pigments colorés trouvés sur les pierres laissent à penser qu’autrefois les bâtiments étaient couverts de peintures, voire de feuilles de métal.
« Le site est d’une richesse inouïe. Quand vous déterminez une zone de fouille, que vous dégagez deux ou trois tranchées de quelques mètres carrés et creusez sur un mètre de profondeur, vous trouvez des pièces de monnaie chinoises ! C’est incroyable ! » s’exclame Christian Fischer.
Un nouveau danger
Les perspectives d’avenir du temple demeurent toutefois prometteuses : en lice pour être classé au Patrimoine mondial par l’Unesco, le Preah Khan de Kompong Svay est aujourd’hui devenu une priorité pour le ministère cambodgien de la Culture et des Beaux-arts. Quant à Mitch Hendrikson, il espère que les étudiants en archéologie de l’université royale des Beaux-arts choisiront Preah Khan pour leur thèse et qu’ainsi il deviendra un terrain d’études pour les étudiants cambodgiens et étrangers. « Il y a encore tellement d’endroits à fouiller » s’exclame l’archéologue qui compte cette année faire appel à une technologie de télédétection par laser, le « Lidar » pour identifier les terrains qui n’ont jamais été pillés auparavant. Pour conclure avec enthousiasme : « L’étude de Preah Khan est une belle occasion de former la génération future. »
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