De retour du Tibet : comprendre les dernières élections
Ainsi, dans le cadre de la résolution adoptée par le parlement européen du 16 décembre 2015 sur les relations bilatérales entre l’Union européenne et la Chine, les parlementaires ont exprimé leurs vives inquiétudes face aux répressions et restrictions dont font l’objet les populations des minorités tibétaines et ouïghours. Ils notent par ailleurs qu’ « une forte contradiction existe entre les aspirations officielles chinoises sur l’universalité des droits de l’homme et la dépréciation de la situation des droits de l’homme et des liberté en Chine depuis 2013 ». La commission condamne par ailleurs les mesures du gouvernement chinois à l’encontre de la pratique du bouddhisme tibétain assimilé à de la « dissidence politique ». Bruxelles rappelle que moines et nonnes constituent près de 44% des prisonniers politiques au Tibet et que la détention d’une image du 14ème Dalaï-lama est interdite. Ces données et observations ont été très récemment corroborées par une étude publiée le 13 avril sur les droits de l’homme en Chine, issue du rapport annuel du Département d’Etat américain.
Contexte
Dharamsala est une petite ville de montagne en Inde, située à 1 457m d’altitude et à quelques centaines de kilomètres de New Delhi. Elle est le domicile officiel du gouvernement tibétain en exil depuis 1959, date à laquelle le 14ème Dalaï-lama a fui le Tibet lors d’un soulèvement particulièrement violent des Tibétains contre les militaires chinois.
Le 14ème Dalaï-lama, comme chef politique (fonction qu’il a occupé jusqu’en 2012) a très vite prôné la « Voie médiane ». Il s’agit d’une « troisième » voie invitant au dialogue avec la Chine, demandant à cette dernière de respecter les particularismes culturels, religieux et sociaux tibétains, sans pour autant exiger une indépendance politique de cette province chinoise.
Cette vision a été acceptée par une grande majorité de Tibétains ainsi que par la communauté internationale, comme le souligne le Quai d’Orsay : « La France considère que le dialogue entre les autorités chinoises et le Dalaï-lama est la voie pour parvenir à une solution durable, respectant pleinement l’identité culturelle et spirituelle tibétaine, dans le cadre de la République populaire de Chine ». Un certain nombre de dissidents tibétains réclament cependant une indépendance vis-à-vis de la Chine, position également défendue par beaucoup de sympathisants, associations, militants de la cause tibétaine et tibétains expatriés.
André Gattolin, proche de la cause tibétaine et partisan du dialogue avec la Chine, revient sur cette situation politique exceptionnelle et unique, où un peuple apatride participe à un processus démocratique et à un gouvernement sans Etat.
Ces élections sont à la fois très importantes et très récentes pour le peuple tibétain en exil. Les députés sont classés selon plusieurs appartenances : selon leur région d’origine au Tibet, s’ils sont religieux ou non, et selon leur pays d’adoption. Or il existe encore une survivance du système politique religieux du Tibet où, par exemple, les moines ont le droit de voter deux fois… 90 000 personnes étaient inscrites, on a compté une participation de 53%, sachant que le gouvernement a instauré le principe de « greenbook » conférant le pouvoir de vote à son détenteur. L’une des questions actuelles est d’étendre ou non ce sésame à toutes les personnes d’origine tibétaine et sur quelles modalités.
Le 14ème Dalaï-lama a, depuis plusieurs années maintenant, entrepris une mission de transmission très importante. Il veut travailler les concepts au-delà des prises de positions religieuses ou politiques. Il donne son aide dans l’évolution des interprétations et souhaite repenser le bouddhisme dans ses différents contextes actuels. C’est pourquoi il évoque l’idée d’état de conscience planétaire et non plus individuelle. Il continue aussi de jouer un rôle clé en terme de visibilité grâce à sa personnalité hors du commun. La pensée tibétaine se survit à elle-même, mais qui l’incarnera aux yeux du monde ?
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