Conflits territoriaux : quoi de neuf en mers de Chine ?

Visites guidées, plate-formes pétrolières ambulantes et pêcheurs chinois
Le président taïwanais organise des visites dans les Spratleys
Le président Ma a profité d’une conférence de presse, le jour de la visite, pour lancer une invitation similaire aux juges de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye, ainsi qu’aux avocats des Philippines, pays à l’origine d’une procédure d’arbitrage en cours de traitement, qui vise les actions de Pékin en mer de Chine méridionale. En janvier dernier, Ma s’était lui-même rendu sur Itu Aba, pour démontrer qu’Itu Aba est bien une île, au sens où l’entend la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), histoire de réaffirmer la souveraineté de Taipei sur place et dans les eaux environnantes. Mais Hanoi goûte très peu à toutes ces initiatives. Jeudi 24 mars, le porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères, Le Hai Binh, a dénoncé une violation grave de son intégrité territoriale.
Le point avec le site officiel Taiwan Info et la réaction vietnamienne sur le site Tuoi Tre News.
Chine-Vietnam: le retour de la plate-forme HYSY 981
Pour rappel, le Vietnam du Sud a essuyé, dans les Paracels, une cinglante défaite face à Pékin en 1974. Cette bataille meurtrière s’était soldée par une prise de contrôle durable, par la Chine populaire, de cet archipel autrefois entre les mains des Français, puis des Japonais ou encore de la Chine nationaliste. Les Vietnamiens sont convaincus que les Paracels leur reviennent historiquement, grâce aux édits son ancien empire. Mais à l’heure actuelle, ces îles abritent de facto une administration chinoise, Sansha, chargée de contrôler les territoires chinois plus au Sud. A Pékin, Hong Lei, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, estime d’ailleurs, en guise de réponse à la demande vietnamienne, que la plate-forme pétrolière prospecte dans des eaux relevant, de manière « incontestée », de la juridiction chinoise.
Le site The Diplomat revient sur le cas de la plateforme pétrolière chinoise.
Un bateau de pêche chinois saisi par les Vietnamiens
Néanmoins ce cas vient rejoindre les nombreux contentieux similaires, relatifs à la pêche des Chinois dans les eaux méridionales, cet espace riche en poisson et autres ressources halieutiques, où les revendications territoriales de Pékin s’entre-choquent en permanence avec celles des pays alentours, et où les pêcheurs dépassent parfois allègrement la ligne rouge. A l’heure actuelle, des pêcheurs chinois restent par exemple détenus aux Philippines, pour des faits similaires survenus en mer de Sulu. Dans la plupart des cas, la Chine proteste énergiquement, mettant en avant sa souveraineté indiscutable dans les zones de pêche où se font attraper ses ouailles. Cette fois-ci, Pékin ne semblait cependant pas pressé de réagir juste après les faits.
Le site du Guardian vous dit tout.
La déferlante des pêcheurs chinois inquiète Kuala Lumpur
Mais plus à l’Est, non loin des Spratleys, la Malaisie semble elle aussi s’inquiéter. Après avoir accusé Pékin puis rétracté ses propres dires, les autorités maritimes du pays ont finalement réaffirmé qu’à la fin du mois dernier, le 24 mars exactement, un nombre significatif de bateaux de pêche chinois auraient (encore une fois) navigué dans leur Zone économique exclusive revendiqué, au nord des côtes malaisiennes. Après la première alerte lancée par Kuala Lumpur dans la foulée des faits constatés, la Chine avait fait savoir qu’elle ne « comprenait pas les détails » des revendications de la Malaisie. Hong Lei, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, avait déclaré, de manière assez classique, qu’il s’agissait d’une « saison de pêche normale » pour les Chinois.
Retour sur l’affaire avec le site malaisien The Strait Times.
Phares contre radars
Les Japonais déballent leurs radars en mer de Chine de l’Est
L’archipel est au cœur d’un sérieux différend territorial entre les deux pays, et où la République populaire de Chine a décrété unilatéralement une Zone d’identification de la défense aérienne (Zida) en 2013. Daigo Shiomitsu, gradé de l’armée de terre japonaise, commande désormais la nouvelle base militaire sur Yonagun. Il parle d’observation côtière, mais menace : « Cela signifie que nous pouvons garder un œil sur les territoires entourant le Japon, et répondre à toutes les situations. » Le ministère chinois de la Défense a rétorqué que « les îles Diaoyu sont une partie inhérente du territoire de la Chine », et dénoncé une nouvelle « provocation du Japon ».
Pékin inaugure son nouveau phare au cœur des Spratleys
Avec Fiery Cross ou encore Mischief, l’île artificielle de Subi, dans le nord des Spratleys, est au cœur du dispositif chinois élaboré pour cet archipel, qui inclut au moins sept îlots pour l’instant. Le « polder » de Subi abrite, entre autres installations stratégiques et donc potentiellement militaires, une piste d’atterrissage. A noter que l’an dernier, il avait été annoncé que Pékin entendait construire deux grands phares dans les environs, sur Johnson South, récif à proximité duquel a eu lieu une bataille meurtrière entre la Chine et le Vietnam en 1988, mais aussi sur Cuarteron, qui a défrayé récemment la chronique, l’îlot étant suspecté d’abriter un radar haute fréquence.
Ressentiment chinois, Américains à la manoeuvre et sous-marins japonais
Au G7, pour la Chine, c’est tout vu : le Japon mène la danse
Tokyo aurait cherché à obtenir de ses partenaires une telle déclaration et ainsi « donner au Cabinet nippon une justification à ses nouvelles loi de sécurité ». Par ailleurs, les Chinois ressentiraient désagréablement une forme de pression, visant à les pousser à reconnaître la compétence de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, dont on attend les conclusions dans les conflits territoriaux opposant Manille à Pékin depuis des années en mer de Chine. Jusqu’ici, la République populaire de Chine a prévu de rejeter ces conclusions, qui seront pourtant motivées par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), dont Pékin est signataire.
Lire la dépêche d’Asialyst, et les points sur la situation par Bloomberg et par la BBC.
Obama et Xi discutent, peu avant le lancement de Balikatan
A noter que selon les médias américains, Barack Obama aurait demandé aux cadres militaires américains de s’en tenir au silence radio sur les conflits territoriaux des mers de Chine, pour ne pas polluer la rencontre. Un rappel à l’ordre qui ciblait principalement l’amiral Harry Harris, chef du Commandement américain dans le Pacifique, monté au créneau pour réclamer une « approche plus robuste vis-à-vis de la Chine », et notamment des patrouilles plus affirmées dans les zones contestées pour défendre la liberté de navigation.
D’après le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, la rencontre au sommet a d’ailleurs contribué à « calmer les tensions », car la délégation américaine se serait engagée à « ne pas prendre parti ». Voeu pieux, voire message subliminal, puisqu’à peine quatre jours plus tard, le 4 avril, ont démarré les plus importants exercices militaires annuels conjoints « Balikatan » jamais organisés sur les rives des Philippines, avec des troupes américaines, australiennes et philippines, alors que le Japon s’est joint à la fête en envoyant un sous-marin dans la baie de Subic, arrivé la veille du démarrage de ces exercices.
Lire les articles du South China Morning Post ici et là; et l’affaire du silence radio sur le site du Washington Post.
Les forces japonaises en goguette en mer de Chine méridionale
C’est d’autant plus vrai que des exercices étaient également prévus dans la foulée dans la baie de Cam Rhan, au large du Vietnam, une première historique pour les Nippons. Et ces derniers avaient également des échanges militaires programmées en Australie de manière concomitante. Mais loin de prétendre restaurer son passé impérial, qui a d’ailleurs laissé un mauvais souvenir à la fois en Chine, au Vietnam et aux Philippines, le Japon assure vouloir apporter son aide à plusieurs puissances régionales, notamment pour la surveillance du trafic maritime autour des endroits les plus disputés de cette mer, alors que les inquiétudes de voir la Chine gagner du terrain dans l’archipel des îles Spratleys agitent les puissances environnantes. Les Japonais semblent en tout cas accueillis les bras ouverts.
Lire l’article d’Asialyst sur le retour « sous-marin » du Japon et un topo australien sur le rapprochement philippino-japonais par le Huffigton Post.
Ashton Carter annonce que les patrouilles ont déjà commencé
Au total, environ 7 000 soldats américains, philippins et australiens ont participé à Balikatan, tandis que d’autres, dont les Japonais, auraient « observé » selon CNN. Mais Tokyo aurait témoigné de son envie de participer plus activement aux prochains exercices. Jeudi 14 avril, Ashton Carter a par ailleurs annoncé que les Etats-Unis avaient commencé dès le mois de mars des patrouilles navales communes avec les Philippins dans la zone de toutes les rivalités, mais aussi que Washington laisserait aux Philippines, jusqu’à fin avril, quelque 275 militaires, dont des forces spéciales, et des avions d’attaque au sol A-10.
« En ces temps de changements dans cette région dynamique, et de transitions démocratiques aux Philippines et aux Etats-Unis, nous continuerons de nous tenir épaule contre épaule », a déclaré vendredi Ashton Carter dans son discours à Manille. Nous continuerons de défendre notre sécurité et nos libertés, celles de nos amis et alliés. » Le secrétaire américain à la Défense avait préalablement annoncé un rapprochement avec l’Inde. Les Chinois apprécieront sa visite en Asie.
Lire le point du New York Times sur les manœuvres d’Ashton Carter, de CNN et l’article de CNN Philippines sur la fin des exercices.
Pékin-Manille : intentions chinoises et lucidité philipine
Les Chinois ont-ils l’intention de « poldériser » l’atoll de Scarborough ?
« Les détails d’un plan de militarisation pour les hauts-fonds de Scarborough ont été obtenus par les agences américaines de renseignement au cours des derniers mois, selon des officiels américains de la Défense. Ces plans ont été confirmés le mois dernier lorsqu’un site Internet dédié aux amateurs de l’armée chinoise a publié un plan détaillé de dragage pour Scarborough, incluant une piste d’atterrissage, des systèmes d’alimentation électrique, des résidences et un port susceptible d’accueillir des navires de guerre. » Le tout accompagné d’un plan visuel particulièrement minutieux.
Si la réalité rejoignait l’assertion, le conflit larvé serait encore plus aigu entre Manille et Pékin au sujet des Spratleys et de cet atoll Scarborough, situé en pleine Zone économique exclusive revendiquée par les Philippines, et pris de force par la Chine en 2012. Car les forces chinoises se retrouveraient nez à nez avec celles des Etats-Unis, qui prévoient un renforcement significatif de leur présence aux Philippines, à quelques encablures de Scarborough. Cela démontrerait aussi que face à la stratégie du fait accompli, le droit international ne pèse pas lourd, puisque c’est l’occupation de cet atoll qui a poussé Manille à solliciter, en 2013, la compétence de la justice internationale.
Les Philippins veulent-ils aussi des sous-marins ?
« Nous avons dû accélérer la modernisation de nos forces armées pour des impératifs d’autodéfense, a déclaré Benigno Aquino fin mars. Nous sommes un point de transit naturel vers le Pacifique et nous étudions la question de savoir si nous avons besoin d’une force de sous-marins. » Lucide, le président philippine relativise neéanmoins : « Nous n’avons aucune illusion quant à notre capacité à égaler les autres, et aucune volonté de nous engager dans une course aux armements contre quiconque. [Mais] les incertitudes génèrent l’instabilité, qui ne favorise pas la prospérité. »
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