"Femmes de réconfort" : accord "inacceptable" pour les catholiques engagés en Corée du Sud
Pour Mgr Lazzaro You Heong-sik, évêque de Daejeon (Taejon) et président de la Commission « Justice et Paix » de la Conférence des évêques catholiques de Corée du Sud, l’accord sur les « femmes de réconfort » « n’a pas été conclu en fonction des intérêts des victimes, mais seulement pour répondre aux besoins des gouvernements concernés ».
Interrogé par des médias le 1er janvier dernier, après avoir rendu visite à des anciennes victimes dans une maison d’accueil créée spécialement pour elles dans la banlieue de Séoul, Mgr You a précisé : « Si cet accord avait été conclu au nom des droits de l’homme pour réhabiliter l’honneur et la réputation de ces femmes brisées, aujourd’hui, elles seraient heureuses et soulagées, mais ce n’est pas le cas. Elles sont affligées et bouleversées. » L’Eglise catholique en Corée du Sud est engagée depuis des années dans un travail de réconciliation et de pardon réciproques avec l’Eglise catholique du Japon.
Dans une déclaration du 29 décembre 2015, le Conseil coréen pour les femmes enrôlées comme esclaves sexuelles par l’armée japonaise a fait savoir qu’en attribuant au gouvernement sud-coréen la propriété et la gestion de la fondation chargée de recevoir les fonds de compensation pour les victimes sud-coréennes, le gouvernement japonais s’exonérait de facto de ses propres responsabilités. Pour l’association, « l’attitude floue et incomplète du gouvernement sud-coréen dans cet accord est très choquante ».
D’autres associations critiquent le faible montant des compensations prévues, le budget de compensations financières ne prenant pas en compte les familles des « femmes de réconfort » aujourd’hui décédées. A ce jour, 46 « femmes du réconfort » sont encore en vie en Corée du Sud et leur âge moyen a dépassé les 89 ans.
« Moi qui travaille auprès de ces femmes, s’indigne Theresa Kim Sun-shil, je peux dire que cet accord est désastreux. Nous avions clairement dit et répété qu’il était essentiel pour les victimes que le Japon reconnaisse comme un crime de guerre son implication systématique dans l’esclavage sexuel des femmes coréennes, qu’il devait adresser une demande de pardon officiel et assumer ses responsabilités juridiques. »
C’est, en effet, lors d’un simple entretien téléphonique avec la présidente sud-coréenne Park Geun-hye, et non à l’occasion d’une déclaration officielle que le Premier ministre japonais Abe Shinzo avait présenté « ses excuses et ses remords sincères », le 28 décembre dernier. « Le chef de la diplomatie japonaise a lui-même précisé, dans une réunion séparée, que l’aide d’un milliard de yens attribuée à la Corée du Sud, ne devait pas être interprétée comme une compensation judiciaire », a souligné la co-présidente de la principale association des survivantes.
Si cet accord ne satisfait aucunement les victimes coréennes, il marque, pour le Premier ministre japonais, l’entrée des deux pays « dans une nouvelle ère ». Pour Séoul, le dossier des « femmes de réconfort » « était le principal obstacle à l’amélioration de ses relations avec le Japon » ; Park Geun-hye avait en effet rappelé l’importance du règlement de ce dossier lors du sommet du 2 novembre 2015 avec Abe Shinzo, première rencontre entre les deux dirigeants depuis leur prise de fonction. La présidente sud-coréenne avait clairement établi qu’elle souhaitait qu’une solution soit trouvée avant la fin de l’année, année du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays, et 70e anniversaire de la fin de la colonisation de la péninsule coréenne par le Japon.
Pour être définitif, le texte de l’accord devra encore être soumis aux deux gouvernements respectifs, ce qui ne sera pas facile compte tenu des élections à venir en 2016 : élections législatives en Corée du Sud et élections sénatoriales au Japon.
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