Revue de presse Asie - 24 novembre 2015

Censure chinoise de l’Histoire, inquiétudes thaïlandaises sur Daech et débat indien sur l’intolérance

Sur la télévision d’Etat chinoise CCTV, le visage de l’ancien Secrétaire général du PCC Zhao Ziyang a disparu de la Une d’un Quotidien du Peuple de 1982. Copie écran du South China Morning Post, le 24 novembre 2015.

Asie du Nord-Est

En Chine, l’amnésie officielle continue sur l’héritage de Hu Yaobang, dont la mort inspira Tian’anmen

South China Morning Post – Dans 1984, c’était le rôle de Winston Smith au ministère de la Vérité. Dans le cadre du 100e anniversaire de la naissance de Hu Yaobang, ancien Secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), la télévision d’Etat CCTV a diffusé des images retouchées de la Une d’un numéro du Quotidien du Peuple de 1982. La photo de Zhao Ziyang, alors Premier ministre et successeur de Hu Yaobang au poste de Secrétaire général en 1987, a été remplacée par celle d’un membre moins gradé du Parti – Li Xiannian. En cause : la volonté de contrôler l’héritage de Hu Yaobang, considéré comme réformateur (et démis de ces fonctions à ce titre en 1987). D’après les analystes, le culte de Hu est entretenu par Pékin car sa bonne image auprès de l’opinion publique pourrait profiter au gouvernement actuel. Mais ce culte doit également faire oublier la période historique à laquelle Hu est associée : son décès en 1989 et le refus de lui organiser des obsèques nationales ont déclenché une série de protestations qui ont abouti aux manifestations pro-démocratiques de Tian’anmen. Et à cette époque, Zhao Ziyang a cherché la conciliation entre le gouvernement et les manifestants, en tant que leader de l’aile réformatrice du parti. C’est donc parce qu’il souhaite toujours faire oublier le moindre souvenir de Tian’anmen que le PCC veut rayer Zhao de l’Histoire.

Taïwan : négociations infructueuses entre Pékin et Taipei

United Daily News (en chinois) – Le week-end dernier à Taipei se tenait la douzième session de négociations entre les gouvernements chinois et taïwanais à propos
de l’Accord sur le commerce des marchandises. Achevées lundi soir, ces négociations ont seulement permis de déboucher sur un consensus portant notamment sur les procédures de passage en douane et la réduction de leur durée à 48h, ainsi que sur d’autres dossiers techniques. Taipei souhaite par ailleurs élargir la liste des produits qui pourront bénéficier d’une exemption des droits et taxes, ce à quoi Pékin n’a pas encore accédé. Les négociations se poursuivront en décembre, a annoncé Taipei qui espère faire avancer les discussions de manière définitive. Pendant les discussions, plusieurs dizaines de manifestants s’étaient réunis pour dénoncer les termes de l’accord, les qualifiant de cadeaux pour les élites.

Japon : premier lancement d’un satellite commercial

Yomiuri Shimbun English – Le Japon se félicite de son premier lancement d’un satellite commercial, effectué ce mardi 24 novembre. La fusée H2A n°29 de l’entreprise Mitsubishi Heavy Industries (MHI) a décollé depuis la base de Tanegashima (au sud de l’île de Kyushu) pour mettre sur orbite un satellite canadien de télécommunications, Telestar 12V. L’Agence nipponne d’Exploration Aérospatiale (JAXA) espère que ce succès incitera d’autres pays à solliciter le Japon pour lancer leurs satellites commerciaux.

Asie du Sud-Est

Mer de Chine du Sud : la Chine veut séduire la Malaisie

South China Morning Post – L’économie reste le principal levier d’action de la Chine pour faire accepter sa vision et étendre son influence. Dernière démonstration en date : l’avantageuse proposition financière faite à la Malaisie par le Premier ministre chinois Li Keqiang. Alors que le gouvernement de Kuala Lumpur est dans la tourmente (soupçons de corruption, monnaie nationale au plus bas, piètres résultats économiques), Pékin lui propose le rachat de bons du trésor, un quota de 50 milliards de yuans pour investir dans le marché chinois des capitaux et la construction d’infrastructures à prix réduit. Objectif : calmer les ardeurs du gouvernement malaisien, de plus en plus critique sur les actions chinoises en mer de Chine du Sud.
Sur ce même dossier, le Wall Street Journal rappelle avec ironie le discours contradictoire de Pékin durant le sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur. Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Liu Zhenmin a d’abord déclaré : « Construire et maintenir des installations militaires est nécessaire à la défense nationale de la Chine et à la protection de ses îles et de ses récifs. » Puis il a pris l’exact contrepieds de ce qu’il venait de dire : « On ne devrait jamais lier de telles installations militaires avec des efforts pour militariser les îles et les récifs. Telle est la position constante du gouvernement chinois, qui s’oppose fermement à la militarisation de la mer de Chine du Sud. » Compris ?

Indonésie : procès contre le maire de Bogor pour son interdiction d’une fête chiite

Jakarta Globe – Des nouvelles de la “ville la plus intolérante d’Indonésie” – plutôt bonnes, cette fois-ci. Plusieurs organisations de la société civile ont décidé de porter plainte contre le maire de Bogor après sa décision prise le mois dernier d’interdire les célébrations publiques pour la fête de l’Achoura, extrêmement importante pour les chiites. Mais le Jakarta Globe reste sceptique : comment espérer que ce procès ébranle le maire d’une ville qui ignore le jugement de la Cour suprême indonésienne ? Cette dernière lui a imposé à deux reprises de rouvrir une église qu’il a lui-même fermée dans sa ville, sans succès. Et le week-end dernier, Bogor a accueilli un rassemblement pour la formation d’une alliance anti-chiite (voir notre revue de presse du 23 novembre).

Thaïlande : la junte relève le niveau d’alerte sécuritaire face aux « activités de Daech en Malaisie »

Bangkok Post – Parce que son voisin malais constitue l’un des terreaux asiatiques du groupe Etat islamique, la Thaïlande a décidé de renforcer son attirail sécuritaire. Le ministère de la Défense, qui s’est exprimé en faveur de l’échange international de données sur le terrorisme, incite les citoyens à collaborer avec les forces de sécurité, notamment en « portant attention aux personnes dotées d’intentions malveillantes ». Un nouveau moyen pour faire accepter à la junte militaire son contrôle renforcé sur la population.

Thaïlande : le scandale du parc historique toujours plus embarrassant pour la junte

Bangkok Post – Le scandale concernant le parc historique Rajabhakti géré par les militaires dans le sud de la Thaïlande ne cesse de s’amplifier. Bien qu’une « enquête interne » de l’armée a conclu qu’il n’y avait « aucune corruption » impliquant les militaires, les Thaïlandais se posent de plus en plus de questions et les média enquêtent, indique Atiya Achakulwisut dans le Bangkok Post. La journaliste n’hésite pas à parler de « blanchiment d’argent », dans le cadre d’une affaire qui commence à devenir un embarras majeur pour la junte au pouvoir.

Asie du Sud

Inde : quitter le pays à cause de l’intolérance croissante ?

Firstpost.com – Les tensions interreligieuses en Inde provoquent le débat au sein du star system. L’acteur Aamir Khan, de confession musulmane, a ainsi annoncé qu’il envisageait, avec sa femme et ses enfants, de quitter le pays où règne un climat d’intolérance croissante. Sur Twitter, les réactions ne se sont pas faites attendre. Et parmi elles, celles d’anciens collègues qui ont mis Aamir Khan à l’écran ou avec qui ils ont partagé l’affiche. Le réalisateur Ram Gopal Varma twitte : « Certaines célébrités se plaignant de l’intolérance devraient être les dernières à se plaindre car elles sont devenues célèbres dans ce pays soi-disant intolérant. »
Le BJP, parti au pouvoir, a même réagi aux propos d’Aamir Khan en rappelant « qu’aucun acte isolé ne devrait définir l’Inde à lui seul » et met en avant la possibilité d’un exil motivé pour des raisons financières… L’acteur peut néanmoins trouver du soutien de l’autre côté de l’échiquier politique via le vice-président du Parti du Congrès, Rahul Gandhi : eAu lieu de qualifier de non-patriotes, anti-nationales ou intéressées les personnes remettant en question Modi et son gouvernement, ces derniers devraient plutôt tendre la main à ces personnes pour comprendre ce qui les dérange. C’est comme ça que l’on règle les problèmes en Inde – pas en maltraitant, en menaçant ou en malmenant !e

Pakistan : Amnesty proteste contre l’exécution d’un paraplégique condamné pour meurtre

Dawn – Amnesty International dénonce une escalade de l’horreur au Pakistan. Selon l’ONG, le pays doit effectuer demain sa 300ème exécution depuis la réinstauration de la peine de mort fin 2014 suite à l’attaque d’une école de Peshawar par un groupe taliban – ce qui le place parmi les régimes où les exécutions sont les plus nombreuses. Pire : c’est un homme paraplégique, accusé de meurtre, qui doit être pendu. Pour Amnesty International, en plus de représenter une flagrante violation des droits de l’homme, ce rythme d’une exécution par jour entretenu par Islamabad n’a absolument pas affaibli la menace terroriste.
Par Joris Zylberman et Alexandre Gandil, avec Victor Yu à Taipei et Anda Djoehana Wiradikarta à Paris.

Soutenez-nous !

Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.

Faire un don
[asl-front-abonnez-vous]
[asl-front-abonnez-vous]