A Taïwan, les passeports jouent à cache-cache
C’est un graphiste de Taichung, Dennis Chen [陳致豪], qui a lancé ce set d’autocollants destinés à « taïwaniser » les passeports nationaux. « Nous voulons rappeler aux gens que reconnaître la République de Chine, c’est accepter que Taiwan soit un jour annexé par la Chine, car il ne peut y avoir qu’une seule Chine dans le monde », explique-t-il. Le message est sans ambiguïté : Taïwan est occupé par la République de Chine et doit recouvrer sa liberté — une position typique du mouvement pour l’indépendance de Taïwan (soit en faveur d’une déclaration formelle d’indépendance sous le nom de République de Taïwan).
A plusieurs reprises ces dernières semaines, le ministère des Affaires étrangères a rappelé qu’altérer un passeport est illégal et a mis en garde contre une campagne pouvant « porter atteinte à la crédibilité internationale des passeports issus par la République de Chine et au droit à circuler de ses ressortissants ».
Déjà, en décembre 2012, le Parti démocrate-progressiste (DPP), alors présidé par l’ancien Premier ministre Su Tseng-chang [蘇貞昌], avait imprimé 20 000 autocollants « Taiwan Is My Country » et incité les Taïwanais à en couvrir la couverture de leur passeport. Il s’agissait à l’époque de protester contre l’annonce par Pékin d’un nouveau modèle de passeport qui comportait une carte intégrant Taïwan et les îles de la Mer de Chine méridionale au territoire national chinois. A travers cette campagne, le DPP entendait protester contre « l’absence de réaction du gouvernement vis-à-vis de la décision de Pékin ». Déjà, le ministère des Affaires étrangères avait répondu que recouvrir son passeport d’un autocollant était illégal et pouvait entraîner des problèmes lors du passage en douane à l’étranger.
La polémique sur le passeport refait donc régulièrement surface. Il faut d’ailleurs noter que le mot « Taiwan » ne figure sur la couverture des passeports de la République de Chine — et en anglais seulement — que depuis 2002, une décision prise au cours du premier mandat du président Chen Shui-bian [陳水扁], également issu du DPP, et qui avait alors irrité Washington (sans parler de Pékin).
« Polémique sur l’identité nationale mise à part, si ces autocollants permettent aux Taïwanais de voyager plus facilement en évitant que leurs passeports soient confondus avec ceux de la Chine populaire, c’est une bonne chose », confie même un Taïwanais étudiant à Paris et qui, pourtant, vote d’ordinaire pour le Kuomintang, le parti actuellement au pouvoir et partisan d’une « seule Chine ».
Car c’est bien le point important dans toute cette histoire : quoi qu’ils pensent du mode d’action imaginé par ce graphiste de Taichung, et quelle que soit par ailleurs leur inclinaison politique, les jeunes Taïwanais se considèrent principalement comme « Taïwanais » et non comme « Taïwanais et Chinois » ou « Chinois », un sentiment régulièrement confirmé par les sondages d’opinion. Et que la jeunesse semble de moins en moins incline à tempérer.
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