Société
Témoin - Siau-lian-lang, être jeune à Taïwan

 

Wenqing

Affiche du festival de théâtre entre les deux rives du détroit de Taiwan 2013. Crédit : ww.huashan1914.com
Cheveux coupés au bol, lunettes à montures noires vissées sur le nez, portant T-shirt blanc et pantalon étroit, chaussures Oxford ou Converse aux pieds : voilà le portrait robot du wenqing (文青, abréviation de 文藝青年 wenyi qingnian, jeunesse lettrée et artistique).
Quelques-uns des attributs essentiels du wenqing. Crédit : DR.
Complétons à grands traits la description : les wenqing ne jurent que par Murakami ; se piquent de photographie ; aiment traîner le soir dans les librairies Eslite (temples culturels entre les rayons desquels on n’hésite pas à s’asseoir pour lire, écouter de la musique, voire même jouer aux cartes) ; passent des après-midi entiers au café penchés sur leur MacBook ; disent préférer les films européens aux blockbusters américains, sont fans des chanteuses taïwanaises Zhang Xuan (張懸), Cheer Chen (陳綺貞) et Wang Yujun (王榆鈞) ; soutiennent – au moins en pensée – les mouvements sociaux en tous genres ; viennent de découvrir les joies du picnic et rêvent d’acheter un vélo vintage.
Jeunes intellos ou prétendant l’être, les wenqing sont un peu à Taipei ce que les bobos sont à Paris ou les hipsters à New York. Le terme, s’il peut s’avérer gentiment moqueur, reste toutefois positif (on parlera de « faux wenqing » pour critiquer un imposteur).
Les magazines de mode s’en inspirent. La publicité également qui manie le concept avec humour, qu’il s’agisse de promouvoir un festival de théâtre commun aux deux rives du détroit de Taïwan ou de vendre des bicyclettes.
La pop culture s’en empare enfin, comme dans ce récent clip de la star de la pop Jolin Tsai (蔡依林). Des parodies fleurissent même sur la plateforme YouTube , preuve encore de l’omniprésence de ce nouveau concept dans la vie de la jeunesse taïwanaise.
Mais si la caricature des wenqing est criante de vérité, ce groupe possède en fait des contours assez flous. Moins bourgeois que les bobos et moins branchés que les hipsters, les wenqing ne se distinguent pas toujours nettement – au-delà de quelques attributs vestimentaires ou musicaux – des autres étudiants, jeunes salariés et travailleurs indépendants de la capitale taïwanaise. Comme les autres membres de leur génération, ils sont éduqués (à Taiwan, 64% des 25-34 ans sont diplômés du supérieur, contre 43% en France et 39% en moyenne dans les pays de l’OCDE) et s’ils travaillent, c’est pour un salaire plutôt bas. Des jeunes Taïwanais normaux, en quelque sorte.

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A propos de l'auteur
Après avoir travaillé en France et en Chine dans le domaine de la communication et des médias, Pierre-Yves Baubry a rejoint en 2008 l’équipe de rédaction des publications en langue française du ministère taïwanais des Affaires étrangères, à Taipei. En mars 2013, il a créé le site internet Lettres de Taïwan, consacré à la présentation de Taïwan à travers sa littérature.
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