Politique
Le regard d’Eglises d’Asie

Hong Kong à l’approche d’une échéance électorale cruciale

Photo d'une manifestation à Hong Kong
Des manifestants pro-démocratie réagissent à l’annonce de la nouvelle loi électorale devant le bâtiment du gouvernement de Hong Kong le 22 avril 2015. (Crédit : AFP PHOTO / Philippe Lopez)
La « révolte des parapluies », ce mouvement par lequel la jeunesse et une partie de la population de Hongkong ont, à l’automne dernier, signifié leur refus de la mainmise de Pékin sur la vie politique locale, s’est achevée sur un apparent échec des « pro-démocratie ». Après onze semaines d’occupation pacifique, les rues ont été rendues à la circulation et le gouvernement chinois a le champ libre pour que son projet soit présenté au Legco, le Parlement de Hongkong. Pour mémoire, le projet stipule que le chef de l’exécutif de Hongkong soit élu au suffrage universel à partir de 2017, mais que les candidats, qui ne pourront être plus de trois, devront auparavant avoir obtenu plus de 50 % des votes d’un comité électoral, être de « fervents patriotes », respectueux de « l’unité du territoire chinois » et de la ligne établie par Pékin.

A quelques jours de la présentation de ce projet devant le Legco, où en sommes-nous ? Après l’enthousiasme du début, les partisans de la démocratie auraient-ils jeté l’éponge et se seraient-ils résignés à accepter les diktats de Pékin ? Certains le pensent mais les choses ne sont pas si simples. Pour tenter d’y voir plus clair, le Père Pierre Jeanne, prêtre catholique à Hongkong, membre de la Société des Missions Etrangères de Paris, nous a fait parvenir le texte ci-dessous.

Une échéance importante approche : celle du mois de juin durant lequel le projet de réforme électorale de Pékin va être présenté au Conseil législatif de Hongkong (Legislative Council ou Legco). Rappel : il s’agit d’un semblant de suffrage universel ; les électeurs auront bien le droit de voter, mais seulement pour deux ou trois candidats présélectionnés par un comité de mille deux cents personnalités, majoritairement acquises à Pékin.

Mais, au sein du Legco, les partis pro-Pékin n’ont pas la majorité des deux tiers requise pour faire passer la loi et tout le travail actuel de la propagande est d’essayer de faire changer d’avis quatre députés démocrates, car cela suffirait à faire accepter le projet. (Sur les 70 députés du Legco, 27 sont pro-démocrates.) Cependant, exiger de vrais démocrates de retourner leur veste n’est pas chose facile. Ces gens-là ont des convictions bien ancrées et sont solidaires les uns des autres. Alors le gouvernement de Hongkong, acquis à la cause de Pékin, se démène comme un beau diable pour l’emporter malgré tout. Les manœuvres, souterraines ou non, se multiplient pour faire pencher la balance en faveur de Pékin.

La télévision de Hongkong multiplie les appels aux citoyens en faveur du vote de cinq millions d’électeurs : « Exercez votre droit de choisir vos dirigeants ! », sans jamais mentionner que le choix des candidats sera étroitement contrôlé. Autre moyen de pression utilisé : d’après les sondages d’opinion du gouvernement, « la majorité des Hongkongais désire voter ! » Donc si les députés démocrates n’écoutent pas la voix de la majorité, ils ne seront pas réélus (et, de plus, affirme-t-on, ils agissent en contradiction avec leur idéal démocratique).

De son côté, la Chine règle aussi ses comptes : par exemple, les personnes qui ont pris part aux manifestations et qui ont été repérées (la police secrète communiste a été très active à Hongkong pendant l’occupation de cinq sites à travers la ville), sont persona non grata en Chine continentale ; certains, même, ne peuvent plus aller à Macao. L’ancienne porte-parole du mouvement étudiant « Scolarism », Agnes Chow Ting, qui avait disparu des médias dès le début des manifestations démocratiques (octobre 2014), vient de réapparaître. Elle affirme avoir subi d’énormes pressions qui l’ont obligée, à l’époque, à démissionner de son poste. Un chanteur très populaire qui a soutenu le mouvement démocratique ne trouve plus de contrat pour se produire alors qu’avant, les sollicitations abondaient. Il est clair que des gens agissent dans l’ombre et utilisent des méthodes qui sont loin d’être respectueuses des droits de la personne.

Beaucoup de Hongkongais ne croient plus désormais au fameux slogan lancé par Deng Xiaoping « Un pays, deux systèmes ». Il garantissait un haut degré d’autonomie au territoire de Hongkong. Mais, depuis, la Chine ne s’est pas gênée pour désavouer les accords signés en 1984 avec l’Angleterre. De plus, cette dernière se tait car elle est empêtrée dans des difficultés économiques ; elle craint de mécontenter la Chine et de perdre de juteux contrats.

La jeune génération des Hongkongais fait pourtant preuve d’une réelle détermination, d’un courage et d’une authentique maturité politique. En maîtrisant le mouvement pacifique de désobéissance civique, elle a impressionné le monde entier. Elle est maintenant relativement isolée mais elle ne renonce pas pour autant.

Au fur et à mesure que le temps passe, la tension monte dans l’attente du vote du Legco pour ou contre le projet de Pékin de réforme électorale. Les deux camps, celui favorable à Pékin et celui de la démocratie, s’observent, se toisent et s’accusent mutuellement. La partie sera chaude car les enjeux sont importants.

Pierre Jeanne
Hongkong, le 21 mai 2015, pour Eglises d’Asie

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A propos de l'auteur
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