Politique
Leader politique en procès

En Thaïlande : L’ancienne Premier ministre Yingluck Shinawatra plaide non coupable

THAILANDE YINGLUCK PROCES
Capture d’écran du Straits Times : l’ancienne Premier ministre Yingluck Shinawatra.
C’est un procès sous haute surveillance qui s’est ouvert à Bangkok ce mardi. Yingluck Shinawatra, accompagnée de son mari Anusorn Amornchat, s’est présentée devant les juges à 8h45 rapporte le Bangkok Post. A son arrivée, deux comités d’accueil : d’un côté, plusieurs dizaines de ses partisans venus clamer son innocence ; de l’autre, le journal anglophone a compté « plus de 500 policiers municipaux et agents en civil (…) déployés autour de la Cour Suprême ». « Je suis prête à me défendre », a alors lancé l’ancienne chef du gouvernement thaïlandais à ses supporters, ainsi qu’à une forêt de micros et caméras, avant de nier en bloc les faits qui lui sont reprochés.

Scandale du riz

Que reproche la justice thaïlandaise à la première femme à avoir été élue Premier ministre dans le pays ? « Yingluck Shinawatra est accusée de négligence dans le cadre du programme de subventions du riz qu’elle avait mis en place lors de son mandat », rappelle Thailande-fr. L’histoire remonte à l’automne 2011. Peu de temps après son entrée en fonction, le gouvernement a décidé d’acheter le riz des producteurs thaïlandais à un prix nettement au-dessus de celui du marché. Le prix fixe garanti aux producteurs était d’environ 500 dollars la tonne, se souvient Channel News Asia, soit 40 % au-dessus de son cours. Ce programme de subventions aux riziculteurs qui ne dit pas son nom a alors été critiqué par les économistes: la Thaïlande qui est le premier producteur de riz au monde ferait mieux de se concentrer sur d’autres secteurs. Mais ce n’est pas pour ces critiques que la sœur du milliardaire, lui-même ancien Premier ministre, Thaksin Shinawatra, se retrouve devant les juges : « Elle est (ici) accusée de négligence criminelle dans un programme populiste, qui s’est révélé désastreux », soulignent nos confrères du Petit Journal.com. Et de poursuivre : Yingluck Shinawatra n’est pas directement accusée de corruption, « mais de ne pas avoir agi pour éviter les faits de corruption supposés dans le cadre de ce programme qui a coûté plusieurs milliards d’euros à l’Etat. »

Interdiction de sortie du territoire

Yingluck Shinawatra est sortie libre de la Cour ce mardi, mais son avocat, Norawit Lahlaeng, a dû verser 30 millions de bahts – un peu plus de 800 000 euros – sur un compte bancaire bloqué à titre de caution, précise le Bangkok Post. Par ailleurs, l’ancienne Premier ministre s’est vu interdire toute sortie du territoire pendant la durée du procès, explique le site Khasod English. Elle a également été interdite de politique pendant cinq ans.

Dernière d’une fratrie de neuf enfants, Yingluk est née dans la province de Chiang Mai au nord-ouest de la Thaïlande, dans une famille riche d’origine chinoise. Diplômée de Sciences politiques, elle a longtemps été une redoutable femme d’affaire avant d’accepter de se présenter devant les électeurs. Mais c’est ici surtout la sœur cadette de l’influent ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra qui est sur le banc des accusés. Populaire dans son camp, la première femme chef du gouvernement en Thaïlande nourrit également une profonde défiance chez ses adversaires. L’affaire du prix fixé du riz et les soupçons de corruption avait à l’époque conduit l’opposition à occuper les rues de la capitale pendant sept mois, jusqu’au coup d’état de mai 2014.

Réveil des Chemises rouges ?

Certains observateurs de la politique thailandaise voient dans cette « mise en accusation rétroactive », comme le note Khasod, un procès politique. « Difficile [en effet] de ne pas voir dans les jugements de ces derniers jours une campagne orchestrée contre le clan politique des Shinawatra, écrivait au début du mois le correspondant de Radio France Internationale à Bangkok. Ces dernières années, la très grande majorité des décisions des cours de justice et des agences dites indépendantes, composées de magistrats, ont été défavorables à ce clan ». Une manière pour la Junte au pouvoir de neutraliser l’ancien adversaire : « Ce procès intervient pour écarter Yingluck de la scène politique de manière permanente », estime encore Paul Chambers cité par le site Thailande-fr. Mais attention, prévient le directeur de recherches à l’Institut des affaires du Sud-est asiatique de Chiang Mai, « la mettre derrière les barreaux (…) la ferait passer pour une martyre ». « La jeter en prison provoquerait la résurrection des Chemises rouges et les amènerait à sortir du bois », prédit de son côté Pavin Chachavalpongpun, expert de la politique thailandaise à l’Université de Kyoto, joint par le Petit Journal. L’audition des témoins a été fixée au 21 juillet prochain. Yingluck Shinawatra risque jusqu’à dix ans de prison.

La rédaction d’Asialyst

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