Politique

L’imbroglio de la citoyenneté birmane

BIRMANIE ROHINGYA MANIF KUALA
Un réfugié rohingya durant une manifestation devant l’ambassade de Birmanie à Kuala-Lumpur en Malaisie le 11 mars 2015. (Crédit : AFP PHOTO / MANAN VATSYAYANA)
La loi birmane sur la citoyenneté de 1982 distingue trois degrés de citoyenneté différents, communément désignés par la couleur du papier d’identité correspondant : la pleine citoyenneté (carte rose), la citoyenneté associée (carte bleue), et la citoyenneté par naturalisation (carte verte).

A sa promulgation, le texte était accompagné d’une annexe stipulant quelles ethnies étaient éligibles à la nationalité. Les Rohingyas n’en faisaient pas partie, c’est donc à cette date qu’ils sont devenus apatrides. Ce statut a été entériné par la Constitution de 2008 qui établit la liste des 135 minorités ethniques reconnues par l’Etat, dont les Rohingyas sont exclus.

La carte blanche, elle, a été distribuée dans les années 1990 à tous ceux qui ne rentraient pas dans l’une des trois catégories. Plus d’un million de personnes en seraient titulaires. Il s’agit principalement des Rohingyas de l’Arakan (Etat de l’Ouest birman), mais également de tous les immigrés résidant en Birmanie, Indiens et Chinois pour la plupart.

Quelques dispositions du texte :

 

  • Carte rose : la citoyenneté pleine et entière est attribuée d’office à toutes les personnes dont les ascendants résidaient dans le pays avant 1823, ou nées de parents reconnus comme citoyens de plein droit. La date de 1823 correspond au début de la guerre anglo-birmane qui a mené à la colonisation puis aux mouvements de populations venues des Indes britanniques et encouragées par la Grande-Bretagne.
  • Carte bleue : les citoyens associés sont ceux qui étaient reconnus comme citoyens par la précédente loi sur la citoyenneté de 1948 (Union Citizenship Law).
  • Carte verte : peuvent prétendre à la citoyenneté par naturalisation, les personnes pouvant attester de leur présence sur le sol birman avant le 4 janvier 1948 et qui font leur première demande après 1982.

 

L’attribution de la nationalité est certes un droit régalien, mais certains articles de la loi birmane révèlent un arbitraire peu recevable juridiquement :

 

  • Les citoyens « associés » et « naturalisés » jouissent des mêmes droits que les citoyens de plein droit « sauf exception stipulée occasionnellement par le Conseil d’Etat » (with the exception of the rights stipulated from time to time by the Council of State – Art.30c et 53c).
  • De fait, de nombreuses restrictions visant notamment les titulaires de cartes vertes font de ces derniers des citoyens de seconde zone.
  • En outre, les personnes prétendant à la citoyenneté par naturalisation doivent « avoir bon caractère » (be of good character – art.44d).

 

Les Nations Unies considèrent que cette loi n’est « pas conforme aux normes internationales ». L’organisation a adopté le 29 décembre 2014 une résolution appelant le gouvernement de Naypidaw à la réviser et à accorder la citoyenneté à la minorité Rohingya.

Juliette Gheerbrant

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A propos de l'auteur
Juliette Gheerbrant est journaliste à RFI, au desk Asie, où elle couvre en particulier l'Asie du sud-est. Elle a également travaillé plusieurs années sur l'Europe et suit de près les questions liées aux flux migratoires.