Culture
Série - L'Asie dessinée

BD : errances au Népal et chez les Karens

Extrait de la bande dessinée "Suis l’homme en blanc", scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, Éditions du Rocher. (Copyright : Éditions du Rocher)
Extrait de la bande dessinée "Suis l’homme en blanc", scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, Éditions du Rocher. (Copyright : Éditions du Rocher)
Un très bel album retrace l’épopée d’enfants népalais qui doivent traverser tout le pays pour se rendre à l’école. Une autre bande dessinée s’intéresse au sort des Karens, entre Thaïlande et Birmanie.
*Le plus long chemin de l’école, scénario de Marie-Claire Javoy, dessin de Renaud Garreta, 60 pages, Dargaud, 12,99 euros.
C’est une belle histoire que raconte Le plus long chemin de l’école* : celle d’enfants habitant un village perdu dans les montagnes du Népal et qui, pour se rendre à l’école, doivent effectuer un périple de huit jours comportant plusieurs journées de marche en haute montagne, trajet en avion et 500 km d’autobus…
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Couverture de la bande dessinée "Le plus long chemin de l’école", scénario de Marie-Claire Javoy, dessin de Renaud Garreta, Dargaud. (Copyright : Dargaud)

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Extrait de la bande dessinée "Le plus long chemin de l’école", scénario de Marie-Claire Javoy, dessin de Renaud Garreta, Dargaud. (Copyright : Dargaud)

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Extrait de la bande dessinée "Le plus long chemin de l’école", scénario de Marie-Claire Javoy, dessin de Renaud Garreta, Dargaud. (Copyright : Dargaud)

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Extrait de la bande dessinée "Le plus long chemin de l’école", scénario de Marie-Claire Javoy, dessin de Renaud Garreta, Dargaud. (Copyright : Dargaud)

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Extrait de la bande dessinée "Le plus long chemin de l’école", scénario de Marie-Claire Javoy, dessin de Renaud Garreta, Dargaud. (Copyright : Dargaud)

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Extrait de la bande dessinée "Le plus long chemin de l’école", scénario de Marie-Claire Javoy, dessin de Renaud Garreta, Dargaud. (Copyright : Dargaud)

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Extrait de la bande dessinée "Le plus long chemin de l’école", scénario de Marie-Claire Javoy, dessin de Renaud Garreta, Dargaud. (Copyright : Dargaud)

 
 
Cette bande dessinée est un produit dérivé du film Sur le chemin de l’école. Sorti en 2013, ce documentaire réalisé par Pascal Plisson retrace les histoires d’enfants du Kenya, du Maroc, d’Argentine et d’Inde pour qui aller à l’école suppose de surmonter des difficultés que les enfants occidentaux auraient peine à imaginer.
Le grand succès du film, qui a remporté le César 2014 du meilleur documentaire, a suscité la réalisation d’une série d’émissions télévisées sur le même thème, qui suivent d’autres enfants du monde entier. Vient enfin une autre déclinaison, sous la forme de cette très jolie BD.
Parmi toutes les aventures hors du commun que connaissent les enfants montrés dans les différents films pour se rendre à l’école, ceux retenus pour la bande dessinée battent un record : celui du « plus long chemin » à parcourir. Les cinq jeunes adolescents héros de cette histoire vraie vivent en effet dans un minuscule village perdu dans les hauteurs du Népal, non loin de la frontière chinoise. Quasiment inaccessible, leur vallée ne comprend ni ville, ni route, ni véhicule à moteur, ni téléphone, ni connexion Internet. Et il n’y a que quelques années qu’une petite école primaire accueille les enfants, au milieu d’une population adulte quasiment analphabète.
Quand il s’agit d’aller plus loin dans l’éducation, la seule solution est d’envoyer les jeunes adolescents en internat à Katmandou, la capitale. Ce qui, pour des enfants qui ne sont jamais sortis de leur vallée, prend des allures de voyage initiatique : on comprend bien qu’ils ne seront pas les mêmes au terme de leur périple.
Car périple il y a. Pour rallier la « civilisation », les cinq écoliers en puissance, accompagnés par un adulte, doivent marcher plusieurs jours en haute montagne, sur des chemins à peine tracés. Au menu des réjouissances figurent des cols à plus de 5000 mètres, des torrents à franchir à gué, des tempêtes de neige, des passages bloqués par des éboulis qu’il faut escalader, des bivouacs en pleine montagne… Très dure physiquement, même pour des enfants des montagnes, cette marche offre aussi ses récompenses avec paysages somptueux, étapes dans hameaux accueillants, rencontres avec des caravanes de yacks traversant l’Himalaya.
Les véritables découvertes commencent au terme de la marche : pour la première fois de leur vie, les enfants se retrouvent dans une grosse bourgade pleine d’animation – même si son isolement fait qu’on n’y trouve pas de voitures. A partir de là, c’est un changement d’univers qui intervient : trajet dans un petit avion décollant sur une piste de fortune, arrivée dans une vraie ville à l’ouest du pays, près de la frontière indienne, où les jeunes villageois découvrent les voitures, les boutiques, la chaleur. S’ensuit un interminable voyage en bus sur les routes défoncées du Népal, accrochages à l’appui, vingt heures de route pour faire les 500 km qui les séparent encore de Katmandou. Arrivés dans la capitale, ils découvrent enfin leur collège, ainsi que le trafic infernal, la pollution, la foule…
Le message de cette sympathique BD est clairement exprimé : les enfants des pays pauvres et leurs familles sont prêts à tous les efforts et tous les sacrifices pour accéder à l’éducation, clé d’une vie meilleure. Le charme de l’album tient beaucoup au dessin classique, très « ligne claire », de Renaud Garreta. Ses superbes paysages font souvent penser à Tintin au Tibet. Et si les enfants, durant leur odyssée, ne croisent pas le yéti, ils sont accompagnés malgré tout par une panthère des neiges, animal presque aussi mythique que ce dernier.
Un à-côté intéressant de l’histoire réside dans l’omniprésence des rites dans toutes les étapes de la vie quotidienne. La communauté de ces enfants est bouddhiste (contrairement à la majeure partie de la population népalaise qui est hindouiste) et ses membres ne sauraient manquer de passer sous les drapeaux de prière qui parsèment le paysage, afin de recevoir leur bénédiction. Réciter une prière pendant que l’on soigne une entorse améliore l’efficacité du traitement, mâcher et avaler un bout de parchemin portant le texte d’une prière également. Il est impératif de faire le tour des tas de pierres gravées que l’on trouve un peu partout dans la montagne si l’on veut être protégés des dieux, et les esprits sont partout, sur les sommets comme dans les vallées. De quoi faire réfléchir les occidentaux qui voient dans le bouddhisme une religion hautement spirituelle, détachée de toute superstition. Ce qui est peut-être vrai chez le Dalaï-lama et les grands leaders spirituels ne l’est pas forcément chez les fidèles de base – pour une vision critique du bouddhisme en BD, lire notre article .
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Couverture de la bande dessinée "Suis l’homme en blanc", scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, Éditions du Rocher. (Copyright : Éditions du Rocher)

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Extrait de la bande dessinée "Suis l’homme en blanc", scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, Éditions du Rocher. (Copyright : Éditions du Rocher)

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Extrait de la bande dessinée "Suis l’homme en blanc", scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, Éditions du Rocher. (Copyright : Éditions du Rocher)

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Extrait de la bande dessinée "Suis l’homme en blanc", scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, Éditions du Rocher. (Copyright : Éditions du Rocher)

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Extrait de la bande dessinée "Suis l’homme en blanc", scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, Éditions du Rocher. (Copyright : Éditions du Rocher)

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Extrait de la bande dessinée "Suis l’homme en blanc", scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, Éditions du Rocher. (Copyright : Éditions du Rocher)

 
 
*Suis l’homme en blanc, scénario de Thomas Oswald, dessin de Jean-François Cellier, 48 pages, Éditions du Rocher, 14,50 euros.
Les esprits sont partout : c’est également vrai dans la bande dessinée Suis l’homme en blanc*. C’est au sein du peuple karen que se passe cette histoire. Les Karens, qui se répartissent à cheval sur la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, vivent dans la peur constante des esprits. Omniprésents, ces derniers sont responsables de tous les ennuis, problèmes et difficultés, et doivent être apaisés avec force sacrifices. L’album raconte l’histoire de Preu Po Pou. Jeune garçon, son père meurt de maladie. Avant de trépasser, il exhorte son fils à « ne pas craindre les esprits » et lui donne une consigne mystérieuse : celle de « suivre l’homme en blanc ». Des années durant, le jeune homme cherche cet insaisissable personnage. Il finit par l’identifier : il s’agit d’un missionnaire. Preu Po Pou peut enfin obéir à son père : il se convertit au christianisme.
Cet album laisse perplexe. D’un côté, il dépeint de façon intéressante le mode de vie des Karens et évoque la terrible histoire des persécutions subies de la part de l’armée birmane, quelques décennies avant les « exploits » de cette dernière avec les Rohingyas. Les nombreuses anecdotes sur la vie villageoise, de la résolution des conflits de voisinage à la conduite des éléphants, brossent un portrait attachant de ce peuple oublié. De l’autre, la BD semble suggérer que la solution aux problèmes des Karens est simple : il leur suffit de devenir chrétiens… Ce qui vaut quelques images assez sidérantes comme l’apparition d’un arc-en-ciel au dessus de Preu Po Pou quand il demande à « l’homme en blanc » de le baptiser, ou quand il découvre la vie de Jésus. Un prosélytisme revendiqué pour cet album publié par une maison d’édition catholique, mais qui peut mettre mal à l’aise.

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A propos de l'auteur
Patrick de Jacquelot est journaliste. De 2008 à l’été 2015, il a été correspondant à New Delhi des quotidiens économiques La Tribune (pendant deux ans) et Les Echos (pendant cinq ans), couvrant des sujets comme l’économie, le business, la stratégie des entreprises françaises en Inde, la vie politique et diplomatique, etc. Il a également réalisé de nombreux reportages en Inde et dans les pays voisins comme le Bangladesh, le Sri Lanka ou le Bhoutan pour ces deux quotidiens ainsi que pour le trimestriel Chine Plus. Pour Asialyst, il écrit sur l’Inde et sa région, et tient une chronique ​​"L'Asie dessinée" consacrée aux bandes dessinées parlant de l’Asie.