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Thaïlande : mort du roi Bhumibol Adulyadej

Avec le roi Bhumibol disparait l'un des derniers ferments d'union nationale en Thaïlande.
Avec le roi Bhumibol disparait l'un des derniers ferments d'union nationale en Thaïlande. (Crédit : LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP)
Le Palais royal thaïlandais a annoncé officiellement ce jeudi 13 octobre la mort du roi Bhumibol Adulyadej, Rama IX. Âgé de 88 ans et après 70 années sur le trône, il était le plus vieux roi en exercice.
La Thaïlande retenait son souffle depuis plusieurs jours. Si le Quotidien du Peuple, média d’Etat chinois, l’avait annoncé avant l’heure par un tweet lapidaire, la nouvelle est désormais officielle : le roi thaïlandais est mort ce jeudi 13 octobre, à l’âge de 88 ans. Hospitalisé de manière quasi continue depuis deux ans, le Palais royal avait annoncé que son état de santé s’était empiré dimanche 9 octobre. Il avait été placé sous assistance respiratoire et thérapie de remplacement rénal. Hier soir, un nouveau communiqué évoquant un état toujours « instable » finissait de renforcer l’inquiétude de la population.

Plus vieux monarque en exercice après 70 ans de règne, le roi Bhumibol Adulyadej faisait l’objet d’un véritable culte de la personnalité dans le pays, où il était considéré comme un demi-dieu. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #LongLivetheKing était l’un des mots-clés les plus utilisés. Depuis trois jours, la population s’amassait devant l’hôpital où il était pris en charge, vêtue de rose et de jaune – les couleurs de la monarchie – et priait en silence pour la santé du souverain. La question de son état de santé était taboue dans le pays, d’autant plus que la Thaïlande possède l’une des lois de lèse-majesté les plus sévères du monde. Mais l’inquiétude demeurait omniprésente, le roi n’ayant pas fait d’apparition depuis près d’un an. Ces trois derniers jours, le pays semblait paralysé. La bourse de Bangkok avait par ailleurs chuté de – 6 % hier.

Vers une crise de succession ?

Si le roi ne disposait pas de véritable rôle politique, sa figure est considérée comme un ferment d’unité nationale. Sa mort fait ainsi planer la peur d’une nouvelle instabilité politique, puisqu’il a soutenu la junte militaire au pouvoir depuis le coup d’Etat de mai 2014, légitimant ainsi le gouvernement actuel. Des patrouilles avaient déjà été déployées dans la ville et de premières arrestations d’opposants politiques effectuées avant même l’annonce de la mort du monarque, relate The International Business Times. « Une sécurité renforcée et des arrestations prouvent que la junte se prépare à une potentielle instabilité politique », explique Ryan Aherin, spécialiste de l’Asie du Sud-Est.

La menace pèse d’autant plus que sa succession pose problème, alors que son fils Maha Vajiralongkorn (63 ans) souffre d’une mauvaise réputation, notamment parmi les classes dirigeantes. En cause : ses moeurs considérées comme légères. Pourtant, selon des spécialistes basés en Thaïlande ou à l’étranger cités par le South China Morning Post sous condition d’anonymat, il est peu probable que le fils du roi n’accède pas au trône. « La junte au pouvoir a été claire : elle est derrière le roi […] Il n’y a aucune alternative à Vajiralongkorn, il est l’héritier direct au trône », maintient Unaldi, spécialiste de la monarchie thaïlandaise. Le Premier ministre et chef de la junte, Prayuth Chan-ocha, doit d’ailleurs s’entretenir sous peu avec Vajiralongkorn.

La junte fragilisée ?

Mais le nouveau roi soutiendra-t-il la junte, alors qu’il est proche de Thaksin Shinawatra – ancien Premier ministre et frère de Yingluck Shinawatra chassée du pouvoir lors du coup d’Etat de mai 2014 ? Rien n’est moins sûr ; reste donc à savoir si la junte changera ou non d’avis quant à son soutien promis à l’héritier.

Face à ce contexte de potentielle instabilité, il serait donc très probable que la junte militaire repousse les élections générales de 2017 – promises après le référendum sur la Constitution approuvée en août dernier – jusqu’à ce que la succession du roi soit finalisée, prédit le South China Morning Post.

Les médias thaïlandais portent le deuil de leur roi. Copies d'écran du Bangkok Post et de Twitter, le 13 octobre 2016.
Les médias thaïlandais portent le deuil de leur roi. Copies d'écran du Bangkok Post et de Twitter, le 13 octobre 2016.
S’ouvre maintenant une longue période de deuil. Prayuth Chan-och a notamment appelé la population à se vêtir de blanc pendant un an, rapporte Channel News Asia sur Twitter. Le Bangkok Post, principal média anglophone du pays, s’est spontanément teinté de noir et blanc – même démarche chez The Nation. Le présentateur de la chaîne de télévision Thaï PBS, entièrement vêtu de noir, a pris la parole sur un fond uni de la même couleur. Encore loin des considérations politiques, le peuple thaïlandais s’unit aujourd’hui en souvenir de son monarque.
Par Cyrielle Cabot et Alexandre Gandil

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