Revue de presse Indonésie - 14 septembre 2016

Indonésie : Jokowi et la "licence de tuer"

Malgré les critiques à l'échelle nationale et internationale envers la justice indonésienne, Jokowi n'est pas revenu sur la peine de mort pour les coupables de trafic de drogues. Copie d'écran du Jakarta Post, le 14 septembre 2016.
Malgré les critiques à l'échelle nationale et internationale envers la justice indonésienne, Jokowi n'est pas revenu sur la peine de mort pour les coupables de trafic de drogues. Copie d'écran du Jakarta Post, le 14 septembre 2016.
The – Rodrigo Duterte a-t-il donné son accord à l’exécution de la philippine Mary Jane Veloso ? Depuis 48 heures, c’est le flou artistique du côté de Manille qui va de démentis en explications vaseuses pour rattraper les déclarations à l’emporte-pièce du nouveau président philippin. Ce qui est certain, c’est que son homologue indonésien, le président Joko « Jokowi » Widodo est bien décidé à combattre le trafic de drogues avec la peine de mort. Un choix « malheureux pour un pays qui se veut le champion des droits de l’homme », déplore le Jakarta Post dans un éditorial ce mercredi 14 septembre.

Arrêtée en avril 2010, Mary Jane Veloso est accusée d’avoir transporté 2,6 kg d’héroïne en Indonésie. Jusqu’alors, cette Philippine de 31 ans, était parvenue à échapper à l’exécution. En avril dernier, cette dernière avait été suspendue in extremis après qu’une enquête sur son potentiel employeur a été ouverte aux Philippines. Manille avait cependant dû insister, l’ancien président Benigno Aquino III s’était adressé directement à Jokowi. Lundi, ce dernier lui-même a affirmé aux médias indonésiens que Rodrigo Duterte avait donné son « feu vert » à l’exécution de Mary Jane Veloso provoquant un tollé sur les réseaux sociaux. Une affirmation sitôt niée par le dirigeant philippin qui affirme avoir déclaré qu’il laisserait la justice indonésienne faire son travail sans interférer.

En 2015, 14 personnes suspectées d’être liées au trafic de drogue ont été exécutées en Indonésie, dont deux Australiens, un Brésilien et un Nigérian. « Jokowi a décidé d’utiliser sa licence de tuer pour sauver son pays de ce qu’il appelle l’Etat d’urgence en matière de drogue, rapporte le Jakarta Post, et les pressions d’associations nationales et internationales n’ont pas réussi à le faire changer d’avis. » Jokowi défie ainsi la communauté internationale qui appelle à la clémence envers la jeune femme. Une façon pour le président indonésien de rappeler à ses homologues qu’ils doivent respecter les lois de son pays.

« Mais le gouvernement doit faire face à un manque de confiance envers ceux chargés d’appliquer les lois dans un système souvent perçu comme corrompu », remarque l’éditorial. S’il n’existe aucune preuve de corruption dans des procès pour trafic de drogue, certains ne manquent pas de noter des erreurs judiciaires. A aucun moment, Seck Osmane et Humphrey Ejike, exécutés en juillet n’ont pu tenter d’obtenir la clémence du gouvernement. Mary Jane Veloso, quant à elle, n’a pu avoir accès qu’à un interprète non diplômé pour son procès alors qu’elle parle à peine anglais. « Que Jokowi choisisse de maintenir l’exécution de Mary Jane Veloso malgré les doutes sur le fait que la justice ait réellement fait son travail, soulève l’hypothèse qu’il a besoin de marquer le coup avant d’accélérer ses réformes. S’il veut impressionner ses citoyens, mettre fin à la peine de mort serait son héritage le plus apprécié », lance le Jakarta Post.

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