Revue de presse Asie - 7 juin 2016

Joshua Wong acquitté à Hong Kong, Temple des tigres en Thaïlande et Modi à Washington

Les quatre inculpés pour "obstruction à la police" ont été acquittés. De gauche à droite Raphael Wong, Albert Chan, Nathan Law et Joshua Wong. Copie d'écran du ”South China Morning Post”, le 7 juin 2016.
Les quatre inculpés pour "obstruction à la police" ont été acquittés. De gauche à droite Raphael Wong, Albert Chan, Nathan Law et Joshua Wong. Copie d'écran du ”South China Morning Post”, le 7 juin 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Le verdict est tombé aujourd’hui mardi 7 juin. Joshua Wong et trois autres activistes ont été acquittés, mais ils devront « réfléchir à leur comportement ». Le secrétaire général du parti pro-démocratie Demosisto et leader lycéen du mouvement des « parapluies » était accusé « d’obstruction à la police ». Le 11 juin 2014, les quatre activistes avaient brûlé un morceau du Livre blanc de Pékin relatif à l’autonomie de Hong Kong, devant le bureau de liaison avec le gouvernement central. Deux d’entre eux avaient empêché un policier en civil d’éteindre le feu, pendant que Joshua Wong avait confisqué la bouteille d’eau d’un autre agent pour la vider et la jeter au sol. Le magistrat Lee Siu-ho a justifié l’acquittement en vertu de la liberté d’expression et de manifester. Il a néanmoins rappelé que ces libertés ne sont pas absolues et que la sécurité publique doit être également respectée. La Cour a jugé qu’il n’y avait pas d’obstruction au sens légal ; les policiers ont juste été « gênés ».
Straits Times – En Chine, le climat est de plus en plus hostile pour les entreprises installées dans le pays, où les mesures restrictives et protectionnistes ne cessent de s’accumuler. Vendredi 3 juin, les entreprises européennes critiquaient déjà les nouvelles règles de cybersécurité imposées par le gouvernment, favorisant largement les entreprises chinoises. Aujourd’hui mardi 7 juin, c’est un ministre américain qui a déclaré que les compagnies américaines se sentaient de plus en plus mal accueillies en Chine. En s’adressant à des responsables d’entreprises chinoises et américaines lors d’une rencontre annuelle à Pékin, Jack Lew, le secrétaire au Trésor, a affirmé que les entreprises étrangères « font face à un environnement règlementaire de plus en plus strict au point de se demander si elles sont les bienvenues en Chine ». Avant d’ajouter que Washington et Pékin « ont la responsabilité d’assurer des conditions favorables pour faciliter une coopération continue et accrue en matière d’investissement, de commerce et d’échanges ». Jack Lew appelle de ses voeux des politiques encourageant une « compétition saine », la « transparence » et la « protection de la propriété intellectuelle ». Le gouvernement chinois devrait aussi, selon le sercréatire au Trésor, supprimer les « restrictions discriminatoires aux investissements ».

De son côté, Yang Jiechi, conseiller d’Etat et diplomate « le plus influent de Chine » selon le Straits Times, a confirmé que le pays travaillait sur l’ouverture de ses marchés, avant de suggérer que les deux pays négocient un traité bilatéral pour l’investissement.

Hani – Pour Séoul et Tokyo, la tendance est aux dialogues bilatéraux. Le Forum Shangri-la de cette année a permis à la Corée du Sud de renforcer encore ses liens avec le Japon. Le ministre sud-coréen de la Défense nationale Han Min-koo et son homologue japonais Gen Nakatani se sont accordés pour renforcer la communication directe entre les armées des deux pays, mais aussi pour améliorer leur « compréhension » et leur « confiance mutuelle ».

Lors du même Forum l’année dernière, le ministre sud-coréen avait préféré exprimer ses inquiétudes face aux nouvelles forces d’auto-défense japonaises et avait éloigné les perspectives de coopération militaire. Cette année en revanche, le débat s’est montré bien plus apaisé. En cause : la menace nucléaire nord-coréenne, qui explique les volontés de renforcer la coopération bilatérale entre la Corée du Sud et le Japon ainsi que la coopération trilatérale avec les Etats-Unis.

Dans une interview donnée à CNN, Han Min-koo a par ailleurs qualifié le leader nord-coréen Kim Jong-un de « jeune et impulsif », affirmant que les capacités nucléaires de la Corée du Nord étaient limitées. Cependant, Han Min-koo ne doute pas que Pyongyang puisse renforcer ses technologies. Dans ce cadre, le ministre sud-coréen juge les sanctions des Nations Unies comme « un [bon] moyen de dénucléariser la Corée du Nord ». Mais à une condition : que la communauté internationale fasse en sorte que le processus reste « pacifique ».

Asie du Sud-Est

Myanmar Times – Il a été reconnu coupable d’assaut sur un policier et condamné à trois mois de prison avec travaux forcés ce mercredi 7 juin. Ko Nay Myo Lin, journaliste de la BBC Myanmar, a nié les faits qui lui ont été reprochés alors qu’il couvrait une manifestation étudiante le 27 mars 2015, réprimée par le pouvoir. Les autorités birmanes affirment de leur côté que le reporter aurait eu une altercation avec un policier, qu’il aurait frappé au visage. Le Myanmar Times précise que la condamnation du journaliste à trois mois de prison avec travaux forcés a été décidée malgré les 12 témoins présents pour assurer sa défense.

Même s’il a la possibilité de faire appel, Ko Nay Myo Lin a d’ores et déjà affirmé qu’il ne discuterait pas le verdict du tribunal avant de déclarer : « La cour a ignoré les preuves […]. Ce n’est pas juste. Il n’y a pas de protection pour les médias. J’ai juste fait mon travail en rapportant que des personnes sont traitées injustement. » Selon le journaliste, la police aurait influencé la décision du tribunal. De son côté, le correspondant de la BBC au Myanmar, Jonah Fisher, a tweeté que le média anglais ne pouvait pas faire de commentaire sur l’affaire pour le moment.

Bangkok Post – L’étau se resserre autour du « Temple des tigres ». Le département thaïlandais des parcs nationaux, de la vie sauvage et de la protection des plantes (DNP) a trouvé ce mardi 7 juin des copies de documents qui pourraient relier le temple à un trafic illégal d’espèces sauvages. Un contrat qui aurait été signé par l’abbé du temple avec une personne au Laos, sans que les autorités ne donnent plus de détails. De son côté, la police thaïlandaise se prépare à élargir l’enquête pour tenter de prouver que le temple approvisionne le marché noir des tigres. Le DNP attend également les résultats des relevés ADN des tigres encore en vie et des nourrissons retrouvés morts avant de confirmer le rôle supposé du temple comme point de transit pour le trafic de tigres.

Le Temple avait été mis en cause début juin par des associations de défense des animaux, ce qui avait alerté les autorités. Plus de 137 fauves drogués, mais surtout une quarantaine de bébés tigres morts avait été retrouvés dans un congélateur du temple. Pour retracer l’affaire, relire notre revue de presse du 2 juin.

The Philippine Star – Rodrigo Duterte recadré. Deux experts des Nations Unies ont appelé le président philippin à arrêter de « répandre la violence », rapporte le Philippine Star ce mardi 7 juin. Un rappel à l’ordre qui fait suite aux déclarations publiques du chef de l’Etat, qui appelait notamment à « tuer des journalistes ». Rodrigo Duterte avait affirmé que si ces derniers étaient tués c’est qu’ils étaient aussi corrompus.

Pour Cristoff Heyns, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions sommaires, les propos du président philippin peuvent mener à une escalade de violence. Les Philippines sont le deuxième pays en matière de meurtres de journalistes, rappelle l’expert. Dans le même temps, David Kaye, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’expression, a déclaré que « justifier le meurtre de journalistes sur la base de leurs activités professionnelles peut être interprété comme le signe que tuer des journalistes est acceptable ».

Les experts onusiens ont également critiqué le plan du nouveau président élu visant à accorder des primes aux militaires et policiers qui abattraient des barons de la drogue. La semaine dernière, Rodrigo Duterte avait fustigé les Nations unies en disant à l’organisation « de se la fermer ». On lui demandait de commenter une déclaration d’organisations de médias internationaux qui voulaient lancer une procédure de plainte contre lui. Lundi 7 juin, le président des Philippines a aussi annoncé qu’il n’accorderait plus d’interviews jusqu’à la fin de son mandat « pour éviter les critiques », rapporte le Philippine Star.

The Jakarta Post – L’Indonésie est encore loin d’atteindre ses objectifs de réduction d’émission de carbone. Le Jakarta Post affirme, ce mardi 7 juin, que les efforts contre le changement climatique sont entravés dans la région, se fondant sur une étude de l’agence indonésienne de l’Institut mondial des ressources (WRI). L’Indonésie souhaitait achever son programme de réduction d’émission de carbone à l’horizon 2020. Mais d’après le WRI, qui a étudié les émissions de carbone de 34 provinces indonésiennes, Jakarta n’avait atteint que 2,25% de son objectif initial 7 ans avant échéance, en 2013.

Dans son rapport, le think thank appelle l’Indonésie à mieux appliquer son programme environnemental, maintenant que quatre ans la sépare de la date butoir. Une autre étude, menée par l’Agence nationale du développement (Bappenas), montre néanmoins que l’Indonésie a réussi à réduire ses émissions de 15,5% entre 2010 et 2014. L’Indonésie vise une baisse de 29% de ses émissions à l’horizon 2030.

WRI Indonésie souligne également les contradictions entre le programme de développement régional du gouvernement et leur programme national de réduction de gaz à effet de serre. L’institut s’appuie sur l’exemple du Kalimantan occidental. La province a pour objectif d’augmenter l’exploitation de ses ressources minérales tandis que la région de Java oriental veut développer son exploitation minière. Ce qui fait douter l’Institut mondial des ressources : « Les priorités de développement dans ces deux provinces prennent le contrepied [des politiques d’]atténuation du changement climatique, comme la reforestation. L’Indonésie doit trouver un équilibre entre développement et baisse des émissions ». Le Jakarta Globe précise enfin que le Sumatra du Nord était la province qui émettait le plus de carbone en 2010, à hauteur de 260 millions de tonnes de CO2. Elle est suivie de Riau, du Java oriental, du Kalimantan et de Lampung.

Asie du Sud

Times of India – Pour le Times of India, cela ne fait aucun doute : le rapprochement entre New Delhi et Washington s’intensifie contre Pékin. Alors que Narendra Modi a entamé hier sa quatrième visite aux Etats-Unis depuis son investiture en mai 2014, la Chine sera « le sujet principal des discussions » de sa tournée dans la mesure où les relations indo-américaines « peuvent se résumer au pivot vers l’Asie », explique le quotidien indien. En matière d’économie par exemple, Washington lorgne de plus en plus sur le sous-continent à mesure que la croissance chinoise s’essouffle. En matière de sécurité et de stratégie aussi, les Etats-Unis voient en l’Inde un allié-clé pour les aider à assurer la liberté de circulation en mer de Chine du Sud, remise en cause par le comportement de plus en plus assertif de Pékin dans la zone.

Mais le dossier sur lequel insiste le Times of India est celui de l’accession à l’Inde au Nuclear Supplier Group (NSG) – Groupe des Fournisseurs nucléaires. Malgré la non-adhésion de New Delhi au traité de non-prolifération, les Etats-Unis comme l’ensemble des membres du NSG soutiennent la candidature indienne sauf… la Chine. Alors que John Kerry se trouve actuellement à Pékin, le Times of India relaye les espoirs du gouvernement indien de voir le secrétaire d’Etat américain négocier sur la question avec l’administration chinoise. La réticence des autorités de Pékin s’explique par les liens étroits qu’elles entretiennent avec Islamabad. La Chine ne souhaite pas léser son allié alors que la menace nucléaire constitue une variable d’équilibre cruciale des relations indo-pakistanaises.

Mais malgré leur embellie croissante, les relations entre l’Inde et les Etats-Unis riquent de se heurter à plusieurs points de divergence, note l’ancien diplomate Hardeep S. Puri dans The Hindu. New Delhi et Washington adoptent par exemple des approches « radicalement différentes » en matière de politique commerciale, de maintien de la paix et de sécurité, ainsi que de développement. Parmi les points de friction, le diplomate souligne notamment les liens étroits qu’ont noué les Etats-Unis et le Pakistan pendant plusieurs décennies. D’après lui, le changement de présidence à Washington début 2017 pourrait bien ouvrir une nouvelle ère dans les relations entre les deux Etats, et c’est à New Delhi d’en tirer profit.

Dawn – S’il y a un pays d’Asie où les Panama Papers ont fait des remous, c’est bien le Pakistan. L’affaire a déclenché une véritable dynamique en faveur de la transparence des politiques et de lutte contre la fraude fiscale – en atteste la tourmente dans laquelle est plongée le Premier ministre Nawaz Sharif. Hasard du calendrier ? Le gouvernement pakistanais a annoncé un futur plan visant à régulariser les actifs placés dans des entreprises offshore, indique ce mardi 7 juin le quotidien Dawn. Sa mesure phare : autoriser la régularisation des avoirs étrangers non-déclarés via le paiement d’une taxe à hauteur de 15%, sans pénalité. Ce plan, qui doit être mis en place au mois d’août, aurait néanmoins été développé « bien avant les Panama papers », promet un agent fiscal cité par le journal. Ce dernier a également exprimé le souhait du Pakistan d’adhérer à l’OCDE afin d’acquérir une meilleure visibilité sur les investissements à l’étranger de ses ressortissants.
The Hindu – La série noire continue au Bangladesh. Un prêtre hindou de 65 ans, Ananta Gopal Ganguly, a été égorgé ce mardi 7 juin par trois hommes à bicyclette alors qu’il se rendait au temple, à l’ouest du pays dans le district de Jhenaidah. Le meurtre n’a pas encore été revendiqué, mais The Hindu ne peut s’empêcher de faire le lien avec les nombreux assassinats qu’a récemment connus le pays. Cela fait en effet plusieurs mois que des militants islamistes, parfois revendiquant leur allégeance à Daech ou à al-Qaida, exécutent sommairement des intellectuels, des blogueurs athées, des étrangers ou des personnes issues de minorités (religieuses ou sexuelles). Rien que ce dimanche 5 juin, deux personnes ont été tuées au Bangladesh selon des modes opératoires similaires : un homme d’affaire chrétien et l’épouse d’un chef policier anti-terroriste.

Quelques heures avant l’annonce de l’assassinat du prêtre, l’ONG Amnesty International émettait une déclaration depuis New York, laquelle déplore le « climat d’impunité qui règne au Bangladesh », rapporte le quotidien pakistanais Dawn. L’organisation reproche aux autorités de Dacca leur manque d’action face aux groupes extrêmistes responsables des assassinats : « Ignorer les problèmes n’est pas une solution. Les autorités doivent condamner fermement ces meurtres, lancer rapidement une enquête minutieuse, transparente et impartiale, rendre justice aux victimes, demander des comptes aux coupables, et protéger ceux qui sont en encore danger. »

Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil, Alice Hérait, Liu Zhifan et Juliette Morillot, avec Sébastien Farcis à New Delhi et Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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