Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

Corée du Sud : Moon Jae-in largement élu président, mais sans état de grâce

Le président élu Moon Jae-in du Parti démocratique de Corée proclame sa victoire au scrutin du 9 mai dans le Hall des Membres du Parlement à Séoul, le 9 mai 2017. (Crédits : The Yomiuri Shimbun / via AFP)
Le président élu Moon Jae-in du Parti démocratique de Corée proclame sa victoire au scrutin du 9 mai dans le Hall des Membres du Parlement à Séoul, le 9 mai 2017. (Crédits : The Yomiuri Shimbun / via AFP)
Après avoir félicité ce matin le nouveau président français élu Emmanuel Macron, Kim Jong-un sera-t-il aussi affable envers un autre président fraîchement élu, Moon Jae-in, son voisin du Sud ? Nous avons des doutes. Et pourtant, le nouveau président sud-coréen, favori des sondages, s’est largement imposé par 41,4% des voix exprimées (estimations effectuées à la sortie des urnes) face à ses adversaires politiques du jour.
Après 8 mois de brouillard politique né de la procédure d’impeachment prononcée à l’encontre de l’ex-présidente Park Geun-hye engluée dans le scandale du « Choi Gate », les électeurs sud-coréens étaient appelés aux urnes aujourd’hui, lundi 9 mai. Depuis l’annonce de la tenue des élections anticipées, le grand favori des sondages était Moon Jae-in, chef de file du Democratic Party of Korea ; même si nombre de journaux tel le Korea Herald mettait en garde contre le « spectre d’un phénomène à la Trump » avec l’émergence de Hong Joon-pyo, le très conservateur candidat du Liberty Korea Party. Mais le match n’a même pas été serré : dans un raz-de-marée, Moon a remporté le scrutin avec 41,4% des voix, loin devant Hong, deuxième avec 23,3% des voix selon les derniers sondages aux sorties des urnes. Toujours selon ces estimations transmises en direct par le Korea Times en attendant les résultats officiels consolidés pour demain mercredi 10 mai, Hong devance de deux points dans ce scrutin à un tour le candidat du People’s Party Ahn Cheol-soo (21.8%) et distance très largement les deux derniers candidats en lice : Yoo Seong-min du Bareun Party (7,1 %) et Sim Sang-jung du Justice Party (5,9%).
Moon Jae-in est donc le nouveau président de la République de Corée. Et ce n’est pas une litote de dire que la tâche qui l’attend est considérable. Ainsi, pour l’éditorialiste du Korea Times, Moon n’a « même pas le temps de célébrer sa victoire » du fait des « urgents et formidables challenges » qui l’attendent. Et de dérouler une liste à la Prévert : « restaurer un leadership national » gravement mis à mal par le « Choi Gate » et ses conséquences ; « assumer sans tarder sa prise de poste » qui doit avoir lieu demain, mercredi 10 mai, sans la passation habituelle de deux mois ; et enfin, nommer un gouvernement alors même qu’il ne dispose pas, tout comme les autres partis en lice pendant cette élection présidentielle, de majorité à l’Assemblée nationale. Ainsi, pour le quotidien sud-coréen, il serait bon que le gouvernement qui doit être nommé dans les semaines à venir soit « le plus large possible » afin d’inclure « des individus se trouvant hors de la sphère des partisans politiques et régionaux de Moon ». En effet, la politique du président élu se doit d’être basée sur une vision « résolument tournée vers le présent et le futur, et non sur le passé », seule façon de rassembler toute la population sud-coréenne « qui ne peut plus se permettre de vivre des conflits internes ».
Mais malgré ces vœux pieux du Korea Times, l’ancien adversaire de Park Geun-hye peut-il sous son nom « réunifier la population de Corée du Sud » ? C’était en tout cas l’un des thèmes centraux de sa campagne, rappelle le quotidien britannique The Gardian dans un portrait consacré au nouveau locataire de la Maison Bleue. Mais pas seulement. Pendant sa campagne, Moon a aussi entrepris de critiquer la ligne conservatrice qui prévaut dans les négociations avec le turbulent voisin nord-coréen en rappelant que depuis 10 ans – soit sous les mandats de Park Guen-hye et de son prédécesseur Lee Myung-bak -, les politiques menées envers Pyongyang « n’avaient en aucun cas arrêté le programme nucléaire du régime ». le nouveau président serait donc tout à fait disposé à rouvrir la zone industrielle inter-coréenne de Kaesong, fermée depuis janvier 2016. De même, toujours à verser aux promesses de campagne, Moon a promis de réformer le « système des conglomérats coréens, les chaebols » récemment mis à mal du fait de leurs liens avec le scandale du « Choi Gate » ; le tout en combattant l’augmentation des inégalités sociales, et spécialement le chômage de masse de la jeunesse.
Oui, la route est longue et semée d’embuches intérieures et extérieures ; mais, qui mieux que ce fils ainé d’un immigré de Corée du Nord, que cet ancien avocat spécialiste des droits de l’homme, que cet ancien directeur de cabinet (« chief of staff ») du président Roh Moo-hyun qui avait poursuivi avec brio la politique de réconciliation de la « Sunshine Policy » de Kim Dae-jung, qui mieux que ce vieux « briscard » la politique de 64 ans pour mener à bien cette tâche ? Décidément, l’heure n’est pas à la célébration de la victoire.
Par Antoine Richard

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