Chine-Ghana : une relation douce-amère sous la plume du caricaturiste Bright Ackwerh
Visite guidée
« Ce tableau date de 2017, raconte Bright Ackwerh. À ce moment-là, il y avait un grand débat populaire en Afrique de l’Ouest pour savoir qui faisait le meilleur jollof. Personnellement, je trouve que ce débat n’a pas de sens : le plat a été inventé par l’ethnie wolof au Sénégal, et puis le Ghana et le Nigéria s’en sont emparés. Maintenant tout le monde croit en être à l’origine. Mais surtout, j’avais déjà l’impression que nous devions nous focaliser sur une question plus importante : la manière dont la Chine s’emparait de certaines des économies les plus cruciales du continent, notamment l’agroalimentaire. La plupart des ingrédients du jollof, qui est censé être un pilier de notre gastronomie, sont maintenant importés de Chine. Qu’est-ce que cela dit de notre sécurité alimentaire ? »
« La composition du dessin est une référence à un célèbre tableau américain, Washington traversant le Delaware, d’Emanuel Leutze [qui lui-même renvoie à la symbolique du passage du fleuve des enfers, le Styx, NDLR]. Dans les deux tableaux, les personnages traversent le fleuve ou l’océan en direction de ce qu’ils pensent être leur salut. Nana Akufo-Addo est le chef du groupe, il tient à la main un livre intitulé Ghana Beyond Aid [le slogan au cœur de son programme économique, qui défendait l’idée d’un Ghana affranchi de l’aide du FMI, NDLR], mais la direction qu’il indique aux autres est celle de la Chine. »
Contexte
Les relations sino-ghanéennes ne sont pas neuves. En mai 1959, l’intellectuel afro-américain W.E.B. Du Bois (1868-1963), qui s’était installé dans ses dernières années au Ghana nouvellement indépendant, rencontrait à Pékin le président du parti communiste chinois Mao Zedong. Une visite abondamment reprise par la propagande d’État maoïste, qui avait même tourné un documentaire en anglais pour l’occasion. Quant à Kwame Nkrumah (1909-1972), grand leader panafricaniste et premier président de la République ghanéenne, il n’a jamais fait mystère de ses bonnes relations avec la Chine communiste, ni de l’influence du maoïsme sur sa propre doctrine politique. Une communauté chinoise s’est implantée dès les années 1940 dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, espérant notamment faire fortune dans les mines d’or illégales, appelées « galamsey ». Une pratique qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours, en dépit d’une campagne d’expulsions lancée en 2018 par le Ghana contre ces chercheurs d’or illégaux.
M. J.
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