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Coronavirus, Donald Trump ou Hong Kong : les enjeux des "deux assemblées" en Chine

Le Premier ministre chinois Li Keqiang lors de son discours devant l'Assemblée nationale populaire à Pékin le 5 mars 2019. (Source : CNBC)
Le Premier ministre chinois Li Keqiang lors de son discours devant l'Assemblée nationale populaire à Pékin le 5 mars 2019. (Source : CNBC)
Alors que les drones de contrôle du confinement ont été rangés à Pékin et que les manifestations reprennent de plus belle à Hong Kong, le Parti communiste chinois se prépare activement pour les « deux assemblées » (lianghui, 两会). La double session parlementaire de l’Assemblée nationale populaire et de la Conférence consultative du peuple chinois aura lieu les 21 et 22 mai prochains. État des lieux des dossiers incontournables pour le pouvoir central.
*Sans parler de la promotion de Gong Zheng (龚正) à la mairie de Shanghai ainsi que des rétrogradations de Jiang Chaoliang (蒋超良) et de Ma Guoqiuang (马国强) suite à la gestation inefficace du coronavirus au tout début de la pandémie.
le Parti a devant lui un ordre du jour conséquent durant les « deux assemblées ». En guise de préparatifs, un certain nombre de promotions surprises avaient été annoncées d’une part. Parmi elles, Tang Lijun (唐一军) à la tête du ministère de la Justice, Li Ganjie (李干杰) nommé gouverneur du Shandong ou de Huang Runqiu (黄润秋), nouveau ministre de l’Écologie et de la Protection environnementale. D’autre part, la direction du PCC a mené une série de purges spectaculaires au cours du mois d’avril, avec la mise en examen de Sun Lijun (孙力军), la retraite anticipée de Fu Zhenghua (傅政华) ou la mise au placard prématuré de Sun Jinlong (孙金龙, jusque-là secrétaire du Parti pour le ministère de l’Écologie.
Sans compter les remaniements supplémentaires de ses hauts cadres, le Parti a devant lui plusieurs questions critiques auxquelles il faut trouver d’urgence des solutions. Quelle stratégie de relance face au ralentissement économique ? Comment évaluer la situation de l’épidémie de Covid-19 un peu partout en province ? Quelle politique étrangère face aux critiques internationales contre la Chine ? Comment gérer le retour des manifestations à Hong Kong ?

La « vengeance par l’achat »… sans perspective d’emploi ?

Depuis la réouverture progressive de certaines provinces et villes après parfois plus de trois mois de confinement, la Chine peine à se remettre debout. Et cela malgré ce qu’en disent certains observateurs étrangers pour qui « la Chine se remet alors que l’Europe est en crise » ou qui s’appliquent à expliquer « comment la Chine pourrait encore se renforcer à la suite du Cvid-19 ».
En fait, la Chine est loin d’être tirée d’affaire. Le revenu disponible des ménages a chuté de 3,9 % en avril. Les offres d’emplois ont également baissé et les mises à pied ont explosé. Combinés, ces trois éléments seraient d’ordinaire suffisants pour provoquer à un changement de gouvernement dans un système démocratique. Cependant, les régimes autoritaires ne font que rarement face à des crises gouvernementales. On parle plutôt de crises de régime. Néanmoins, le Parti se doit de prendre des mesures sérieuses pour faire face à la situation actuelle. On est loin d’une Chine qui peut profiter de la crise.
Justement, Pékin a annoncé de vastes projets publics, d’infrastructure notamment, un peu partout en Chine afin de relancer son économie peuplée d’entreprises d’État. Autour d’elles, les projets stimuleront la production d’acier et de béton ainsi que les secteurs qui en dépendent de ce grandes compagnies étatiques dans les services, la restauration, le petit commerce de détail ou les petits sous-traitants. Cela permettra au secteur immobilier de reprendre le développement de projets déjà entamés. Cependant, les petites moyennes entreprises et même les particuliers qui ne sont pas dans le secteur public ne bénéficieront seulement à la marge ce « ruissellement » économique.
Cette situation place une majorité de Chinois dans une position précaire. Ce qui en retour affecte directement la demande. Et en ce moment, la demande domestique demeure assez faible, ce qui n’est pas un bon signe pour une économie qui tente de redémarrer. Les observateurs s’attendaient à une vague de dépenses au début de mois de mai dans le tourisme et la vente au détail. Un peu comme une « vengeance par l’achat » (报复性消费, baofuxing xiaofei) – une expression née en Chine dans les années 1980 quand les consommateurs s’étaient rués dans les magasins de luxe ou étrangers après des années de frustration durant la Révolution culturelle instaurée par Mao Zedong. Malheureusement, il n’en fut rien. Même si le secteur automobile et le pétrole reprennent timidement sur le marché domestique.
*Cela dit, les politiques fiscales ont besoin d’être approuvées par le Conseil d’État.
La banque centrale chinoise (PBOC), équivalent de la Réserve fédérale américaine (FED), a annoncé une amplification des politiques fiscales* et monétaires, sans toutefois donner trop de détails. Les autorités centrales (et non la PBOC) ne semblent pas bien comprendre la sévérité de la situation qui dépasse largement la crise de 2008 – une douce plaisanterie à côté de la crise actuelle. De l’autre côté du Pacifique, la Fed suit la situation en temps réel et répond assez rapidement au défi de la crise économique – comme elle le fait déjà pour répondre à la pandémie. La PBOC aurait pu en faire de même, elle qui, en temps normal, tente de rester politiquement neutre. C’est qu’à l’instar de Pékin, elle aurait tout intérêt à s’y mettre tandis que la crise actuelle, dans sa forme et sa structure, est une « nouveauté » à l’ampleur encore imprévisible.
Malgré tout, des solutions devront être trouvées durant les « deux assemblées » – ou au moins avant l’annuelle retraite estivale des plus hauts dirigeants chinois à Beidaihe. Car les mesures déjà mises en place, en plus de n’offrir aucune vraie solution à long terme, ne permettent pas de répondre à la baisse des revenus disponibles. Il faudrait que l’équipe de Liu He, vice-premier ministre et « M. Économie » de Xi Jinping, parvienne à verser l’argent directement dans les poches des particuliers. Le débat est le même qu’aux États-Unis et au Canada ces dernières semaines.
Si dans certains cas, des dettes et des loyers ont été allégées, cela ne règle en rien la problématique du patron qui doit payer ses employés ou encore du demandeur d’emploi. Les mesures déjà annoncées par la PBOC seront au mieux une pommade superficielle qui ne s’attaquent pas aux racines des problèmes systémiques au sein de l’économie domestique chinoise.

À la recherche de l’origine du Covid-19

Deuxième enjeu majeur, sans surprise : la gestion de la pandémie, son développement, les mesures de confinement, de contrôle ou de protection. De prime abord, certaines personnes auront des comptes à rendre devant l’Assemblée Nationale Populaire, dont Jiang Chaoliang (蒋超良), ex-secrétaire du Parti pour le Hubei, et Ma Guoqiang (马国强), ex-secrétaire du Parti de Wuhan. Associé de Wang Qishan, Jiang risque de s’en sortir comme Meng Xuenong (孟学农), maire de Pékin au moment de l’explosion du SRAS. Car Jiang est un cadre « financier » (金融领域干部) de premier plan et non un apparatchik politique. Il avait pour mission de revigorer l’économie du Hubei. C’est sur ce point qu’il pourrait être excusé. Concernant Ma Guoqiang, ses liens avec la « clique de Wugang » (武钢), liée de près aux intérêts shanghaïens, ne pourront pas le sauver.
En attendant, deux figures de la crise sanitaire demeurent impunies : Wang Xiaodong (王晓东), gouverneur du Hubei, et Zhou Xianwang (周先旺), maire de Wuhan. Depuis le début de la crise, plusieurs se sont demandé pourquoi avoir congédié Jiang Chaoliang, mais pas Wang Xiaodong. Wang est une connaissance de Li Zhanshu, numéro 3 du régime et secrétaire du comité permanent de l’Assemblée nationale populaire. Wang est aussi le gouverneur du Hubei, et donc le responsable de la gestion quotidienne, en contact avec les représentants des préfectures, des comtés et des districts, et cela depuis un bon moment déjà. Il ne faut pas oublier que Wang est aussi en poste au Hubei depuis 2011 – ce qui lui donne un net avantage en situation de crise. Ce faisant remplacer en pleine pandémie Wang Xiaodong – figure historique des institutions de la province – n’aurait pas été une bonne idée. Maintenant que les choses se calment, la situation pourrait changer, mais un tel limogeage demeure compliqué.
Pour Zhou Xianwang, la question sera plus délicate : le 27 janvier, le maire de Wuhan a ouvertement accusé Pékin d’être partiellement responsable du manque de transparence sur l’état réel de l’épidémie. Sans même s’attarder sur la véracité de cette déclaration, c’était là transgresser l’un des interdits qui existe dans la relation entre le pouvoir central et les gouvernements locaux : ne jamais laver son linge sale en public. Le fait que Zhou ait jeter le blâme sur Pékin lui assure une place de choix au menu des « deux assemblées ».
En parlant du sort des cadres au menu des discussions, n’oublions pas Ma Xiaowei (马晓伟), directeur de la commission nationale de la santé, et bien entendu, Gao Fu (高福), le directeur du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies. Ma, coincé au rang de directeur-adjoint de la commission, du ministère de la Santé et de la planification familiale depuis 2001, n’avait pas nécessairement la meilleure réputation, même avant la pandémie. Il avait dû être le porte-parole de Zhang Wenkang (张文康), un proche de Jiang Zemin, en 2003. Il avait participé aux premiers efforts pour étouffer la crise du SRAS. Il n’y avait donc aucune raison de penser que Ma ferait mieux qu’en 2003 dans une situation similaire. En ce sens, Ma Xiaowei se retrouvera sûrement au banc des accusés dans la mesure où il « représente » la partie visible du système de santé chinois, la partie responsable de la chaîne de communication initiale.
Pendant un moment, la commission de la santé semble avoir essayé de rejeter la faute sur Gao Fu, lui qui occupe pourtant un poste nettement inférieur à celui de Ma. Néanmoins, étant donné que Gao Fu fait partie des structures de préventions en première ligne, il est certain qu’on parlera de lui ainsi que des bévues initiales dans la gestion de la crise. Il est certain que les deux hommes ne seront pas épargnés, et probablement remplacés dans un avenir proche.
Comme en 2003, très peu de directeurs provinciaux de la commission de la santé ont été limogés depuis janvier 2020. En fait, sur les 40 cadres provinciaux à ces postes, seulement 2 ont été limogés dans le Hubei et 1 dans le Yunnan fut transféré à un autre poste en avril. On est loin des dizaines de mises en examen et de mises à la retraite des niveaux préfecture et de comté. Ces résultats demeurent malgré tout congruents avec les crises précédentes dont le SRAS de 2003 et du VIH au milieu des années 1990.
*Li Bin, un vétéran du secteur de la santé, était en place au Heilongjiang lors de la crise du lait contaminé de 2008.
Enfin, la Chine a annoncé début mai une prochaine réforme de son système de prévention et de contrôle des maladies, système mis à rude épreuve par la pandémie actuelle. Le message porté le 9 mai par Li Bin (李斌) (et non Ma Xiaowei), directeur adjoint de la commission nationale de la santé*, propose un système centralisé et « efficient » ainsi qu’un plan de modernisation du système de manière générale. Ce mea culpa – si l’expression et les intentions sont justes – ressemble un peu aux propos tenus par Wen Jiabao durant la crise du SRAS. Il parlait alors de réforme et de la « sécurité et de la santé » de la population.
*La meilleure idée serait pour la Chine de rendre publiques pour les observateurs étrangers ces nouvelles mesures afin de pouvoir en tirer du capital politique.
Cependant, ce « nouveau » système devra convaincre les membres du Parti, la population chinoise, mais aussi les observateurs externes qui en attendent plus en matière de transparence et de collaboration de la part de la Chine. Malheureusement, à en juger par le passé, plutôt que d’attendre les détails du plan, il veut mieux surtout faire le suivi – si une telle chose est possible – de la mise en place de ces nouvelles mesures*.

Une politique étrangère ambivalente

Les « deux assemblées » s’attarderont aussi sur plusieurs dossiers de la politique étrangère chinoise ces dernières semaines, considérée par plusieurs pays comme « déplacée ». À savoir, cette diplomatie guerrière à laquelle s’adonne certains diplomates chinois depuis la fin du mois février.
Sans refaire l’historique des passe d’armes sur Twitter ou de certaines conférences de presse, l’attitude cavalière mise en scène par certains diplomates chinois reflète très bien les différentes tensions au sein du système de la propagande en Chine. Le problème est que d’ordinaire ce type de discours s’adresse à l’opinion publique nationale, et non pas à l’extérieur de la Chine – même si le Parti doit pourtant savoir que la communauté internationale lit et entend ce qui se dit en Chine. Ce qui cause parfois une certaine confusion entre la manière dont se conduit Pékin sur la scène internationale, et ce qu’on dit de ces actions sur la scène nationale.
Dans le cas présent, on assiste plutôt à une série de tentatives assez maladroites pour « défendre la Chine » contre l’Occident. Lequel aurait sans doute été moins regardant si les commentaires de certains diplomates et ambassadeurs avaient été moins virulents. Cette attitude cavalière, demandée par Xi, mais surtout grandement encouragée par Wang Huning (王沪宁), a réussi à mettre beaucoup de pression sur la Chine, en particulier sur l’origine de la pandémie. Cette attitude a aussi conduit la Chine à perdre une partie de son capital politique sur la scène internationale. Quant à la « diplomatie des masques », c’était malheureusement trop peu et trop tard.
Cependant, le vrai problème se trouve dans les conséquences « inattendues » à Pékin de cette stratégie diplomatique : multiplication des demandes d’enquête, méfiance grandissante ou recrudescence du discours anti-chinois. Pire encore sans doute, la menace de Donald Trump de « déchirer » la première phase de l’accord commercial avec la Chine, en plus de remettre sur la table d’éventuels nouveaux droits de douane. Le président américain a même déclarer qu’il songeait à rompre les relations entre Pékin et Washington – scénario peu probable, admettons-le. Cependant, la Chine ne peut pas se permettre d’en découdre une nouvelle fois avec les États-Unis. L’Amérique, elle, se trouve dans une position différente : en période électorale, Trump pourrait tenter de capitaliser sur le sentiment anti-chinois dans certaines franges de la population américaine.

Des cadres à remplacer : le vieillissement du Conseil des ministres

Qui dit Assemblée nationale populaire dit aussi remaniement possible du personnel dirigeant. Outre les changements déjà réalisés depuis mars, plusieurs postes sont ou seront à pourvoir d’ici peu. D’emblée, plusieurs mandats provinciaux arrivent à échéance cette année. En premier lieu, celui de Chen Hao (陈豪), 66 ans, secrétaire du Parti pour le Yunnan, celui de Sun Zhigang (孙志刚), 66 ans, secrétaire du Parti pour le Guizhou. Également à pourvoir bientôt les postes de Chen Wu (陈武), 65 ans, président de la région autonome du Guangxi, et de Chen Qiufa (陈求发), 65 ans, secrétaire du Parti pour le Liaoning, mais aussi de Shohrat Zakir (雪克来提·扎克尔), 66 ans, président de la région autonome du Xinjiang, ou de Bayanqolu (巴音朝鲁, 64 ans, secrétaire du Parti pour le Jilin, de Chen Quanguo (陈全国, 64 ans, secrétaire du Parti pour le Xinjiang, et de Che Jun (车俊), 64 ans et secrétaire du Parti pour le Zhejiang.
*Membre de cette « bande du Shaanxi » de Xi Jinping.
Dans les cas de Sun Zhigang, Chen Hao et Shohrat, le constat est simple : tous trois ont atteint la limite d’âge pour les postes provinciaux. Sun connaît bien les questions de santé publique, en plus d’avoir bien connu Yu Zhengsheng (俞正声)* plus tôt dans sa carrière. Il pourrait se voir offrir un siège dans l’une des commissions de l’Assemblée. Chen Hao pourrait suivre un chemin similaire vers une commission portant sur les finances. Le cas de Shohrat est légèrement différent. Pour des raisons de gouvernance, les minorités sont parfois laissées en poste après 65 ans. Cela dit, si Shohrat est remplacé, il devra l’être par un cadre issu de l’une des minorités ethniques. Aussi, il ne serait pas surprenant de le voir aller vers la commission des Affaires ethniques de l’Assemblée. En fait, le choix sera sûrement entre Shohrat et Chen Wu – d’ailleurs plus connu sur la scène politique. Pour ce qui est de Chen Qiufa, il pourrait être affecté à la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois (CCPC), l’autre assemblée.
Bayanqolu représente aussi un cas intéressant. Le patron du Parti dans la province de Jilin est déjà en poste depuis 2014 et devra se retirer bientôt. Chen Quanguo, déjà membre du Politburo pourrait rester jusqu’en 2022 sans problème. Cela dit, si Xi Jinping voulait reprendre le siège du Xinjiang, le moment serait bien choisi. Or, le favori dans la course au Xinjiang, Sun Jinlong, a été mis au placard, relançant ainsi la recherche d’un successeur potentiel pour la région autonome. Le cas de Che Jun est similaire à celui de Chen Quanguo. Il pourrait demeurer en poste jusqu’en 2021-2022. Cela dit, il ne faudrait pas laisser trop de choses au hasard alors que ces individus vieillissent et que la joute factionnelle s’intensifie.
*Les cas de Wang Yongkang et de Wang Lixia sont moins probables dans la mesure où tous les deux furent promus récemment.
Reste à pourvoir le poste de gouverneur du Liaoning, occupé par Tang Yijun jusqu’en avril. Depuis la fin du mois dernier, plusieurs noms circulent à cet effet dont ceux de Yu Shaolioang (于绍良), chef du département de l’organisation de Shanghai, de Zhao Yide (赵一德), secrétaire adjoint du Parti au Hebei, de Wang Ning (王宁) secrétaire adjoint du Parti dans le Fujian, et dans une moindre mesure, de Wang Yongkang (王永康), gouverneur adjoint du Heilongjiang, ou encore de Wang Lixia (王莉霞), secrétaire du Parti pour la ville de Hohhot*.
*À noter, Miao Wei et Han Changfu sont des proches du Premier ministre Li Keqiang.
Du côté ministériel, la donne est différente. Le chef de la diplomatie, Wang Yi, a déjà 66 ans. Le ministre de la Défense nationale Wei Fenghe aussi. He Lifeng, le chef de la puissante Commission pour le développement et la réforme, arrive en fin de parcours à 65 ans, mais il est sauvé par son poste de vice-président de la CCPPC. Miao Wei, ministre de l’Industrie et des Technologies de l’information, est en poste depuis 2010 et a maintenant 65 ans. Bater’er (巴特尔), chef de la Commission des Affaires ethniques, a 65 ans et se trouve dans la même situation que He Lifeng. Han Changfu (韩长赋)*, le ministre de l’Agriculture et des Affaires rurales, a 65 ans et n’a aucune perspective de promotion future. Zhong Shan, ministre du Commerce et proche de Liu He, s’approche dangereusement de la barre des 65 ans. Luo Shugang (雒树刚), ministre de la Culture et du Tourisme, est un associé de Liu Yunshan qui arrive au seuil des 65 ans en ce mois de mai. Quant à Hu Zijun (胡泽君), cheffe du Bureau national de l’Audit, elle a eu 65 ans au mois de mars. En fin de compte, Miao Wei, Han Changfu, Luo Shugang et Hu Zejun seront sur la sellette durant la session parlementaire.
Dernier cas important : Zhao Kezhi, proche de Hu Jintao et de Xi Jinping, déjà âgé de 66 ans. Suite à la « victoire » de Wang Xiaohong (王小洪) sur Sun Lijun, des murmures sur un possible remaniement au sommet du ministère de la Sécurité publique se sont fait entendre. Il est possible que Wang Xiaohong vienne remplacer Zhao Kezhi en tant que ministre afin de continuer à mettre de la pression sur Guo Shengkun, qui dirige la commission centrale politico-legale du Parti, et Zhou Qiang, le président de la Cour Suprême. Zhao pourrait quant à lui rejoindre Li Zhanshu au comité permanent de l’Assemblée.
Mais que faire de Guo Shengkun ? Le remplacer est problématique dans la mesure où ce membre du Politburo devra recevoir un autre poste de premier plan en échange. Comme dans le cas de Han Zheng et son poste de secrétaire du Parti de Shanghai qu’il a monnayé contre le double maroquin de vice-premier ministre et directeur du groupe de coordination central des Affaires de Hong Kong et Macao. Les « coûts transactionnels » à ce niveau sont très élevés. Il est donc probable que ce changement de position pour Guo Shengkun sera remis à plus tard.

La question de la sécurité à Hong Kong

Dernier point incontournable : la proposition de loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, dans l’air depuis un moment. Peu de détails ont filtré pour l’instant, mais Luo Huining, directeur du Bureau de Liaison du gouvernement central à Hong Kong, a plusieurs fois évoqué la nécessité de mettre en place ce projet de loi afin de contenir les manifestations. Bien entendu, les propos de Luo ont ravivé la flamme des manifestants. Pourtant, Xia Baolong, directeur du bureau des Affaires de Hong Kong et Macao et membre de la « clique du Zhejiang » de Xi, est resté silencieux sur ce point. Le président chinois commence-t-il à regretter d’avoir choisi Luo – le secrétaire particulier (mishu) de Hui Liangyu ? Quoi qu’il en soit, les partisans de la ligne dure face aux manifestants hongkongais tenteront de s’assurer que le projet de loi est bien mis en place. Une décision qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour Hong Kong ainsi que pour la stabilité du système politique chinois dans son ensemble.
Cependant, d’un point de vue pragmatique, est-ce un bon timing pour parler de genre de projet de loi ? Non. Avec un ralentissement économique prononcé et une pandémie, un renouvellement des manifestations pro-démocratie dans l’ancienne colonie britannique ne ferait qu’aggraver la situation financière et sanitaire de Hong Kong. Et en ce moment, Pékin ne peut pas se permettre d’user encore davantage des ressources de plus en plus limitées.

Ralentissement économique et ordre politique

Si la Chine a commencé à se déconfiner depuis près de six semaines, elle est encore en désordre. Le ralentissement de son économie et l’opinion internationale à son égard ne font qu’aggraver la situation pour le Parti. Or le pouvoir central tente, tant bien que mal, de stabiliser ce « nouveau normal », ce « monde d’après » la pandémie pour le pays.
Pour l’heure, le mois de mai n’est pas encore terminé et d’autres évènements pourraient venir bousculer l’ordre des priorités. On pense à une crise éventuelle avec la communauté internationale, mais aussi aux problèmes économiques systémiques déjà propres à la Chine. Ce faisant, il faudra demeurer attentif lors des prochains jours et observer les comportements du pouvoir chinois qui, malgré les secondes vagues de covid un peu partout sur son territoire, a décidé de maintenir bon an mal an les « deux assemblées ».
Par Alex Payette

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.