Ventes d'armes en Asie : les raisons du boom
Contexte
Le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) est un organisme international indépendant dédié à la recherche sur les conflits, l’armement, le contrôle des armes et le désarmement. Créé en 1966, le SIPRI fourni des données, des annalyses et des recommandations, fondées sur des « sources ouvertes », aux décideurs politiques, aux chercheurs, au médias et au public intéressé. Basé à Stockholm, le SIPRI est présent également à Pékin et se trouve régulièrement classé parmi les think tanks les plus respectés dans le monde.
L’Asie : 46% des importations mondiales
Parmi les fournisseurs extérieurs du continent, pas de surprise : les Etats-Unis et la Russie, deux des acteurs majeurs du commerce des armes dans le monde, se partagent la plus grosse part du gâteau asiatique. Pour les Américains, l’Asie et l’Océanie représentent 40% de leurs exportations d’armes sur la période 2011-2015, contre 41% pour le Moyen-Orient et seulement 9,9% pour l’Europe. Quant aux Russes, l’Asie et l’Océanie restent de loin leurs principaux débouchés en matière de ventes d’armes : 68% des exportations sur la période étudiée, contre 11% pour l’Afrique, 8,2% pour le Moyen-Orient et 6,4% pour l’Europe. Trois pays se distinguent dans le classement des exportations russes, et tous sont asiatiques : l’Inde en représente 39% entre 2011 et 2015, tandis que la Chine et le Pakistan pèsent chacun à hauteur de 11% de ces transferts russes. La France et l’Allemagne arrivent derrière : 28% et 23% de leurs exportations globales respectives sont parties vers l’Asie et l’Océanie ces cinq dernières années.
L’Asie importe plus d’armes : illustration à travers le cas indien
Si l’Inde est le principal importateur d’armes dans le monde, c’est en grande partie parce l’industrie de ce pays « a jusqu’ici largement échoué à produire des armes compétitives faites maison », analyse le SIPRI. Ce qui est nouveau en revanche, c’est que l’Inde à connu une augmentation impressionnante de ses importations d’armes entre les périodes 2006-2010 et 2011-2015 : +90%. Dans la période récente étudiée, les importations indiennes se sont révélées trois fois plus grandes que celles de ses rivaux chinois et pakistanais dans le même laps de temps, remarque le centre d’étude de Stockholm.
70% des importations d’armes indiennes entre 2011 et 2015 sont le fait de l’industrie russe. La Russie est, « et restera très largement le principal pourvoyeur d’armes majeures de l’Inde dans le futur sauf imprévu », assure le SIPRI. Mais les Etats-Unis ont gagné des parts de marché significatives : en transférant à New Delhi 11 fois plus d’armes qu’entre 2006 et 2010, Washington s’est imposé, entre 2010 et 2015, comme le second fournisseurs actuel de l’Inde, avec 14% des importations d’armes de ce pays. Israël complète le podium, avec 4,5% entre 2011 et 2015.
Vietnam : +699% d’armes importées entre 2006-2010 et 2011-2015
Cette assertion est d’ailleurs confortée par le détail, puisque les bateaux et autres sous-marins ont constitué 44% des importations vietnamiennes entre 2011 et 2015, et les avions 37%. Là encore, la Russie structure l’armement vietnamien. Mais il le fait cette fois dans des proportions laissant peu de place à la concurrence: 93% des importations d’armes d’Hanoi. Le SIPRI évoque le transfert de huit avions de combat, mais aussi quatre navires d’attaque rapide et quatre sous-marins armés de missiles de combat terrestre. Et d’anticiper sur la suite, en évoquant l’acquisition prochaine de six frégates et deux sous-marins supplémentaires.
Pourquoi la Chine importe-t-elle moins d’armes que par le passé ?
Lorsqu’elle achète des armes, la Chine se tourne d’abord vers Moscou (59% des importations d’armes chinoises entre 2011 et 2015). Mais Pékin ne se met pas d’oeillère et commerce également avec de très anciens interlocuteurs à elle, en premier lieu la France, son deuxième fournisseur sur la période étudiée (15%), devant l’Ukraine (14%), un héritier de l’ancienne Union soviétique qui, très tôt après l’explosion du bloc de l’Est, a su trouver sa place sur le marché de l’armement.
La signature par la Russie, en 2015, de contrats pour renforcer les systèmes de la défense aérienne chinoise, et pour fournir à Pékin quelque 24 avions de combat prochainement, « indiquent que la Chine n’est pas encore autosuffisante dans ces catégories », explique le SIPRI. Car pour le reste, si les Chinois achètent moins d’armement aux autres, c’est parce que leur pays s’avère « de plus en plus à même de produire ses propres armes avancées et se montre de moins en moins dépendant » de l’extérieur, commente l’institut.
La Chine, nouvel exportateur d’armement, mais d’abord vers l’Asie
La Chine a fourni des armes, entre 2006 et 2015, à au moins 37 pays, majoritairement situés en Asie et en Océanie (75% des exportations chinoises). C’est même de plus en plus vrai, puisque les exportations chinoises en matière d’armes majeures vers sa propre région ont été, entre 2011 et 2015, 139% plus importantes qu’entre 2006 et 2010. Le gagnant s’appelle le Pakistan, principal débouché pour la Chine (35% de ses exportations d’armes entre 2010 et 2015), suivi par le Bangladesh (20%) et la Birmanie (16%). Mais les Chinois parviennent à se frayer un chemin hors d’Asie, en Afrique par exemple, où ils ont transféré plus d’armes que les Etats-Unis ces cinq dernières années (13% du marché continental, contre 11%). Leur score grimpe même à 22% pour l’Afrique subsaharienne.
L’attrait spécifique de certains pays asiatiques pour les sous-marins
La Corée du Sud, justement, s’est fait une place de choix dans ce secteur avec la Chine. Entre 2006 et 2015, soit sur les deux périodes étudiées réunies, « le marché hautement compétitif des exportations croissantes de sous-marins a été complètement dominé par la Chine, la France, l’Allemagne, la Russie, la Corée du Sud et la Suède », explique en effet le SIPRI. Mais le Japon a rejoint la Chine et la Corée dans le gotha des vendeurs de sous-marins en 2015, ajoute le groupe d’études suédois, grâce à la signature d’un contrat avec l’Australie pour la vente de 12 sous-marins.
Le marché des sous-marins semble avoir de beaux jours devant lui, puisqu’à la fin de l’année 2015, 48 engins étaient encore attendus dans le cadre de commandes déjà passées. La Corée du Sud, qui devait encore en transférer trois à l’Indonésie, en attendaient par ailleurs cinq en provenance d’Allemagne. Berlin devait de surcroît en livrer deux à Singapour. Le Vietnam, quant à lui, avait passé commande pour deux appareils russes. Et la France étaient de son côté censée en transférer six à l’Inde. Quant à la Chine, il était prévu qu’elle envoie deux sous-marins au Bangladesh, et huit au Pakistan !
Pour approfondir
Consultez la banque de données en ligne du SIPRI et c’est ici.
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