Thaïlande : un monarque à qui la fortune sourit
Contexte
A 87 ans, le Roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej est le monarque au règne le plus long au monde. Il est en effet monté sur le trône en 1946. Sorti de l’hôpital où il a séjourné durant de longues périodes depuis 2009, il ne semble plus en capacité d’exercer sa fonction. Sa santé est suivie de très près dans le Royaume, où il est vu comme un arbitre moral et un pilier de la stabilité du pays. En principe, la Thaïlande est une monarchie constitutionnelle, mais le Souverain conserve une influence en coulisses, parfois décisive. Ces dix dernières années, les sanglantes divisions politiques qui ont débouché sur un coup d’Etat militaire en 2014, ont été attisées par le doute sur sa succession, que les élites thaïlandaises souhaitent contrôler.
Jusqu’à 290 millions d’euros de profit par an
Allocation budgétaire annuelle pour la famille royale
De même, en plus de la portion de ses revenus versée par le CPB, la famille royale bénéficie d’une allocation budgétaire annuelle d’environ 160 millions d’euros – qui prend en charge, entre autres, les frais de sécurité fournis par les officiers et les militaires et les salaires de tous les employés de la Maison royale. A titre de comparaison, la monarchie britannique reçoit aussi chaque année un sovereign grant du gouvernement – elle ne dispose pas d’un parc d’entreprises sous sa coupe. C’est l’utilisation de ce don souverain qui fait l’objet d’une explication détaillée sur le site de la monarchie britannique : les contribuables veulent savoir comment leur argent est utilisé.
La portion du budget reçu par la famille royale britannique s’élève à environ 0,006% du budget gouvernemental. En Thaïlande, la portion équivaut à 0,3% du budget – soit cinquante fois plus. C’est évidemment beaucoup moins que les 15% des revenus nationaux qui étaient octroyés à la famille royale sous la monarchie absolue jusqu’au roi Prajadhipok (1925-1935), lequel avait diminué cette proportion après le règne particulièrement dispendieux de son prédécesseur Vajiravudh.
Le « souverain le plus riche de la planète », selon Forbes
Forbes n’y a vu qu’un jeu de langage et persiste dans son classement. La loi de 1948 sur le CPB stipule en effet que ses revenus « peuvent être utilisés seulement par le roi selon son bon plaisir ».
Concurrence faussée
Depuis une loi de 1936, confirmée en 1948, les firmes du Crown Property Bureau sont dispensées de l’impôt sur les revenus et de l’impôt sur les sociétés. Dans leur domaine respectif, Siam Commercial Bank, Siam Cement Group ou la chaîne d’hôtel Kempinski sont donc avantagés par rapport à leur concurrent. Porphant Ouyyanont estime que ce privilège fausse le jeu de la concurrence et contribue à affaiblir le dynamisme de l’économie thaïlandaise. A l’heure où les Nations d’Asie du Sud-est tentent d’intégrer leurs économies, des voix commencent à se faire entendre en Thaïlande pour demander que le CPB paie des impôts, comme le font toutes les monarchies européennes.
Arnaud Dubus à Bangkok
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